Accueil » 10 ans après, le bel avenir du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse

Le dixième anniversaire du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse a été l’occasion de dresser un bilan de ce dispositif voulu par Martin Hirsch. En dix ans, près de 1000 expérimentations ont été menées et 260 millions engagés. Des politiques publiques structurantes, des innovations sociales majeures ont ainsi été réalisées. Convaincus, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes sont venus soutenir cette dynamique. Et faire des annonces importantes quant à son devenir.

 

L’INJEP a fêté les 10 ans du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) jeudi 6 décembre 2018 au Forum des images (Paris). Cet événement s’est tenu en présence de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, délégué interministériel à la Jeunesse, Thibaut de Saint Pol, directeur de l’INJEP, Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, enfin, Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, mais aussi de nombreux acteurs et évaluateurs des dispositifs expérimentés.

Trois temps forts ont rythmé cette rencontre. Le premier s’intéressait à la diversité des problématiques investies par le FEJ ainsi qu’à l’apport de ce dernier pour les porteurs de projets, pour les dispositifs expérimentés, et in fine pour les jeunes eux-mêmes. Le second invitait à réfléchir sur les méthodes et les modalités d’évaluation des expérimentations sociales et des dispositifs de jeunesse. Le troisième temps était quant à lui consacré au FEJ en tant qu’outil scientifique pour les acteurs de politiques publiques de jeunesse et à ses orientations pour l’avenir.

Une nouvelle philosophie de l’action pour les acteurs  

« La première qualité de ces expérimentations au service de l’action est de permettre aux évaluateurs et aux porteurs de projets de préciser leur démarche commune en s’entendant précisément sur ce quoi doit porter l’évaluation. En soi c’est déjà une façon de préciser le projet et ses attendus », a expliqué Didier Dugast, directeur de l’Association nationale des maisons de créateurs qui accompagne les jeunes en mission locale dans leurs projets de création d’activité. L’évaluation d’impact pilotée par le FEJ a permis de distinguer les jeunes créateurs accompagnés de ceux qui ne le sont pas. Les résultats de cette randomisation sont sans appel : les jeunes accompagnés prennent leur parcours en main. Dès la première année, ils acquièrent de nouvelles compétences. Ils sont deux fois plus nombreux à suivre une formation professionnalisante que les non-bénéficiaires, et .deux ans plus tard, ils sont 23 % plus nombreux que les jeunes non accompagnés à avoir un emploi salarié.

Loin de la logique contrôle/sanction

Autres expérimentations valorisées par le FEJ : « Parler bambin » qui favorise les interactions langagières au sein de 96 crèches, le programme « Prévention des ruptures dans l’apprentissage » en Corrèze, le « Pass’ accompagnement » au logement porté par le Conseil départemental du Bas-Rhin, « Énergie Jeunes » qui développe une méthode originale en faveur de la persévérance scolaire… en tout ce sont près de 1000 dispositifs d’expérimentation-évaluation qui ont été soutenus, 260 millions engagés à travers des crédits mixtes du programme d’investissement d’avenir (PIA) et des contributions de partenaires privés. Si les évaluations portent principalement sur les effets et les conditions de mise en œuvre, les mesures d’impact via la randomisation et le testing figurent au rang des méthodes les plus utilisées.

Au-delà des méthodes employées, le double procédé d’expérimentation et d’évaluation semble avoir modifié les pratiques des acteurs qui ont intégré les outils, non pas comme une contrainte, mais comme un véritable atout, une philosophie renouvelée de l’action associative et d’intérêt général.

Loin de la logique de type « contrôle/sanction », les évaluations permettent en effet aux porteurs de projets de valider l’idée, « de comprendre si elle tient et de prendre de l’assurance » a témoigné Gisèle Magnan, directrice générale et artistique des « Concerts de poche ». Une association qui ambitionne de diffuser les grandes créations musicales classiques et contemporaines dans les campagnes et les quartiers populaires. Pour ce faire, « Les Concerts de poche » ont voulu adopter une démarche itinérante et reposer sur le principe des ateliers articulé aux représentations. « L’émotion de l’écoute, mais aussi celle que l’on éprouve lorsqu’on joue permettent à l’individu et au collectif de se constituer, j’en suis convaincue. Aussi nous voulions que la création soit au cœur de notre démarche. Cette évaluation extérieure nous a apporté de la certitude et des outils d’amélioration. Nous en sommes ressortis renforcés, plus équipés, plus sûrs de nous-mêmes, plus déterminés », a fait valoir Gisèle Magnan.

Dans la même veine, les évaluations ont permis aux porteurs de projets de l’association Mobilex visant la mobilité des jeunes de comprendre que « l’essentiel n’est pas d’offrir ou financer un permis de conduire, mais de produire un accompagnement de qualité » a expliqué Didier Luces. Ici, l’évaluation rejoint les préoccupations des professionnels qui interrogent leurs pratiques et sont ainsi tentés d’intégrer les dispositifs d’évaluation dans leurs stratégies innovantes.

Le lancement de nouvelles expérimentations autour de quatre axes : petite enfance, insertion des jeunes, accompagnement hors temps scolaire, gouvernance territoriale

Les atouts du FEJ n’ont pas échappés aux acteurs politiques venus annoncer un soutien fort au dispositif. « Nous allons évidemment encourager la possibilité de fêter un vingtième anniversaire », a déclaré Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, saluant « le foisonnement d’idées et de projets, le développement d’une culture du risque » et de l’évaluation, « leviers de réussite ».

Il a plaidé pour une intégration d’un « coût de l’évaluation », en amont des politiques publiques, dès leur phase d’élaboration. Pour preuve de cet intérêt grandissant des acteurs politiques : dans le cadre du Plan pauvreté, il est prévu que des expérimentations soient lancées en s’appuyant sur le FEJ , a indiqué Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Cela pourrait représenter 40 millions d’euros sur les 100 millions du fonds d’investissement social levé dans le cadre du Plan pauvreté du gouvernement. Ces projets porteraient sur quatre axes : la petite enfance, l’insertion des jeunes, l’accompagnement hors temps scolaire, enfin, la gouvernance territoriale.

Essaimer des politiques au long cours

La « méthode FEJ » fondée sur des appels à projets auxquels répondent des projets de terrain conjuguant l’innovation sociale avec des protocoles rigoureux d’évaluation autorise la « dissémination des moyens autour de programmes au long cours » a estimé Olivier Noblecourt. Évoquant à titre d’exemple le poids des cultures professionnelles — social, médico-social, sanitaire… — dans le domaine de la petite enfance, il a considéré que les évaluations créaient en outre « de vrais consensus entre acteurs sur des sujets de politiques publiques qui restent très polémiques », car cela permet aux intéressés de s’accorder sur « ce qui marche ». Une démarche résolument pragmatique que le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse entend poursuivre autour d’un programme ambitieux pour les prochaines années.

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