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Les jeunes face à la mort


Les jeunes ne possèdent pas de la mort la vision fatale et irréversible qui est celle de leurs aînés, elle n’est pas perçue comme une destruction de soi, elle n’a pas le sens de la finitude de l’existence. Dans le propos de maints jeunes, surtout des adolescentes, elle est à l’image d’un sommeil dont on s’éveille un jour, un temps de suspension, voire de purification, qui permet de se dépouiller enfin des scories qui infectent l’existence.


EDITORIAL

 

La nation réinventée

Tariq Ragi

 

DEBATS

 

Mort et construction identitaire des jeunes

David Le Breton, Tariq Ragi

Les adolescents et la mort : des jeux de mort au jeu de vivre

David Le Breton, professeur de sociologie à l’université Marc Bloch de Strasbourg, membre du laboratoire CNRS « Sociétés et cultures en Europe »

Les jeunes ne possèdent pas de la mort la vision fatale et irréversible qui est celle de leurs aînés, elle n’est pas perçue comme une destruction de soi, elle n’a pas le sens de la finitude de l’existence. Dans le propos de maints jeunes, surtout des adolescentes, elle est à l’image d’un sommeil dont on s’éveille un jour, un temps de suspension, voire de purification, qui permet de se dépouiller enfin des scories qui infectent l’existence. Objet de dénégation dans nos sociétés, elle devient une réserve de puissance à travers les transgressions à son égard. On joue sa vie pour fabriquer du sens. L’épreuve personnelle est une manière de prendre chair dans son existence quand l’évidence du chemin vers l’âge d’homme est rompue. Mais il faut savoir en payer le prix : le risque de la mort.

Une anthropologie de la mort adolescente

Thierry Goguel d’Allondans, éducateur spécialisé, anthropologue, formateur en travail social à l’IFCAAD, chercheur associé de l’université Marc Bloch, Strasbourg-II

L’accroissement général de l’espérance de vie a modifié les comportements et les responsabilités de la classe d’âge que nous nommons « adolescence ». Les représentations de la mort, à ce moment de la vie, en témoignent. En effet, l’abandon progressif des rites de passage traditionnels, les mutations sociales induites par la notion même d’adolescence et les nouvelles modes et sociabilités juvéniles colorent et donnent à la mort des visages bien particuliers. Les jeunes apprivoisent donc aujourd’hui la mort, de manière bien plus spécifique qu’hier.

L’adolescent suicidaire : en finir avec quoi ?

Xavier Pommereau, psychiatre des hôpitaux, chef de service, Unité médico-psychologique de l’adolescent et du jeune adulte, centre Abadie, CHU de Bordeaux

Le suicide est aujourd’hui la deuxième cause de mortalité chez les moins de 25 ans. En France, chaque année, 800 adolescents se donnent la mort et 40 000 tentent de le faire. Au moins un sujet sur trois récidivera dans l’année qui suit. À partir de sa pratique et de celle de son équipe du centre Abadie, première unité hospitalière française spécifiquement dévolue à la prise en charge des jeunes suicidants, l’auteur tente de montrer que la compréhension de ces actes de détresse dépasse largement l’évidence de tel ou tel facteur déclenchant. Loin d’avoir pour objectif la « néantisation de soi », les conduites suicidaires à l’adolescence constituent à la fois une tentative d’échapper à une souffrance identitaire intolérable et une tragique revendication existentielle qui, terrible paradoxe, vise à mourir… pour vivre autrement.

Prévention du suicide chez l’adolescent en deuil

Marie-Frédérique Bacqué, maître de conférences habilitée à diriger des recherches en psychopathologie à l’université de Lille-III, vice-présidente de la Société de thanatologie

Le suicide des jeunes en France est considéré comme une priorité sur le plan de la santé mentale et de la société. Le rôle des relations intrafamiliales est cependant rarement abordé alors que les pertes et les séparations qui s’y déroulent influent largement sur le passage à l’acte adolescent. Confronté à des mouvements internes aussi bien hormonaux que pulsionnels, le jeune tente de se situer entre deux groupes : celui des enfants et celui des adultes. L’absence des anciens rites de passage et la violence des nouvelles transitions collectives (usage de drogues, rodéos en voiture, viols, bizutages) ne facilitent pas la mentalisation du changement. Les groupes thérapeutiques de jeunes en deuil d’un parent ou du couple parental sont présentés ici comme une approche psychanalytique des difficultés majeures des jeunes.

L’excès festif et l’échange symbolique

Denis Jeffrey, professeur en éthique à la faculté des sciences de l’éducation de l’université Laval, Québec

La recherche de sensations fortes et de griserie de jeunes qui violent au-delà de toute mesure les règles sociales n’est-elle pas un symptôme de ce que la mort est libérée des institutions de surveillance symbolique et rituelle qui la maintiennent à distance ? Libérant du même coup une violence pouvant dériver vers le chaos et la mort. Cet article examine la place de la mort dans la société contemporaine à l’aune de ces jeunes qui s’excèdent dans la violence. Il faudra montrer la pertinence des rites et des symboles qui rendent la mort signifiante et sa contrepartie moderne, c’est-à-dire le déni qui résulte de l’effritement de ces rites et symbolisations autour de la mort. L’auteur se demande si l’excès festif des jeunes est un symptôme du déni moderne qui occulte la mort.

Le corps efféminé ou la mort masquée

Hakima Ait El Cadi, doctorante en anthropologie, université Marc Bloch, Strasbourg-II

Les imageries ambiantes qui dessinent la féminité, la femme belle, mince, sexy ou maternante des magazines de mode, des spots publicitaires, des séries télévisées, etc., empêchent de penser conjointement le mortifère et l’efféminé, la mort et le féminin, contrairement à celles de la virilité. Si elles permettent aux sociétés modernes d’offrir à leurs membres une vision du monde pacifiée et ordonnée pour les rassurer dans leur sentiment d’être, ces imageries hédonistes axées sur la retenue du corps imposent en revanche d’immenses sacrifices au féminin radicalement inscrit dans le « procès d’effémination » de ses apparences et de ses conduites afin d’authentifier socialement son identité de genre, l’adolescente.

L’imaginaire de la mort associée au VIH/sida

Joseph Lévy, anthropologue, professeur, Département de sexologie, université du Québec à Montréal, Véronique Provost, maître assistant, Département de sexologie, université du Québec à Montréal, Christian Fortin, MD, MPH médecin-conseil au Département de santé publique du CHU de Québec et à l’Institut national de santé publique du Québec

L’épidémie du VIH/sida a transformé les représentations de la maladie et de la mort dans le monde contemporain, mais peu d’études ont porté sur celles des jeunes. Afin de dégager les dimensions saillantes de leur imaginaire, une analyse qualitative a été effectuée sur des scénarios rédigés par des jeunes Québécois pour un concours. La mort apparaît, à leurs yeux, comme le corollaire de l’infection au VIH/sida, mais elle ne donne pas lieu à des constructions élaborées quant aux représentations de l’au-delà ou des rituels funéraires, privilégiant plutôt les dimensions existentielles liées aux conséquences de la maladie sur la vie personnelle, amoureuse et familiale.

 

POINTS DE VUE

 

La citoyenneté des jeunes en France et en Europe

Christophe Bertossi, Centre for Research in Ethnic Relations, université de Warwick, Royaume-Uni

L’auteur analyse les enjeux de l’intégration républicaine sous l’angle de la lutte contre les discriminations. Loin de se réduire exclusivement à la question des inégalités, l’intégration comprend la réinvention permanente de la citoyenneté dans une dynamique générationnelle et dans une perspective européenne.

La jeunesse en Bosnie-Herzégovine

Lejla Turcilo, coordinatrice des projets internationaux à l’Institut de recherche sociale, assistante à la faculté de sciences politiques à l’université de Sarajevo, Bosnie-Herzégovine

Après un aperçu du fond historique de la Bosnie-Herzégovine, l’image politique, sociale et économique du pays est étudiée. Très complexe, elle explique la position des jeunes. Il y a de nombreuses raisons au fait que 60 % d’entre eux veuillent quitter le pays. Parmi celles-ci : la désintégration du système des valeurs d’après-guerre, un système éducatif politisé et en dysfonctionnement, l’extrême pauvreté et la négligence des problèmes des jeunes par les détenteurs du pouvoir. Cet article met en évidence les aspects les plus importants de l’organisation de la jeunesse face aux problèmes la concernant et les solutions les plus appropriées qu’elle propose.

 

CHRONIQUES

 

Lire, faire lire

Comptes rendus de lecture

« Pratiques éducatives et systèmes judiciaires »,Le temps de l’histoire, n° 5, sous la direction d’Éric Pierre et Jean Trépanier

Les uns avec les autres : quand l’individualisme crée du lien, François de Singly

Le sport et ses métiers : nouvelles pratiques et enjeux d’une professionnalisation, Jean-Pierre Augustin

Notes de lecture

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