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Le moral des jeunes fortement affecté par la crise sanitaire


La crise sanitaire pèse fortement sur le moral des jeunes : interrogés en mars et avril 2021, ils sont 59 % à avoir le sentiment que leur vie actuelle correspond à leurs attentes, soit le plus bas niveau observé depuis la création du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse en 2016. Un jeune sur deux considère ainsi la pandémie comme une période très pénible à vivre. Les jeunes interrogés mettent particulièrement en avant les difficultés d’ordre psychologique et le sentiment d’isolement, devant les difficultés socio-économiques. Dans ce contexte incertain, les attentes des jeunes sont fortes vis-à-vis des pouvoirs publics : 29 % d’entre eux aimeraient que les pouvoirs publics les aident à trouver un emploi, en hausse de huit points par rapport à 2020. La pandémie n’a en outre pas freiné l’engagement associatif ou bénévole des jeunes, le bénévolat régulier s’étant même accru par rapport à début 2020.


Le moral des jeunes fortement affecté par la crise sanitaire

 

La crise sanitaire pèse fortement sur le moral des jeunes : interrogés en mars et avril 2021, ils sont 59 % à avoir le sentiment que leur vie actuelle correspond à leurs attentes, soit le plus bas niveau observé depuis la création du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse en 2016. Un jeune sur deux considère ainsi la pandémie comme une période très pénible à vivre. Les jeunes interrogés mettent particulièrement en avant les difficultés d’ordre psychologique et le sentiment d’isolement, devant les difficultés socio-économiques. Dans ce contexte incertain, les attentes des jeunes sont fortes vis-à-vis des pouvoirs publics : 29 % d’entre eux aimeraient que les pouvoirs publics les aident à trouver un emploi, en hausse de huit points par rapport à 2020. La pandémie n’a en outre pas freiné l’engagement associatif ou bénévole des jeunes, le bénévolat régulier s’étant même accru par rapport à début 2020.

La dernière édition du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse [encadré « Méthode »], réalisée en mars-avril 2021 par le Centre de recherche et d’étude pour l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) et l’INJEP fait l’objet d’un rapport complet [encadré « Bibliographie »]. Il révèle notamment la nature des difficultés vécues par la jeunesse pendant la crise sanitaire : un état d’esprit altéré par une incertitude à l’égard de l’avenir, un manque de sociabilité et la survenue de problèmes psychologiques, mais aussi pour certains une perte d’emploi, de logement ou d’argent. Des retours plus fréquents au domicile parental, une mobilité quotidienne entravée et un changement des projets de formation et professionnels complètent ce tableau.

 

Un état d’esprit plus négatif en 2021 qu’en 2020, en raison de la pandémie

Début 2020, les jeunes interrogés sur leur état d’esprit témoignaient d’un regain d’optimisme. 53 % d’entre eux affichaient un état d’esprit positif, contre 46 % l’année précédente, en 2019. En 2021, cette vague d’optimisme a été arrêtée net et le pessimisme gagne à nouveau du terrain : 46 % des jeunes déclarent un état d’esprit positif alors qu’une proportion équivalente cite des pensées négatives (45 %) et 13 % expriment un état d’esprit neutre.

Ce pessimisme témoigne de l’impact de la crise sanitaire sur la jeunesse. Au total, près d’un jeune sur deux (49 %) considère que la pandémie liée au coronavirus a été une période particulièrement pénible à vivre [graphique 1]. Un tiers (33 %) donne au vécu de cette période une « note de pénibilité moyenne » et seuls 18 % estiment que la pandémie correspond à un vécu peu ou pas pénible du tout. Les jeunes femmes (53 %) ont attribué des notes de pénibilité légèrement plus élevées que les jeunes hommes, ce qui pourrait s’expliquer par une accentuation des inégalités entre femmes et hommes (Lévy et al., 2020 ; Hoibian et al., 2021) et une plus grande vigilance des femmes à l’égard des sujets sanitaires (Montaut, 2010).

Conséquence de cette pénibilité ressentie, le sentiment que sa vie actuelle correspond à ses attentes est en baisse entre 2020 et 2021 (de 65 % à 59 %), l’indicateur étant à son plus bas niveau depuis l’introduction de la mesure il y a six ans.

 

Méthode

Le Baromètre DJEPVA sur la jeunesse

Fruit d’une collaboration entre l’INJEP et le CRÉDOC, à la demande de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), le Baromètre DJEPVA sur la jeunesse est produit chaque année depuis 2016. Il s’inscrit dans la volonté de proposer aux acteurs publics et à l’ensemble des professionnels mobilisés pour la jeunesse des indicateurs récurrents sur les conditions de vie, aspirations et attentes des jeunes. L’enquête 2021 a été réalisée en ligne entre le 8 mars et le 8 avril 2021, auprès d’un échantillon représentatif de 4 644 jeunes résidant en France (métropole et outre-mer hors Mayotte) âgés de 18 à 30 ans, sélectionnés selon la méthode des quotas. Les quotas nationaux et régionaux ont été calculés d’après les résultats du dernier recensement général de la population (INSEE, Recensement de la population, 2017). Un redressement régional puis national a été effectué pour assurer la représentativité de l’échantillon par rapport à la population nationale des jeunes âgés de 18 à 30 ans.

 

Un pessimisme accentué chez les jeunes en difficulté professionnelle

L’état d’esprit des jeunes ayant cumulé plusieurs expériences difficiles pendant cette période est plus souvent empreint de pessimisme. Ainsi, 61 % des jeunes indiquant avoir rencontré trois à cinq sources de difficultés différentes (de la perte de motivation à la perte d’emploi) voient les choses négativement, contre seulement 27 % de ceux qui ont passé la crise sanitaire sans rencontrer de difficulté particulière.

Les jeunes faisant état d’une situation professionnelle difficile qualifient plus souvent la pandémie de très pénible : 54 % des jeunes au chômage et 54 % de ceux en intérim, contre 49 % de l’ensemble des jeunes. Les jeunes au chômage sont plus nombreux (51 % contre 38 %) à évoquer une perte d’argent en lien avec la pandémie. 34 % des jeunes en recherche d’emploi font en outre de la crise sanitaire l’une des causes de leur statut de chômeur en signalant une perte d’emploi liée à la pandémie (contre 21 % en moyenne).

Les jeunes se montrent moins confiants face à leur avenir : 60 % des 18-30 ans se disent confiants contre 67 % début 2020. Ainsi, au-delà des difficultés passées et présentes des répondants, ceux-ci estiment que la Covid-19 est susceptible d’engendrer des conséquences sur leur avenir. En moyenne pour la majorité des jeunes (52 %), et tout particulièrement pour ceux encore en formation (56 %) ou en emploi (55 %), la pandémie est restée sans conséquences sur les projets professionnels ou de formation ; et plus d’un jeune sur dix (13 %) se dit incertain et préfère répondre « ne sait pas ». Toutefois, plus d’un tiers des jeunes (34 %) et jusqu’à 44 % des jeunes au chômage indiquent que la crise sanitaire a bouleversé leurs projets de formation ou professionnels.

 

Un sentiment de solitude renforcé par la crise et les mesures de distanciation

Les mesures de distanciation sociale ont mis à mal les mécanismes de sociabilité des jeunes : confinement strict de mars à mai 2020, suivi, de novembre 2020 à mai 2021, d’une période où télétravail et enseignement supérieur à distance étaient la règle, où les bars et restaurants, cinémas et salles de spectacle étaient fermés, et pendant laquelle un couvre-feu s’appliquait dans la plupart des départements français. Enfin, tout au long de la période, les pouvoirs publics invitaient les citoyens à limiter les rassemblements, enjoignant par exemple à restreindre à six le nombre d’invités lors des moments de convivialité. Dans ce contexte, au moment de l’enquête en mars-avril 2021, plus de la moitié (53 %) des jeunes déclarent sortir moins souvent de leur domicile qu’avant la pandémie. Les personnes en recherche d’emploi (58 %) ou celles dont le foyer s’impose régulièrement des restrictions budgétaires (58 %) sont tout particulièrement concernées par cette réduction des sorties.

En conséquence, 41 % des répondants indiquent ressentir fréquemment un sentiment de solitude, dont 15 % « tous les jours ou presque », 26 % « souvent », et 33 % « de temps en temps » ; 17 % disent n’être que rarement confrontés à ce sentiment et 9 % ne jamais se sentir seuls [graphique 2]. Le sentiment de solitude croît avec la perception que la crise est pénible, voire très pénible à vivre : 50 % des jeunes vivant très mal la crise se sentent souvent ou presque tous les jours seuls, contre 28 % de ceux pour qui la crise n’est pas une expérience particulièrement désagréable. La sociabilité avec la famille et les amis est la plus regrettée. 63 % des 18-30 ans déclarent souffrir d’un manque de contact avec leurs amis et connaissances, un jeune sur deux (50 %) avec les membres de sa famille, 40 % avec leurs camarades d’études ou leurs collègues de travail, et un peu plus d’un cinquième (22 %) avec leurs voisins.

 

Détresse psychologique et difficultés socio-économiques

La pandémie est venue bouleverser les modes de vie d’une large fraction de la jeunesse, en accentuant des inégalités déjà existantes (Amsellem-Mainguy et al., 2021). Au total, 42 % des 18-30 ans estiment que les difficultés qu’ils ont pu rencontrer au cours des douze derniers mois sont causées par ou liées à la crise de la Covid-19. Les difficultés d’ordre psychologique l’emportent sur les difficultés socio-économiques [graphique 3]. Un jeune sur deux estime la pandémie responsable d’un manque de motivation (52 %), ou encore de son manque de relations sociales ou de son isolement (52 %). 26 % évoquent souffrir de dépression en lien avec la pandémie. 28 % des jeunes célibataires ou en couple non cohabitant indiquent en outre que leur manque de vie amoureuse en est la conséquence. Moins d’un quart des jeunes évoquent une perte d’emploi (21 %) et un manque de matériel adapté pour se connecter à Internet (16 %) directement en lien avec la crise sanitaire ; une perte d’argent étant cependant attribuée à ce contexte par 38 % des jeunes. 25 % des jeunes ne vivant pas chez leurs parents indiquent avoir perdu un logement au cours des douze derniers mois en raison de la pandémie.

L’accès à l’autonomie résidentielle, ce processus non linéaire, caractérisé par des situations intermédiaires entre le départ du foyer parental et l’arrivée dans un logement autonome (Gaviria, 2016), a été affecté pour certains jeunes par la pandémie. Un quart des jeunes revenus vivre chez leurs parents et y demeurant au moment de l’enquête citent ainsi la crise sanitaire pour justifier leur retour. C’est le deuxième argument le plus cité, derrière celui plus habituel de la fin d’une année scolaire ou d’un cycle d’études.

 

Des attentes fortes vis-à-vis des pouvoirs publics en matière d’emploi

Les conditions de vie plus difficiles durant la pandémie ont pu alimenter des attentes spécifiques à l’égard des pouvoirs publics. Les incertitudes par rapport aux futures évolutions économiques et du marché du travail semblent particulièrement inquiéter les jeunes. Les attentes en matière d’emploi envers les pouvoirs publics sont ainsi importantes et enregistrent la plus forte progression par rapport à 2020 dans une liste de domaines au sein desquels les jeunes souhaiteraient que l’État s’engage davantage. Ainsi, 29 % des jeunes aimeraient que les pouvoirs publics les aident à trouver un emploi, soit une progression de huit points pour cet indicateur par rapport à 2020.

Concernant les aides dédiées aux jeunes et mises en place pendant la crise sanitaire (Gouvernement, 2021), 4 % les ont toutes identifiées tandis que 17 % des jeunes n’ont entendu parler d’aucune de ces mesures. L’aide alimentaire (58 % de connaissance) et les cellules de soutien psychologique (52 %) sont les dispositifs d’aides les mieux identifiés par les jeunes, suivis des aides à l’embauche des jeunes pour les entreprises (45 %). Au moins un tiers des jeunes connaissent la plateforme « Un jeune, une solution » (38%), les aides financières pour les jeunes diplômés, anciens boursiers de l’enseignement supérieur (35 %), les aides financières pour les jeunes demandeurs d’emploi bénéficiant d’un accompagnement intensif par Pôle Emploi ou par l’APEC (35 %) ou encore la création de 20 000 emplois étudiants (33%). Le renforcement de la garantie jeunes n’a en revanche été identifié que par 28 % des jeunes.

Par ailleurs, la lecture des inégalités à l’aune d’un potentiel conflit générationnel (Bonnet, 2014) se trouve réactivée par les conséquences socio-économiques et les enjeux sanitaires de la pandémie. Néanmoins, les jeunes s’avèrent peu enclins à s’estimer lésés au profit des plus âgés : seuls 28 % des jeunes estiment les plus âgés avantagés par rapport aux plus jeunes tandis que 17 % évoquent au contraire un traitement inégalitaire au détriment des plus âgés. 44 % des jeunes indiquent que la société ne privilégie ni les plus jeunes ni les plus âgés et près d’un sur dix ne se prononce pas sur cette question.

 

Un engagement bénévole des jeunes en hausse significative par rapport à 2019

La pandémie ne freine pas l’engouement d’une grande partie de la jeunesse pour la participation associative ou l’engagement bénévole. L’engagement associatif des jeunes reste au niveau observé en 2020 : 43 % déclarent avoir fait partie ou participer aux activités d’une association (sportive, culturelle, de loisirs, de jeunes, humanitaire, politique, etc.) contre 42 % l’année précédente.

La pandémie ne freine pas l’engouement d’une grande partie de la jeunesse pour la participation associative ou l’engagement bénévole. L’engagement associatif des jeunes reste au niveau observé en 2020 : 43 % déclarent avoir fait partie ou participer aux activités d’une association (sportive, culturelle, de loisirs, de jeunes, humanitaire, politique, etc.) contre 42 % l’année précédente.

 

Sources bibliographiques

Amsellem-Mainguy Y., Francou Q., Vuattoux A., « Dégradation des conditions de vie et de logement des 18-24 ans », INJEP analyses & synthèses, no 50, septembre 2021.
• Berhuet S., Brice Mansencal L., Hoibian S., Millot C., Müller J. (CRÉDOC), Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2021, coll. « INJEP Notes & rapports », 2021.
• Bonnet C., « Un inévitable conflit des générations ? », Informations sociales, no 183, p. 136-144, 2014.
• Gaviria S., « La génération boomerang : devenir adulte autrement », SociologieS, Théories et recherches, 2016.
• Gouvernement, « Covid-19 : les aides de l’État pour soutenir les jeunes », www.gouvernement.fr, 19 février 2021.
• Hoibian S., Berhuet S. Croutte P., Coulange M., Brice Mansecal L., « La crise sanitaire provoque un retour des rôles genrés traditionnels », Consommation et modes de vie, no 316, mai 2021.
• Lévy J.-D., Potéreau J., Prunier A., L’impact du confinement sur les inégalités femmes-hommes, enquête réalisée par Harris interactive pour le secrétariat d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, avril 2020.
• Montaut A., « Santé et recours aux soins des femmes et des hommes », Études et résultats, no 717, février 2010.