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Evaluation de la préfiguration du Service national universel

Premiers résultat issus de l'enquête quantitative réalisée auprès des volontaires


L’INJEP a mis en œuvre l’évaluation du Service national universel (SNU), comportant notamment une enquête quantitative par questionnaire auprès de la première cohorte de jeunes volontaires. Même si les volontaires ont par nature un certain nombre de spécificités, ces premiers résultats éclairent sur la manière dont s’est déroulée cette première phase de cohésion et sur des pistes d’évolution du dispositif.


Évaluation de la préfiguration du Service national universel – Premiers résultat issus de l’enquête quantitative réalisée auprès des volontaires

 

Les premiers résultats de l’évaluation de la phase de préfiguration du SNU menée par l’INJEP font apparaître une très forte adhésion des jeunes au séjour de cohésion qu’ils ont effectué en juin 2019, bien qu’ils soient nombreux à pointer l’importance d’améliorer certains aspects comme l’emploi du temps et l’organisation des journées. Si les profils de cette première promotion témoignent bien d’une mixité sociale, cette cohorte présente toutefois des spécificités dans la mesure où les jeunes accueillis sont volontaires. Ces premiers résultats seront complétés dans les prochaines semaines par la publication de données quantitatives et qualitatives permettant d’aller plus loin dans l’analyse et d’étudier d’autres aspects du dispositif.

 

L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) a été missionné pour piloter l’évaluation de la phase de préfiguration du Service national universel (SNU)[1].

Les objectifs généraux de cette évaluation sont d’observer les conditions de mise en œuvre opérationnelle du SNU, de rendre compte des différences sur chacun des territoires et d’analyser la réception par les différents acteurs concernés. Il s’agit de proposer une analyse des forces et faiblesses du dispositif et d’envisager des pistes d’évolution du SNU.

Pour ce faire, le dispositif d’évaluation de la phase de préfiguration repose sur des méthodes d’évaluation mixtes en s’appuyant sur trois opérations : une enquête quantitative par questionnaire auprès de l’ensemble des jeunes volontaires, une enquête qualitative pendant la phase d’accueil des jeunes en séjour de cohésion reposant à la fois sur des observations et plus de 400 entretiens avec des jeunes et des professionnels et une enquête qualitative sur les modalités de mise en place du dispositif en amont et en aval du séjour de cohésion.

Cette note d’étape présente les premiers résultats issus du questionnaire administré à l’ensemble des jeunes volontaires ayant participé du 16 au 28 juin 2019 à la phase de cohésion du SNU (92 % de répondants, soit 1 806 jeunes). D’une durée moyenne de 20 minutes, les réponses ont été recueillies en fin de séjour par Ipsos-Observer sur tablette ou papier dans la totalité des 14 centres accueillant ces jeunes.

 

Il s’agit de proposer une analyse des forces et faiblesses du dispositif et d’envisager des pistes d’évolution du SNU

 

Bien que le dispositif ait vocation à devenir obligatoire pour tous les jeunes, la préfiguration du SNU s’est faite sur la base du volontariat. Pour évaluer l’implication particulière du caractère volontaire, il est important de s’intéresser plus spécifiquement aux motivations des volontaires et de comparer leurs profils à ceux des autres jeunes du même âge.

 

 

Comment et pourquoi les jeunes se sont-ils portés volontaires ?

Les établissements scolaires ont été le premier vecteur d’information pour le recrutement des jeunes volontaires : 74 % des volontaires déclarent avoir su qu’ils pouvaient candidater au SNU par leur établissement scolaire, loin devant la famille (23 %) ou les médias (14 %). Mais le premier informateur (l’établissement scolaire) n’est pas forcément le principal incitateur dans la mesure où l’on observe que 37 % des volontaires déclarent avoir été incités par leur famille et 18 % par leurs enseignants ou un membre de leur établissement scolaire. Enfin, 50 % des volontaires déclarent n’avoir été incités par personne en particulier.

L’élément de motivation le plus cité par les volontaires est le fait de pouvoir rencontrer de nouvelles personnes : 76 % des jeunes le mentionnent. Le contenu des modules ne semble pas avoir joué un rôle aussi important en termes de motivation pour les jeunes, qui sont 24 % à le mentionner, ni le fait qu’une initiation au Code de la route soit proposée (26 %). De manière complémentaire, les jeunes mettent en avant dans les questions ouvertes deux autres motivations qui semblent avoir joué un grand rôle pour certains dans la décision de participer au SNU : bénéficier d’un environnement militaire et pratiquer du sport.

 

Qui sont les jeunes volontaires ?

Les professions des parents sont un moyen de comparer les volontaires aux autres jeunes. Les proportions observées au sein des parents des jeunes volontaires sont assez proches de celles de la population en emploi telle qu’on la considère au travers des six catégories socioprofessionnelles de l’INSEE, pour les pères comme pour les mères. De ce point de vue, l’objectif de mixité sociale semble avoir été respecté. Le principal écart tient à la surreprésentation des jeunes dont le père est artisan, commerçant ou chef d’entreprise parmi les jeunes du SNU (19 % parmi les pères des volontaires, contre 9 % au sein des personnes en emploi), tandis que ceux dont le père est ouvrier sont légèrement sous-représentés (25 % contre 32 %).

 

 

Cependant, près d’un tiers des volontaires (31 %) déclare que l’un de ses parents travaille ou a déjà travaillé dans l’armée : cette proportion est très élevée dans la mesure où les personnes travaillant pour l’armée[2] représentent près de 1,3 % de la population en emploi (source : Bilan social 2018, ministère des Armées). Les jeunes qui se sont portés volontaires pour cette première promotion du SNU ont ainsi un profil très spécifique de ce point de vue.

En dehors de la profession des parents, les parcours scolaires des volontaires peuvent également servir de point de comparaison : 96 % des volontaires étaient en classe de seconde ou en CAP lors de l’année scolaire 2018-2019. Parmi eux, 18 % étaient en voie professionnelle (CAP ou seconde professionnelle), contre 30 % de l’ensemble de cette population en France : les filières professionnelles étaient donc plutôt sous-représentées parmi les volontaires du SNU, par rapport aux secondes générales et technologiques.

 

Qu’ont pensé les jeunes du séjour de cohésion ?

Les volontaires sont dans leur grande majorité satisfaits de leur séjour : 49 % se déclarent très satisfaits et 45 % plutôt satisfaits, soit un total de 94 %. Ce taux très élevé est bien sûr à interpréter en gardant à l’esprit que les jeunes de cette phase de préfiguration sont des volontaires.

Les particularités des profils des volontaires n’ont pas empêché ceux-ci de vivre le SNU comme une expérience de mixité sociale et territoriale : 78 % des jeunes déclarent en effet avoir rencontré parmi les autres volontaires des personnes d’un milieu social différent. Il a ensuite été demandé à ces jeunes de situer le milieu social de ces autres volontaires par rapport au leur (milieu plus favorisé, moins favorisé ou ni plus ni moins favorisé, mais différent du leur). C’est de loin la dernière réponse qui a été la plus souvent choisie (76 % des jeunes) tandis que 24 % d’entre eux déclarent avoir rencontré des personnes moins favorisées et 22 % des personnes plus favorisées. Ainsi, alors que des différences de milieu social sont très nettement perçues, elles sont rarement exprimées en termes d’inégalités. Cela peut s’expliquer par le fait que dans le cadre d’un séjour court où les jeunes devaient porter un uniforme, ces inégalités, pourtant présentes au regard des professions des parents, étaient rendues peu visibles. Cela peut également refléter le fait que les jeunes ont interprété le milieu social de manière plus large, à travers notamment la dimension territoriale, par exemple les départements d’origine ou l’opposition villes/ campagnes, qui est très présente dans les entretiens réalisés avec les jeunes.

 

 

L’élément de motivation le plus cité par les volontaires est le fait de pouvoir rencontrer de nouvelles personnes

 

Si le contenu des activités proposées au cours du séjour pouvait varier selon les centres, elles ont été conçues autour de sept thématiques obligatoires. Les volontaires ont donc été interrogés sur leur intérêt pour les modules de chacun de ces thèmes. Il en ressort que les activités sportives sont les plus plébiscitées (78 % les ont trouvées « très intéressantes »), suivies par les modules sur la défense, la sécurité et la résilience [graphique 2]. Amenés à donner leurs deux thèmes préférés, 50 % des jeunes ont cité le sport en premier, et 24 % l’ont cité en deuxième. Les modules sur la défense, la sécurité et la résilience ont quant à eux la préférence de 33 % des volontaires, et 29 % l’ont cité en second.

 

Quels domaines de mission d’intérêt général attirent le plus de jeunes ?

Les volontaires de cette vague devront obligatoirement effectuer une mission d’intérêt général, dans l’année qui suit leur séjour de cohésion. Ceux-ci ont ainsi été interrogés sur le ou les domaines dans lesquels ils souhaitaient effectuer leur mission : les domaines qui arrivent en tête sont la défense et la sécurité (63 %), le sport (42 %) et la santé (24 %) [graphique 3].

Ces résultats rejoignent les observations de l’enquête qualitative quant aux motivations des volontaires de cette première promotion du SNU : la première image véhiculée d’un séjour dans un cadre avec une forte discipline et une dimension sportive importante a attiré plus particulièrement des jeunes sensibles à ces dimensions. Pour certains d’entre eux, le SNU s’inscrit d’ailleurs dans un projet pour devenir militaire, pompier ou gendarme. Cela est aussi à mettre en lien avec une conception de l’engagement très liée pour ces jeunes aux institutions de l’armée, de la police et des pompiers qui a pu être observée dans l’enquête qualitative.

 

 

Que faut-il améliorer en priorité selon les volontaires ?

Les volontaires ont également été interrogés sur les conditions matérielles et d’organisation de leur séjour. Les premiers des éléments à améliorer selon eux sont l’emploi du temps et l’organisation des journées : 69 % déclarent qu’ils devraient être améliorés, et 46 % qu’ils devraient l’être en priorité. Ce chiffre est lié à l’important volume horaire dédié aux activités, mais aussi à des difficultés dans l’organisation des plannings et la diffusion des informations, qui ont pu être observées sur le terrain, et qui ont entraîné un certain nombre de temps d’attente entre les activités. La qualité de la nourriture est également à améliorer pour la moitié des volontaires.

La mixité sociale arrive en tête des objectifs les plus importants aux yeux des jeunes

En ce qui concerne l’uniforme, dont 90 % des volontaires considèrent qu’il est important pour la cohésion du groupe, 32 % jugent qu’il devrait être amélioré. En effet, les jeunes ont exprimé dans les réponses aux questions ouvertes que les uniformes étaient en nombre insuffisant et les lessives trop peu fréquentes. En revanche, 81 % considèrent que l’uniforme est beau et 66 % qu’il est confortable.

 

Quels objectifs pour le SNU aux yeux des volontaires ?

En dehors de leur propre satisfaction, une majorité de volontaires juge qu’une généralisation du SNU tel qu’ils l’ont vécu serait utile à la société : 51 % estiment que ce serait très utile et 33 % que ce serait plutôt utile, soit 84 % au total. Le SNU comportant des objectifs multiples, il a été proposé aux jeunes de hiérarchiser les objectifs qu’ils estiment les plus importants. La mixité sociale arrive en tête des objectifs les plus importants aux yeux des jeunes, avec plus de la moitié des volontaires qui la place en première, seconde ou troisième position. Trois autres objectifs se détachent : l’engagement, les gestes de premiers secours et réactions en cas de crise, et les savoirs sur la défense et la sécurité [graphique 4].

L’ensemble de ces résultats doit, bien sûr, être pris avec prudence pour penser la généralisation du dispositif, dans la mesure où les volontaires ont, par nature, un certain nombre de spécificités. Ils éclairent néanmoins sur la manière dont s’est déroulée en pratique cette première phase de cohésion et sur des pistes d’amélioration. L’enquête qualitative, qui a été menée parallèlement et vise à décrire finement, au moyen d’entretiens et d’observations, la perception et le retour d’expérience des jeunes et des professionnels, permettra de compléter et d’approfondir ces premiers résultats, et de proposer des préconisations pour les cohortes suivantes.

 

1. « Le Service national universel s’adresse, après la classe de 3e, aux jeunes filles et garçons de 15 à 16 ans. Il comporte obligatoirement une phase de cohésion, en hébergement collectif et hors de son département
de résidence de deux semaines et une mission d’intérêt général auprès d’une association, d’une collectivité, d’une structure publique ou d’un corps en uniforme, de deux semaines également. Chaque jeune peut ensuite poursuivre une période d’engagement de trois mois minimum » (www.jeunes.gouv.fr).
2. Ce chiffre comprend les militaires, réservistes et civils travaillant pour l’armée, hors gendarmerie. Il ne comprend toutefois pas les personnes ayant travaillé pour l’armée par le passé, alors que la question posée était : « L’un de vos parents a-t-il travaillé dans l’armée ? »