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La participation associative des jeunes


Les différentes données qualitatives et quantitatives disponibles sur la participation associative des nouvelles générations montrent des niveaux d’adhésion et de bénévolat extrêmement stables, qui se différencient peu de ceux des autres catégories d’âge, hormis chez les plus de 65 ans qui restent les plus actifs dans ce domaine. Le secteur associatif constitue de ce point de vue un socle extrêmement solide qui n’a connu que de très faibles variations depuis près de 30 ans. Ces régularités observées au niveau de la pratique associative vont cependant de pair avec la persistance des inégalités d’accès et le maintien depuis plusieurs décennies d’importants clivages sociodémographiques au sein de la jeunesse. Des transformations semblent par ailleurs à l’œuvre avec des aspirations nouvelles des jeunes en termes de participation à la prise de décision au sein des associations, qu’ils souhaitent moins hiérarchisée et plus horizontale.


La participation associative des jeunes

 

Les différentes données qualitatives et quantitatives disponibles sur la participation associative des nouvelles générations montrent des niveaux d’adhésion et de bénévolat extrêmement stables, qui se différencient peu de ceux des autres catégories d’âge, hormis chez les plus de 65 ans qui restent les plus actifs dans ce domaine. Le secteur associatif constitue de ce point de vue un socle extrêmement solide qui n’a connu que de très faibles variations depuis près de 30 ans. Ces régularités observées au niveau de la pratique associative vont cependant de pair avec la persistance des inégalités d’accès et le maintien depuis plusieurs décennies d’importants clivages sociodémographiques au sein de la jeunesse. Des transformations semblent par ailleurs à l’œuvre avec des aspirations nouvelles des jeunes en termes de participation à la prise de décision au sein des associations, qu’ils souhaitent moins hiérarchisée et plus horizontale.

L’adhésion associative ne rencontre pas d’évolutions notables depuis les années 1990. Selon les données de l’enquête Valeurs, 36 % des 18-29 ans déclaraient en 2018 adhérer à une association contre 37 % en 2008 et en 1999. Comparativement à l’ensemble des Français, tous âges confondus, les tendances de long terme sont similaires avec un écart peu significatif de 4 points en 2018 (Graphique 1).

Du point de vue du bénévolat en revanche, bien que la figure du volontaire actif et investi dans les activités de l’association soit particulièrement prégnante dans les représentations collectives, tous les adhérents ne participent pas nécessairement aux actions initiées par l’organisation à laquelle ils déclarent appartenir. Sur ce point, tout en témoignant là encore d’une relative stabilité depuis 1990, les chiffres du bénévolat restent très en deçà des adhésions. Alors que l’écart entre l’adhésion et l’activité bénévole était chez les 18-29 ans de 13 points en 1990 (38 % d’adhérents et 25 % de bénévoles), il continue progressivement d’augmenter, par petites touches successives, pour atteindre 17 points en 2018 (36 % d’adhérents et 19 % de bénévoles).

L’Eurobaromètre flash de 2018, qui retient une définition plus large en mesurant non seulement l’adhésion associative mais aussi l’ensemble des activités réalisées de manière ponctuelle ou régulière et qui intègre un échantillon d’enquêtés plus jeunes (les 15-17 ans) que dans l’enquête Valeurs, signale que les jeunes français ont une participation associative de 4 points supérieure à celle observée pour l’ensemble des jeunes européens du même âge : 57 % des jeunes français de 15-30 ans déclaraient avoir participé durant l’année écoulée de manière ponctuelle ou régulière aux activités d’une association contre 53 % dans l’ensemble des pays européens. La France se classe ainsi au 10e rang, loin derrière plusieurs pays du Nord de l’Europe (Pays-Bas, Danemark, Suède, Irlande) et de l’Allemagne (65 %, en première position) où la plus grande amplitude du temps périscolaire et des politiques incitatives plus affirmées ont un effet important sur le niveau de participation des jeunes.

PLURALITÉ DES DOMAINES D’ENGAGEMENT : DE LA DÉFENSE D’UNE CAUSE À LA CONSOMMATION DE SERVICES

S’agissant des domaines d’engagement auxquels adhèrent les jeunes Français, les variations sont également minimes entre 2008 et 2018, illustrant de nouveau une remarquable stabilité de l’engagement associatif. Les nouvelles catégories introduites dans le questionnaire de l’enquête Valeurs en 2018 permettent de souligner l’importance prise par le secteur de l’humanitaire et des actions caritatives qui attire 7 % des jeunes adhérents associatifs, ce qui le place dans le trio de tête des domaines d’activité comptant le plus d’adhérents, loin toutefois derrière les organisations sportives (18 %) et les organisations culturelles (9 %), qui constituent depuis plusieurs décennies les principaux secteurs d’activité des jeunes de 18-29 ans membres d’une association.

Cette pluralité de domaines d’activité est aussi le reflet d’une diversité de motifs d’affiliation. Certaines associations peuvent compter dans leurs effectifs des usagers de « services », qu’ils soient sportifs, culturels, ou de loisirs. D’autres profils d’adhérents peuvent chercher à promouvoir une cause ou à défendre des intérêts collectifs en donnant à leur engagement une expression plus altruiste, militante ou politique (hors parti ou syndicat). Fait notable, ce domaine d’engagement, qui regroupe les secteurs de l’humanitaire, du caritatif, de l’environnement et de l’entraide, est en hausse constante chez les 18-29 ans depuis 40 ans passant de 5 % en 1981, à 8 % en 2008 et 15 % en 2018.

Les jeunes adhérents associatifs apparaissent par ailleurs nettement plus politisés que les autres : ainsi 48 % des jeunes français se déclarant intéressés par la politique appartiennent à une association. À l’inverse, parmi ceux qui se déclarent « peu ou pas du tout intéressés par la politique », seuls 30 % sont membres d’une association. Cet intérêt pour la politique ne se traduit toutefois pas par un engagement politique ou syndical, l’enquête Valeurs révèle en effet un très faible attrait des jeunes pour les organisations partisanes : 1 % d’adhérents à des organisations syndicales et seulement 2 % à des organisations politiques. Ces effectifs particulièrement faibles et en baisse par rapport à ceux observés dans les années 1980, notamment dans le domaine syndical, témoignent d’une certaine distance vis-à-vis des structures représentatives traditionnelles.

DES INÉGALITÉS SOCIALES, SCOLAIRES ET DE SEXE

La part de jeunes qui déclarent participer aux activités d’une association varie en fonction de leur situation, notamment de leur autonomie (résidentielle, financière), mais aussi des origines sociales et du niveau de diplôme. Le graphique 2 élaboré à partir des données du baromètre DJEPVA sur la jeunesse permet de constater la surreprésentation de jeunes ayant un niveau supérieur au bac, en emploi et/ou vivant en couple avec enfant parmi ceux qui déclarent participer à une association. À l’inverse, ceux plus faiblement diplômés, au chômage ou inactifs sont les moins représentés parmi les jeunes adhérents associatifs. La participation des 18-29 ans à la vie associative reste donc conditionnée au niveau de diplôme et plus largement à l’insertion dans la société, qui favorise en retour leur niveau d’engagement et leur capacité à faire entendre leur voix.

Le graphique 2 permet également de constater des différences importantes du point de vue du sexe. Ainsi, les jeunes hommes sont 45 % à déclarer participer aux activités d’une ou plusieurs association(s) contre 34 % des jeunes femmes soit un écart bien plus important que dans les classes d’âge supérieures. Cet écart s’explique par une proportion nettement plus importante de jeunes hommes pratiquant une activité sportive comparativement aux jeunes femmes. Il témoigne également d’une répartition encore inégale des tâches domestiques au sein des foyers français qui peut influer en retour sur le temps disponible pour participer aux activités d’une association.

Du point de vue du bénévolat, et non plus seulement de l’adhésion associative, le profil sociodémographique des jeunes engagés ne diffère pas particulièrement de celui des plus âgés : les bénévoles sont davantage de jeunes hommes et les plus diplômés. L’origine sociale exerce également une influence forte. Ainsi le bénévolat régulier est majoritairement et significativement l’apanage des jeunes issus des milieux les plus favorisés dont la mère est cadre supérieure (29 %), ou indépendante (28 %) contre seulement 16 % des répondants ayant une mère ouvrière.

 

DES JEUNES FAIBLEMENT REPRÉSENTÉS DANS LES INSTANCES DIRIGEANTES

À partir de l’enquête du Centre d’économie de la Sorbonne, nous pouvons voir enfin combien les jeunes de manière générale occupent une faible part des postes à responsabilités dans les associations et plus encore des fonctions de présidence. En 2017, seuls 7 % des présidents d’association 2021avaient moins de 36 ans alors que le taux monte à 41 % pour les présidents de plus de 65 ans. Cette part n’évolue pas entre 2005 et 2017. Ces chiffres sont à mettre en relation avec les résultats d’une enquête doctorale réalisée sur le territoire parisien (Renault-Tinacci, 2018) montrant que les jeunes cherchent plus volontiers à s’engager dans des structures plus horizontales et parfois non pourvues d’instances dirigeantes et de fonctions statutaires (décision via un mode démocratique assembléiste et rotation des responsabilités). Aussi, il ne s’agit pas tant dans ce cadre d’une esquive des jeunes face à la responsabilité que d’une exigence démocratique si ce n’est plus importante au moins différente (Renault-Tinacci, 2018). Les jeunes recherchent également des organisations plus souples, où il n’existe pas ou peu de liens de subordination, et où les moments de convivialité sont nombreux. La libre initiative et la volonté d’expérimentation sont ainsi à la base de nouvelles modalités d’actions. Ce dernier résultat est à analyser au long cours : la montée de l’informel dans les associations et l’organisation des temps d’engagement ainsi que la baisse du sentiment d’appartenance collective régulièrement observé dans nos sociétés occidentales pourraient accentuer les transformations du rapport des jeunes aux associations dans les années à venir.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Galland O., Roudet B., 2014, Une jeunesse différente ? Les valeurs des jeunes depuis 30 ans, Paris, La Documentation française.
Ion J., 2012, S’engager dans une société d’individus. Paris, Armand Colin.
Lardeux L., Tiberj V. (dir.), 2021, Générations désenchantées ? Jeunes et démocratie, Paris, La Documentation française.
Muxel A., 2010, Avoir 20 ans en politique : les enfants du désenchantement, Paris, Le Seuil.
Renault-Tinacci, 2018, La participation associative, une nouvelle voie politique ? Du désir de politisation ordinaire : effets politiques et construction d’une citoyenneté personnalisée dans l’expérience associative parisienne, Thèse de doctorat, Université Paris-Descartes.
Tchernonog V., Prouteau L., 2019, Le paysage associatif français : mesures et évolutions, 3e édition, Paris, Juris éditions.