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Maîtrise de la natation par les collégiens : l’influence des vacances d’été


À 13 ou 14 ans, 94 % des collégiens savent nager, mais la maîtrise de la natation demeure très inégale selon les milieux sociaux. Ainsi, seulement 61 % des enfants d’ouvriers non qualifiés sont de bons nageurs contre 86 % des enfants de cadres et les premiers sont aussi six fois plus nombreux que les seconds à ne pas savoir nager. Les inégalités sociales sont d’autant plus prononcées que la maîtrise de la natation est très liée à la durée de leurs vacances d’été qui varie elle-même fortement selon l’origine sociale. Par ailleurs, d’autres facteurs influent aussi spécifiquement sur la maîtrise de la natation : en particulier, celle-ci est plus faible chez les descendants d’immigrés et est, en revanche, d’autant plus développée que les parents sont sportifs.


Maîtrise de la natation par les collégiens : l’influence des vacances d’été

 

À 13 ou 14 ans, 94 % des collégiens savent nager, mais la maîtrise de la natation demeure très inégale selon les milieux sociaux. Ainsi, seulement 61 % des enfants d’ouvriers non qualifiés sont de bons nageurs contre 86 % des enfants de cadres et les premiers sont aussi six fois plus nombreux que les seconds à ne pas savoir nager. Les inégalités sociales sont d’autant plus prononcées que la maîtrise de la natation est très liée à la durée de leurs vacances d’été qui varie elle-même fortement selon l’origine sociale. Par ailleurs, d’autres facteurs influent aussi spécifiquement sur la maîtrise de la natation : en particulier, celle-ci est plus faible chez les descendants d’immigrés et est, en revanche, d’autant plus développée que les parents sont sportifs.

Les noyades constituent la première cause de décès par accident de la vie courante chez les moins de 25 ans (Ung et al. 2019). Dans cette perspective, la maîtrise de la natation est un enjeu important de la scolarité obligatoire. Comme le rappelle la circulaire n° 2017- 127 du 22 août 2017 sur l’enseignement de la natation « apprendre à nager est une priorité nationale » et « la maîtrise du milieu aquatique permettant de nager en sécurité se construit prioritairement du cours préparatoire à la classe de 6e ».

Pour mesurer la manière dont cet objectif est atteint un an avant la fin du collège, l’INJEP et la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ont interrogé un échantillon de 12 000 élèves de 13 ou 14 ans sur la manière dont ils maîtrisent la natation [encadré « Méthode »]. Les résultats de cette enquête montrent que, si plus de neuf collégiens sur dix savent nager, la maîtrise de la natation fluctue néanmoins sensiblement avec la situation familiale. En particulier, elle est d’autant plus forte que les collégiens partent longtemps en vacances et que leur famille dispose de revenus élevés.

 

Méthode

L’enquête sur les activités des jeunes en dehors du collège

Les données utilisées dans cette étude sont issues de l’enquête sur les activités des jeunes en dehors du collège réalisée par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et la Direction de l’évaluation, la prospective et la performance (DEPP) qui ont interrogé, d’avril à août 2019, un échantillon de 14 632 élèves sur leurs activités dans quatre domaines : le sport, l’engagement associatif, les vacances et le travail scolaire à la maison. 13 179 des collégiens interrogés ont répondu à l’enquête en fournissant une réponse exploitable, ce qui porte le taux de réponse à 90,1 %. Cette enquête s’insère dans le dispositif du panel d’élèves recruté au cours préparatoire en 2011 et suivi depuis cette date par la DEPP. Au moment où ils ont été interrogés, les collégiens avaient de 13 à 14 ans et étaient pour la plupart en classe de 4e. Seuls les répondants dont les parents avaient répondu à l’enquête Famille de 2012 du panel 2011 ont été retenus dans la population d’intérêt, soit 12 258 élèves. Une pondération a été calculée pour que ces élèves soient représentatifs de l’ensemble des élèves entrés pour la première fois au cours préparatoire en septembre 2011.

Le niveau en natation des élèves est mesuré en leur demandant de se positionner sur l’une des cinq modalités suivantes :

– Pas du tout (je ne peux pas aller là où je n’ai pas pied, même avec un matériel (bouée, brassard…) pour m’aider).
– Un peu (je peux nager une largeur de piscine avec un gilet ou du matériel (bouée, brassard…) pour m’aider).
– Assez bien (je peux nager, sans matériel pour m’aider (bouée, brassard…) et sans mettre mes pieds à terre, deux fois 15 mètres sur le ventre et sur le dos, après un saut dans l’eau).
– Bien (je peux nager sans matériel pour m’aider (bouée, brassard…) plus de 50 mètres
– ou plus de deux minutes – sur le ventre et sur le dos).
– Je ne peux pas répondre, je n’ai jamais essayé.

 

À 13 ou 14 ans, les trois quarts des collégiens peuvent être considérés comme de bons nageurs

Huit ans après le début de la scolarité obligatoire, la très grande majorité des collégiens savent nager : 94 % déclarent être capables de parcourir, sans l’aide de matériel (bouée, brassard) et sans mettre leurs pieds à terre, deux fois 15 mètres sur le ventre et sur le dos après un saut dans l’eau. Plus précisément, les collégiens se répartissent en trois groupes. Près des trois quarts d’entre eux (73 %) peuvent être considérés comme de bons nageurs : ils sont capables d’accomplir plus de 50 mètres ou de nager plus de deux minutes d’affilée. Un élève sur cinq fait preuve d’une compétence plus limitée : ils n’arrivent pas à dépasser, dans les mêmes conditions, la distance minimum de 30 mètres. Enfin, une petite minorité d’élèves (6 %) ne savent pas nager : la plupart d’entre eux (4 %) ne peuvent pas se déplacer dans l’eau sans l’aide de matériel, tandis que les 2 % d’élèves restant ne parviennent pas aller là où ils n’ont pas pied même avec du matériel ou déclarent n’avoir jamais essayé de nager.

Parmi ceux qui savent nager, seulement 11 % des collégiens de 13 ou 14 ans pratiquent la natation au moins une fois par semaine en dehors des cours d’EPS obligatoires. Les compétences déclarées ne sont donc que rarement entretenues par une pratique régulière pendant les loisirs. Une telle situation pourrait refléter un rapport à la natation différent de celui des adultes : la natation serait plus considérée comme une activité ludique permettant de passer de bons moments avec les copains que comme une discipline sportive dont la pratique régulière concourt à l’entretien de la forme physique.

 

 

Une maîtrise de la natation très inégale selon les milieux sociaux

La manière dont les collégiens savent nager varie sensiblement avec le milieu social. Ainsi, 86 % des enfants de cadres et de chefs d’entreprise sont des bons nageurs au sens défini plus haut contre seulement 61 % des enfants d’ouvriers non qualifiés et 54 % de ceux d’inactifs. La part de non-nageurs distingue aussi fortement les deux groupes : respectivement 13 % et 15 % des enfants d’ouvriers non qualifiés et d’inactifs, mais seulement 2 % des enfants de cadres et de chefs d’entreprise ne savent pas nager. Ce constat est bien en phase avec les disparités sociales de maîtrise de la natation mises régulièrement en évidence par les enquêtes de la DREES sur la santé des élèves en CM2 ou en 3e (Guignon et al. 2017).

Ces fortes inégalités sociales reflètent à la fois des différences de capital culturel et de ressources financières. En effet, la proportion de bons nageurs atteint 82 % parmi les collégiens dont l’un des parents est diplômé de l’enseignement supérieur, mais n’est plus que de 55 % quand les deux parents sont sans diplôme. À l’opposé, les non-nageurs sont six fois plus nombreux parmi les collégiens dont les parents ne possèdent pas de diplôme que parmi ceux dont l’un des parents détient un diplôme de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, la maîtrise de la natation s’accroît au fur et à mesure que les revenus de la famille s’élèvent. Ainsi, 90 % des collégiens dont les parents gagnent 6 000 € ou plus déclarent savoir bien nager et seulement 1,5 % d’entre eux ne pas savoir nager. En revanche, seuls 61 % des collégiens dont les parents ont un revenu inférieur à 1 200 € sont bons nageurs et 12 % ne savent pas nager.

 

Les collégiens savent d’autant mieux nager qu’ils partent longtemps en vacances d’été

De tels écarts peuvent être mis en relation avec le fait que les collégiens appartenant aux milieux sociaux les plus aisés partent plus longtemps en vacances que les autres élèves. En effet, la maîtrise de la natation s’accroît au fur et à mesure que la durée des séjours pendant les vacances d’été s’élève [graphique 1]. Ainsi, 82 % des élèves partis plus de trente jours savent bien nager contre seulement 55 % de ceux partis moins de quatre jours. En revanche, parmi ces derniers, la part de non-nageurs est quatre fois supérieure (15 % contre 4 %).

Un résultat comparable s’observe sur l’ensemble des pratiques sportives des collégiens (Caille 2020). La tendance est encore plus marquée dans le cas de la natation, ce qui peut s’expliquer par le fait que cette activité est souvent pratiquée lors des vacances d’été, notamment en bord de mer.

Consulter le tableau

 

Une maîtrise de la natation moindre parmi les descendants d’immigrés

Les collégiens dont au moins un parent est immigré 1 ont une moins bonne maîtrise de la natation : la part de bons nageurs s’élève aux trois quarts quand aucun des parents n’est immigré, atteint les deux tiers parmi les descendants d’immigrés maghrébins et ne concerne plus que six élèves sur dix quand l’un des parents est originaire d’Asie. Le déficit de bons nageurs est encore plus prononcé parmi les descendants d’immigrés originaires de Turquie (56 %) et d’Afrique subsaharienne (48 %). En miroir, ces deux groupes d’élèves comportent une part relativement élevée de non-nageurs : respectivement 16 % et 20 % d’entre eux partagent cette situation.

Parmi les descendants d’immigrés originaires de Turquie, cette moins bonne maîtrise de la natation recouvre de fortes inégalités entre garçons et filles : 70 % des premiers mais seulement 43 % des secondes sont de bons nageurs [graphique 2] ; les filles de cette origine sont aussi trois fois plus nombreuses que les garçons à ne pas savoir nager : 24 % contre 7 %. Un tel clivage s’observe parmi les autres élèves, mais avec des écarts nettement plus resserrés. Ainsi, respectivement 71 % et 63 % des fils et des filles d’immigrés maghrébins savent bien nager ; quand aucun des parents n’est immigré, la part de bons nageurs atteint 76 % parmi les garçons et 71 % chez les filles.

 

 

À autres caractéristiques comparables, la maîtrise de la natation reste très liée à la durée des vacances d’été et à l’origine

Parmi les collégiens de 13 ou 14 ans, la maîtrise apparaît donc très inégale selon le milieu social, la durée des départs en vacances d’été ou encore l’origine. Mais ces différents aspects sont liés entre eux. Ainsi, la durée des vacances n’est pas indépendante du niveau de revenu des parents et les descendants d’immigrés appartiennent massivement aux milieux sociaux les plus défavorisés. Il est donc nécessaire de préciser ces premiers résultats en estimant le lien propre de chacune de ces dimensions avec la maîtrise de la natation. Cette analyse porte sur les chances d’être bon nageur. Elle prend en compte l’ensemble des variables susceptibles d’influer sur la maîtrise de la natation : caractéristiques démographiques, durée des départs en vacances d’été, pratique sportive des parents.

Ses résultats confirment le rôle important de la durée des séjours en vacances d’été dans l’acquisition de compétences en matière de natation. En effet, à autres caractéristiques comparables, les collégiens partis en vacances d’été plus de 30 jours gardent une probabilité d’être bon nageur encore supérieure de 16 points à celle des élèves partis moins de quatre jours [tableau, colonne écarts nets]. L’effet mis en évidence est progressif : les chances de savoir bien nager augmentent régulièrement au fur et à mesure que la durée des départs en vacances d’été s’accroît. À situation familiale et sociale comparable, la maîtrise de la natation reste plus faible pour les enfants dont l’un des parents est immigré, l’effet variant sensiblement avec le pays d’origine.

C’est parmi les collégiens – garçons comme filles – dont l’un des parents est originaire d’Afrique subsaharienne que le déficit est le plus marqué : la probabilité qu’ils sachent bien nager est inférieure de 14 points2 à celle des enfants dont aucun des parents n’est immigré. L’écart est presque deux fois moins marqué pour les descendants d’immigrés d’Asie et de Turquie : 8 points séparent les deux groupes d’élèves des collégiens dont aucun parent n’est immigré. Parmi les descendants d’immigrés originaires de Turquie et d’Europe, cette moins bonne maîtrise de la natation se concentre principalement chez les filles : à autres caractéristiques comparables, leurs chances de savoir bien nager sont inférieures de respectivement 16 et 8 points à celles des collégiennes vivant dans une famille sans parent immigré alors qu’aucun écart significatif n’apparaît chez les garçons. Enfin, tant chez les filles que chez les garçons, les écarts observés sur le graphique 2 entre descendants d’immigrés maghrébins et collégiens dont aucun des parents n’est immigré s’estompent quand la comparaison est menée toutes choses égales par ailleurs.

À durée des vacances d’été, origine et autres caractéristiques comparables, les inégalités sociales de maîtrise de la natation se contractent fortement, mais demeurent significatives. Ainsi, un élève dont les parents gagnent 6 000 € ou plus a une probabilité d’être bon nageur encore supérieure de 12 points à celle d’un élève dont la famille vit avec moins de 1 200 € par mois. Un clivage très net se forme autour de 3 000 € : à partir de ce niveau de ressources, les chances que l’élève soit un bon nageur s’accroissent au fur et à mesure que les revenus des parents s’élèvent alors qu’aucun écart significatif ne subsiste entre les collégiens dont les revenus des parents sont inférieurs à cette somme.

Par ailleurs, à revenu et autres caractéristiques comparables, les enfants de cadres, professions intermédiaires et artisans commerçants ainsi que ceux dont les parents sont les plus diplômés gardent une probabilité sensiblement plus élevée que les autres élèves d’être bons nageurs : leur avantage fluctue entre 7 et 10 points. Le maintien de tels écarts montre que les inégalités sociales de maîtrise de la natation résultent aussi d’autres facteurs que ceux mesurés dans l’enquête. En particulier, dans les milieux sociaux les plus favorisés, le recours à des cours particuliers payants peut compléter favorablement l’enseignement de la natation dispensé à l’école et contribuer à perpétuer de tels écarts.

 

Les filles ont d’autant plus de chances de savoir bien nager que leur mère est sportive

Comme pour les autres activités sportives, la pratique de la natation des collégiens n’est pas indépendante de l’importance que leurs parents accordent au sport. En particulier, plus les parents sont sportifs, plus leurs enfants manifestent une maîtrise élevée de la natation : avoir un père ou une mère qui font du sport plusieurs fois par semaine plutôt que non sportifs augmente, toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d’être un bon nageur de respectivement 5 et 8 points.

Plus spécifiquement, le rapport à la natation des filles est beaucoup plus influencé par la pratique sportive de leur mère que par celle de leur père. En effet, la probabilité qu’une fille soit une bonne nageuse ne varie pas significativement avec la fréquence d’activité sportive du père, alors qu’elle est d’autant plus élevée que la mère est sportive : ainsi, les chances de savoir bien nager d’une fille dont la mère fait du sport plusieurs fois par semaine sont supérieures de 9 points à celles d’une fille dont la mère ne fait pas de sport. Cette différence ne se retrouve pas parmi les garçons, pour qui avoir un père ou une mère faisant du sport plusieurs fois par semaine entraîne, toutes choses égales par ailleurs, un avantage comparable : la probabilité d’être bon nageur s’accroît dans les deux cas de 7 points.

1. Dans cette étude, est considéré comme descendant d’immigré un élève dont au moins un des parents est né étranger à l’étranger, que l’enfant soit lui-même né en France ou à l’étranger.

2. Cet écart est estimé en mettant en œuvre séparément chez les garçons et les filles un modèle identique (en dehors du sexe) à celui utilisé pour calculer les écarts nets du tableau. Pour plus de détails, voir le tableau disponible en données complémentaires.

 

Sources bibliographiques

Caille Jean-Paul, « Les pratiques sportives des collégiens sont très liées au rapport au sport de leurs parents et à leurs vacances d’été », France Portrait social 2020, décembre 2020.
Guignon Nathalie, Delmas Marie-Christine, Fonteneau Laure, Perrinne Anne-Laure, « La santé des élèves de CM2 en 2015 : un bilan contrasté selon l’origine sociale », Études & Résultats n° 0993, DREES, février 2017.
Ung Aymeric, Gautier Arnaud, Chatignoux Édouard, Beltzer Nathalie, « Principaux résultats de l’enquête Noyades menée au cours de l’été 2018 en France », Bulletin épidémiologique hebdomadaire 2019 (16), Santé Publique France, avril 2019.