Ce nouvel appel lancé par l’INJEP vise à soutenir des projets de recherche qui produisent des connaissances sur les révoltes urbaines.
Les émeutes urbaines survenues en France durant l’été 2023 à la suite du décès de Nahel Merzouk, tué à Nanterre par un tir policier le 27 juin 2023, ont fait apparaître une forte similarité avec les précédents événements survenus en marge des métropoles françaises depuis les années 1990 : dans chaque cas, un incident grave avec la police entraîne une réaction en chaîne de jeunes habitants des quartiers populaires en s’attaquant aux institutions, bâtiments publics et centres commerciaux, dans une atmosphère de chaos plus ou moins durable, avant un fragile retour au calme les jours suivants.
« Emeutes », « violences » ou « révoltes urbaines », la terminologie employée alors pour caractériser ce type d’évènement témoigne des multiples interprétations qui traversent l’espace politique et médiatique et des difficultés à qualifier les réactions des jeunes habitants des quartiers populaires qui s’ensuivent. Les qualificatifs employés portent des jugements opposés sur la réalité observée en insistant, pour les uns, sur l’irrationalité supposée des émeutes, des dégradations et des affrontements entre jeunes des quartiers et forces de l’ordre, soit, pour les autres, sur le sens politique de ces agissements considérés comme des actions de rébellion contre les injustices, les discriminations ou la relégation subie par les habitants de ces quartiers.
Ces évènements ont par ailleurs donné à voir différentes conceptions du rapport au temps, entre la révolte spontanée, par définition inscrite dans le temps court de l’actualité médiatique et de son caractère exceptionnel et éphémère, et le temps long de l’histoire des politiques urbaines et de l’intégration des groupes issus de l’immigration dans ces quartiers.
Ce sont sur ces deux temps que le présent appel à projet de recherche propose d’orienter la réflexion en invitant les chercheur.es en sciences sociales à travailler sur ces deux temporalités de manière articulée. Il s’agira d’une part de faire émerger des connaissances sur les logiques internes aux émeutes, les raisons multifactorielles de leur apparition et la diversité des profils, des intentions et des modes opératoires des jeunes y prenant part. Sur ce point, les analyses pourront s’intéresser aux spécificités éventuelles de l’épisode émeutier de 2023, en le comparant à des révoltes urbaines antérieures. Il s’agira d’autre part d’examiner les logiques plus structurelles liées aux configurations socio-territoriales des quartiers où ces évènements émergent, au tissu associatif existant et aux relations engagées entre les institutions politiques, démocratiques, policières et judiciaires et les jeunes habitants de ces quartiers. Cette deuxième dimension pourra chercher à analyser aussi bien les causes structurelles pouvant contribuer à expliquer les révoltes urbaines que les conséquences de cet événement sur la redéfinition des politiques publiques, des rapports entre les acteurs locaux, etc.
Cet appel à projets est destiné à alimenter la production de connaissances sur les révoltes urbaines. Il a pour but de favoriser la compréhension des émeutes entendues dans leurs différents aspects (pratiques, institutionnels, comportementaux, juridiques, politiques, etc.). Il vise en particulier à renforcer la recherche relative aux dimensions individuelles et collectives des révoltes urbaines, tant du côté des auteurs et autrices que du côté des institutions, politiques publiques, société civile, etc.
L’appel à projets intègre plusieurs niveaux de temporalités qui englobent l’analyse des phénomènes des émeutes pris en eux-mêmes, les processus préliminaires qui les précèdent, ainsi que les phases qui suivent l’expression de la révolte et les conséquences politiques qu’ils génèrent. Les projets pourront ainsi articuler deux niveaux de connaissances (non exclusif et non exhaustif):
Bien que les évènements survenus en 2023 ont de nouveau témoigné de la routine du cycle de la révolte urbaine largement documentée depuis les émeutes des années 1990, plus particulièrement au niveau des faits déclencheurs liés aux antagonismes entre la police et les jeunesses des quartiers, certaines spécificités méritent une nouvelle attention. Elles portent notamment sur la diffusion rapide des émeutes sur l’ensemble du territoire national, les modes opératoires employés ou encore le profil sociologique des jeunes ayant pris part aux événements. Ces spécificités invitent à porter une attention nouvelle à différents éléments de recherche pour saisir les logiques et enjeux pratiques du passage à l’acte et de leur déroulement. Les projets pourront par exemple aborder :
Au-delà du caractère qui semble « spontané » des révoltes urbaines en lien le plus souvent avec une intervention policière violente, parfois mortelle, un certain nombre de causes sous-jacentes régulièrement reprises dans la littérature scientifique insistent sur leurs origines socio-historiques fondamentalement inscrites dans le temps long du peuplement des banlieues et de l’histoire urbaine, politique, économique et sociale des quartiers où ils apparaissent. Une attention particulière sera portée aux travaux permettant de rendre compte des évolutions socio-historiques des révoltes urbaines avec des comparaisons spatiales et temporelles, en lien plus particulièrement avec :
Les révoltes urbaines n’étant pas spécifiques à la France mais observées également dans différents pays européens, des projets donnant lieu à des comparaisons internationales (notamment par la littérature mobilisée), sont attendus.
Cet appel à projets s’adresse aux laboratoires de recherche de sciences humaines et sociales et de sciences politiques. Les projets pluridisciplinaires feront l’objet d’une attention particulière.
Les projets de recherche pourront reposer aussi bien sur des méthodologies quantitatives que qualitatives ; celles-ci devront être décrites précisément. Pour les méthodes quantitatives : précisions sur les bases de données nouvelles, exploitation de données existantes ou bases de données administratives ; pour les méthodes qualitatives : précisions sur le type de matériau recueilli, entretiens individuels et/ou collectifs, observations participantes ou indirectes, démarche ethnographique, archives mobilisées, etc.
Les projets de recherche devront être menés, de préférence, sur une durée maximale de 18 mois à compter de la notification de la convention de subvention conclue avec l’Injep et le représentant ou la représentante agissant au nom et pour le compte de l’équipe de recherche (le laboratoire ou l’unité).
Les candidates et candidats veilleront donc à présenter un calendrier de recherche compatible avec ce délai maximal.
La subvention demandée par projet ne pourra pas dépasser 45 000 €.
Un projet dont le coût total serait supérieur à 45 000 € peut toutefois être proposé dans le cadre d’un cofinancement : l’équipe devra alors indiquer le plan de financement détaillé et les cofinancements obtenus (ou en cours d’instruction).
Contacts :
Laurent LARDEUX : laurent.lardeux@jeunesse-sports.gouv.fr
Joaquim TIMOTEO : joaquim.timoteo@jeunesse-sports.gouv.fr
Chaque projet donnera lieu à un rapport de recherche qui pourra être valorisé dans les collections de l’INJEP
L’INJEP mettra en place un comité de suivi des projets soutenus auquel sont associées les équipes de recherche sélectionnées.