L’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire souhaite souhaite faire réaliser une revue de littérature sur l’éducation à la citoyenneté.
Dans un contexte européen traversé par des tensions multiples – changement climatique, retour de la guerre sur le continent, montée des populismes, défiance envers les institutions, fragmentation sociale – la question de la citoyenneté se retrouve au cœur des préoccupations démocratiques. Chaque société européenne est soumise à des défis propres qui interrogent les contours et registres de la citoyenneté. Or, la citoyenneté n’est pas seulement une appartenance juridique ou un droit de vote : elle renvoie à un ensemble de pratiques, de valeurs, de sentiments d’appartenance. Dans cette perspective, l’éducation à la citoyenneté devient un enjeu central : à la fois outil de transmission, de mobilisation, et de formation du jugement critique, elle représente un levier d’action face à la crise des démocraties libérales.
En France, la République a été fondée à partir d’une réflexion sur la citoyenneté qui s’est très tôt emparée des enjeux éducatifs. L’instauration de l’École laïque, gratuite et obligatoire tout autant que la construction progressive d’un tissu associatif attaché à ces enjeux (éducation populaire notamment) constituent des marqueurs collectifs. De cette matrice fondatrice découle une diversité de dispositifs publics, scolaires et extrascolaires, qui entendent former à la citoyenneté. Mais à mesure que les sociétés se transforment, cette ambition est constamment réinterrogée : quels citoyens forme-t-on ? À quelles finalités répond l’éducation à la citoyenneté ? Comment cette éducation s’articule-t-elle entre les institutions, les acteurs sociaux, les territoires ? En France, différents ministères (Éducation nationale, Armée, etc) contribuent à un parcours de citoyenneté articulant des temps de formation dans l’espace scolaire[1] et en dehors[2]. Pour autant, la construction européenne et les défis contemporains invitent à décentrer le regard pour aller au-delà du contexte national.
Dans ce cadre que l’INJEP souhaite consacrer une revue de littérature aux questions d’éducation à la citoyenneté. Il s’agira de dresser un état des savoirs, des débats et des angles morts autour de l’éducation à la citoyenneté, en s’appuyant prioritairement sur les travaux français et plus largement européens.
L’expression « éducation à la citoyenneté » désigne ici un ensemble de dispositifs, de pratiques et de contenus éducatifs (formels et informels), qui visent à transmettre des connaissances, des compétences et des valeurs liées à la vie démocratique, à la participation civique et à l’appartenance à une société. Ce champ englobe des initiatives scolaires (comme l’enseignement moral et civique), extrascolaires (éducation populaire, engagement associatif, projets Erasmus+…), ou encore institutionnelles (Service national universel, politiques mémorielles…). Cette diversité fait l’objet de débats dans la littérature scientifique : la revue cherchera donc aussi à clarifier les définitions mobilisées selon les contextes et les disciplines.
Les travaux en sciences sociales soulignent la tension constitutive de l’éducation à la citoyenneté entre deux pôles : d’un côté, une logique normative, qui vise à transmettre des valeurs partagées, à « faire société » ; de l’autre, une approche critique, qui insiste sur l’émancipation des individus, la pluralité des appartenances, la participation active.
La revue de littérature aura donc pour objectif de renseigner de la manière la plus précise possible les résultats des travaux menés sur l’éducation à la citoyenneté à l’échelle européenne. Elle proposera une synthèse des différents travaux en sciences sociales menés sur ce sujet et sur les éventuelles circulations de pratiques entre partenaires de différents pays.
Plusieurs évolutions contemporaines nourrissent et déplacent ces débats.
1. Redéfinition des publics et des territoires : Les recherches ont souligné l’hétérogénéité des expériences scolaires selon les territoires et les appartenances sociales ou culturelles. L’éducation à la citoyenneté ne peut ignorer les inégalités de conditions ni les formes de mise à distance de la chose publique. Ces dynamiques questionnent la capacité des dispositifs à être réellement inclusifs et à produire un sentiment d’appartenance partagé.
2. Multiplication des dispositifs et brouillage des responsabilités : En France, plusieurs ministères interviennent dans le champ de la citoyenneté : Éducation nationale (avec notamment l’EMC – enseignement moral et civique), Armée (avec la Journée Défense et Citoyenneté ou le Service national universel), Justice (via les stages de citoyenneté), ou encore Jeunesse et Sports. À cela s’ajoute le rôle des collectivités territoriales, des associations d’éducation populaire, et des projets soutenus par l’Union européenne (Conseil de l’Europe, Erasmus+…). Cette pluralité rend difficile la lisibilité des politiques publiques et interroge leur cohérence.
3. Transformation des modes d’engagement et des formes de participation : L’idée de citoyenneté ne se limite plus à la participation électorale. Les jeunes, en particulier, expérimentent des formes nouvelles d’engagement (mobilisations climatiques, actions numériques, initiatives locales, etc.). Cela oblige à repenser les finalités de l’éducation à la citoyenneté, non plus comme simple transmission, mais comme accompagnement de la capacité d’agir de chacune et chacun.
4. Contexte européen et confrontation des modèles : L’Union européenne promeut une éducation à la citoyenneté fondée sur les droits humains, la tolérance, la diversité. Mais les systèmes éducatifs nationaux restent largement autonomes et reflètent des histoires politiques propres. Entre modèle républicain français, éducation civique anglo-saxonne, approche interculturelle scandinave ou mémoire critique en Allemagne, les différences sont profondes. Cette diversité soulève la question d’un socle commun de citoyenneté européenne, mais aussi des tensions entre modèles nationaux et discours transnationaux.
[1] On peut penser notamment à l’Éducation morale et civique (EMC) ou l’Éducation aux médias et à l’information (ÉMI).
[2] On peut penser notamment à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) qui s’impose à tous les citoyens, femmes et hommes, avant l’âge de 18 ans. Ils ont la possibilité de régulariser jusqu’à l’âge de 25 ans.
À partir de cet état des lieux, trois grands axes de questionnement pourraient structurer la revue de littérature, afin de mettre en lumière la complexité et les enjeux politiques, sociaux et pédagogiques de l’éducation à la citoyenneté.
1. Quelles finalités et quelles conceptions de la citoyenneté sous-tendent les politiques publiques ?
Ce premier axe invite à questionner les conceptions de la citoyenneté qui s’expriment à travers les discours, les programmes et les actions conduites en France et en Europe. Que recoupe la notion « d’éducation à la citoyenneté » ? Dans quelle mesure celle-ci fait l’objet de consensus, de discussions ou de circulations entre les pays européens. Quels modèles de citoyenneté sont mobilisés ? Quels équilibres entre civisme, critique, participation ? Comment se répartissent les rôles entre école, institutions militaires ou associatives ? Quelle place est faite à la diversité culturelle, à la mémoire collective ? A qui se destine l’éducation à la citoyenneté ?
2. Quels sont les dispositifs d’éducation à la citoyenneté et leurs effets ?
Ce second axe cherche à rendre compte des résultats observables des actions menées. Qu’apprennent réellement les jeunes sur la citoyenneté ? Comment cela varie-t-il selon les contextes sociaux, scolaires, géographiques ? Les travaux de terrain, les enquêtes qualitatives ou quantitatives, les évaluations de dispositifs (EMC, SNU, actions associatives) constituent des matériaux éclairants sur ces questions. Quelles politiques publiques ont été développées en matière d’éducation à la citoyenneté ? À quelle échelle ? Avec quelques types de financement ?
3. Quelles sont les pratiques professionnelles d’éducation à la citoyenneté ?
Ce dernier axe ouvre sur les défis d’adaptation des pratiques des professionnels intervenant dans ce champ (postures, pédagogies, outillage, etc.) : qui sont les professionnels qui interviennent dans les dispositifs et initiatives qui relèvent de l’éducation à la citoyenneté ? Comment sont-ils formés ? Comment pratique-t-on l’éducation à la citoyenneté autant dans le monde scolaire qu’en dehors ? Quelle marge d’autonomie pour les professionnels qui accompagnent les jeunes ? Quelles postures professionnelles sont attendues ou valorisées ? Quels défis en matière de formation ? Quelles dynamiques européennes de partage et de circulations des savoir-faire ?
L’ambition de cette revue de littérature est de rendre compte de la richesse, mais aussi des limites, des recherches sur l’éducation à la citoyenneté. Elle doit permettre de faire dialoguer les analyses institutionnelles, les recherches empiriques, les approches comparées, afin de nourrir un débat informé sur les conditions de formation des citoyens en démocratie.
La revue de littérature s’appuiera sur des travaux académiques reposant sur des méthodes d’analyse quantitative ou qualitative ainsi que sur des travaux d’évaluation menés plus spécifiquement en France et en Europe depuis les années 2000.
1er trimestre 2026
Document de 50 à 80 pages, complété d’une synthèse de 5 à 10 pages
Contrat individuel d’auteur
Le ou la candidat·e devra adresser un curriculum vitae qui rend compte de sa connaissance sur la thématique abordé ainsi que de ses compétences de recherches bibliographiques et rédactionnelles (rapports et synthèses).
Les candidatures sont envoyées par mail aux adresses indiquées ci-dessous, pour le 20 septembre 2025 au plus tard.
emmanuel.porte@jeunesse-sports.gouv.fr
joaquim.timoteo@jeunesse-sports.gouv.fr