Les Maisons sport-santé (MSS) sont des structures créées en 2019 dans le cadre de la stratégie nationale sport-santé. Elles visent à lutter contre la sédentarité et ses conséquences néfastes sur la santé publique, notamment l’obésité et les maladies cardiovasculaires, en ciblant prioritairement les personnes atteintes d’affections de longue durée et les publics éloignés de l’activité physique et sportive. Les résultats de l’enquête que l’INJEP a menée auprès de trente MSS mettent en lumière une adhésion forte des coordinateurs et coordinatrices de ces Maisons à la politique de développement du sport-santé. Ils soulignent cependant que leur développement se heurte à plusieurs obstacles : les difficultés à mobiliser les médecins et à atteindre tous les publics, ainsi que l’insuffisance de financements pérennes.
Les Maisons sport-santé (MSS) sont des structures créées en 2019 dans le cadre de la stratégie nationale sport-santé. Elles visent à lutter contre la sédentarité et ses conséquences néfastes sur la santé publique, notamment l’obésité et les maladies cardiovasculaires, en ciblant prioritairement les personnes atteintes d’affections de longue durée et les publics éloignés de l’activité physique et sportive. Les résultats de l’enquête que l’INJEP a menée auprès de trente MSS mettent en lumière une adhésion forte des coordinateurs et coordinatrices de ces Maisons à la politique de développement du sport-santé. Ils soulignent cependant que leur développement se heurte à plusieurs obstacles : les difficultés à mobiliser les médecins et à atteindre tous les publics, ainsi que l’insuffisance de financements pérennes.
Créées en 2019 dans le cadre de la stratégie nationale sport-santé 2019-2024, les Maisons sport-santé constituent une des réponses apportées par les pouvoirs publics à la lutte contre la sédentarité et ses conséquences. La France est en effet l’un des pays européens où la proportion d’adultes jugés suffisamment actifs est la plus basse (moins de 25 %) [1, 2], avec des conséquences néfastes en termes de santé publique telles que l’obésité et les maladies cardiovasculaires [3]. Les femmes et les enfants sont les plus touchés par la sédentarité, et seulement 5 % des adultes ont une activité physique suffisante pour être protectrice contre les maladies chroniques [4, 5].
Les Maisons sport-santé sont des structures qui réunissent des professionnels de santé et du sport travaillant sur les activités physiques et sportives à des fins d’amélioration de la santé et de prévention des maladies chroniques, qui sont lauréates de l’appel à projets lancé en 2019 par le ministère des Sports et celui de la Santé et qui, par conséquent, ont obtenu le label Maison sport-santé [6]. Ce processus de labellisation enclenché, les Maisons sport-santé se sont déployées rapidement sur l’ensemble du territoire national avec l’appui en 2022 d’un financement du ministère des Sports à hauteur de 4,2 millions d’euros. Elles sont ainsi passées de 138 structures labellisées en 2019 à 573 en 2023, dépassant l’objectif initial de 500 structures, soit en moyenne six structures par département. En 2021, 57 MSS étaient localisées en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) [encadré « Définitions »] et 29 en zone de revitalisation rurale (ZRR). Les MSS sont pour moitié de nature associative, mais elles peuvent aussi avoir d’autres statuts : sociétés commerciales, collectivités territoriales ou, plus marginalement, établissements publics de santé ou même plateformes numériques [7].
L’objectif des MSS est de permettre aux publics éloignés de l’activité physique et sportive de commencer ou de reprendre une activité physique adaptée, sécurisée et encadrée par des éducateurs professionnels formés aux activités physiques adaptées (APA). Elles accueillent deux types de public : d’une part des publics sujets à des affections de longue durée (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires), auxquels s’impose une activité physique adaptée prescrite par un médecin et encadrée par des éducateurs professionnels formés aux APA, ainsi que le prévoit le dispositif « Sport sur ordonnance » ; d’autre part, des personnes sans problème de santé particulier, mais qui n’ont pas pratiqué de sport depuis longtemps, par manque d’appétence ou qui sont éloignées de l’activité physique et sportive, notamment en raison de difficultés économiques et sociales. Depuis 2019, environ 360 000 personnes ont été suivies par une MSS.
Les Maisons sport-santé se heurtent toutefois à des difficultés liées principalement à leur modèle économique, à leur gouvernance, à l’éloignement des publics ou à la rencontre de cultures professionnelles différenciées. L’étude de l’INJEP [8] apporte un éclairage sur la structuration du réseau des MSS en tant qu’espace où convergent et s’hybrident différentes professionnalités du sport et de la santé autour d’une cause commune : le développement du sportsanté comme outil de lutte coordonnée contre la sédentarité et les inégalités d’accès à l’activité physique et sportive.
Définitions
Sport sur ordonnance : il s’agit d’un dispositif public encadré par un décret du 30 décembre 2016. Il permet à un médecin traitant de prescrire à un patient atteint d’une affection de longue durée une activité physique dispensée par des professionnels de santé ou du sport.
Zones de revitalisation rurale (ZRR) : créées par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT) du 4 février 1995, elles visent à aider le développement des territoires ruraux principalement à travers des mesures fiscales et sociales au bénéfice des entreprises créatrices d’emplois dans les territoires ruraux affectés par le déclin démographique et économique.
Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) : les quartiers dits « prioritaires » de la politique de la ville, considérés comme ayant les revenus les plus faibles, et où s’applique la politique de la ville visant à compenser les écarts de niveau de vie avec le reste du territoire.
La Conférence des financeurs : l’un des dispositifs phares institués par la loi no 2015- 1776 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015. Elle a pour objectif de coordonner dans chaque département les financements de la prévention de la perte d’autonomie pour les personnes âgées de 60 ans et plus.
Les Maisons sport-santé visent à proposer une offre d’activité physique adaptée de proximité et s’appuient sur la mise en réseau d’acteurs pluriprofessionnels et pluridisciplinaires : éducateurs sportifs et enseignants en activité physique adaptée, directions de la prévention et de la promotion de la santé des agences régionales de santé, délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES), médecins, centres hospitaliers, infirmières, nutritionnistes, collectivités territoriales, etc. Ces nouveaux espaces donnent lieu à des relations complexes, faites de rencontres, d’échanges et de collaborations entre professionnels du sport et professionnels de la santé qui peuvent avoir des points de vue et des habitudes de travail divergents. L’enquête [encadré « Repères »] montre que ces relations transforment concrètement les frontières et les cultures professionnelles des acteurs investis dans le champ du sport-santé, les médecins devant par exemple faire davantage confiance, sur le plan médical, aux enseignants APA qui, eux, se sentent souvent contraints de convaincre de leur légitimité et du bien-fondé et des bienfaits du sportsanté. Le développement rapide du réseau des MSS ne se fait pas sans frein et de fortes attentes s’expriment vis-à-vis de l’État. Trois principaux obstacles sont identifiés tant dans la collaboration interprofessionnelle que dans le développement du réseau des MSS.
Le premier d’entre eux relève du choc des cultures professionnelles. Cette nouvelle catégorie de l’action publique que constitue le « sport-santé » a pu opérer une mise en commun inédite de compétences au croisement de ces deux champs, conduisant à des collaborations et à une meilleure compréhension mutuelle entre les différents professionnels. Pour autant, des incompréhensions dans les manières de travailler de l’autre subsistent, freinant ainsi quelque peu la structuration du réseau. Le dialogue entre médecins et enseignants en APA illustre cette difficulté pratique de faire coopérer d’un côté des professionnels de santé, dotés de savoirs médicaux et certifiés après des trajectoires d’études longues, qui posent le diagnostic sur l’état de santé des populations, et d’un autre côté, des groupes professionnels plus variés qui organisent les activités physiques et sportives (éducateurs sportifs ou enseignants en APA), dotés quant à eux de savoir-faire pédagogiques et de formations plus courtes. Cette difficulté à dialoguer témoigne, plus largement, d’une hiérarchisation des professionnalités du sport-santé, les médecins se situant plus haut que les professionnels des APA.
Les coordinatrices des MSS, pour la plupart des jeunes femmes diplômées d’un master en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), mention Activité physique adaptée et santé et enseignantes en APA, ont pour principales missions de coordonner et piloter les activités de leur MSS et de gérer le réseau de partenaires. Elles témoignent des résistances que certains acteurs du champ médical opposent au développement du sport-santé, bon nombre de médecins traitants n’étant pas encore totalement convertis à la logique préventive et non médicamenteuse, ni rassurés à l’idée d’envoyer leurs patients vers des acteurs qui ne sont pas des professionnels de santé reconnus, comme les éducateurs sportifs et enseignants en APA. Ce sont ces derniers, ou encore les coordinateurs de MSS, qui sont amenés paradoxalement à devoir convaincre des médecins du bien-fondé du recours aux APA dans le cadre d’un parcours de soin, sur le plan scientifique comme sur le plan pratique.
De ce point de vue, tous les coordinateurs enquêtés ont reconnu que l’obtention du label avait permis à leur structure d’avoir davantage de visibilité et de légitimité auprès de différents acteurs institutionnels locaux (élus, tissu associatif, sportif et culturel), mais pas nécessairement auprès des professionnels de santé. Un travail de légitimation et d’explication de ce que recouvre concrètement la catégorie d’action publique « sportsanté », qui passerait notamment par de la pédagogie auprès d’un large public, apparaît ainsi nécessaire aux yeux des enquêtés, tant cette catégorie relativement récente est loin d’être claire et comprise par tout le monde.
Repères
Maisons sport-santé : une volonté de transition d’un modèle de soin curatif à un modèle de soin préventif
La création des MSS témoigne d’une volonté de l’État d’amorcer une transition d’un modèle de soin curatif, dominant en France, à un modèle de soin préventif et non médicamenteux dans la prise en charge et le traitement des pathologies. Cette politique publique s’inscrit dans la stratégie nationale sport-santé 2019-2024 qui vise à lutter contre les inégalités de santé et d’accès au sport. La labellisation des Maisons sport-santé est l’une des sept mesures « phares » de ce programme.
La politique de développement du sport-santé vise à mailler tout le territoire national, avec une attention particulière aux territoires inscrits en géographie prioritaire, où les difficultés sociales et sanitaires se cumulent : les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou les zones de revitalisation rurale (ZRR) – encadré « Définitions ».
Les Maisons sport-santé ont une quadruple mission :
• accueillir le public souhaitant pratiquer ou reprendre une activité physique et sportive à des fins de santé, de bien-être ;
• le renseigner sur les offres de pratique disponibles localement ;
• l’informer et le conseiller sur les bienfaits de l’activité physique et sportive ou adaptée ;
• et l’orienter vers des professionnels qualifiés.
Le deuxième frein majeur rencontré par toutes les MSS enquêtées est l’insuffisance de financement. L’étude montre toutefois des disparités dans les moyens dont celles-ci disposent selon leur ancrage territorial, les volontés politiques en présence localement et leur statut juridique. Le financement des structures et des actions sport-santé n’est en général pas pérenne. Il repose sur des subventions très variables et des appels à projets souvent annuels qui, selon les coordinateurs des MSS, demandent beaucoup de temps et d’énergie et ne leur permettent pas de déployer ni de pérenniser leurs actions. Les ressources financières provenant des cotisations des usagers sont la plupart du temps peu élevées, surtout pour les MSS associatives, les cotisations étant là encore variables d’une structure à l’autre, allant de 65 euros à 255 euros à l’année dans les MSS enquêtées. Par ailleurs, pour les coordinateurs des MSS, l’absence de prise en charge systématique par l’Assurance maladie et les mutuelles des activités des Maisons sport-santé et des prescriptions de sport sur ordonnance constitue clairement un obstacle au développement des APA. Enfin, les coordinateurs des MSS de l’enquête qui sont structurées en sociétés à but lucratif apprécient globalement l’obtention du label MSS et la reconnaissance qu’il octroie, mais regrettent l’impossibilité d’adjoindre à cette reconnaissance ministérielle des subventions, à la différence des structures publiques ou associatives, alors même qu’elles ont le sentiment que leur MSS remplit une mission de service public.
Le troisième frein est la difficulté à attirer tous les publics, ce qui se traduit notamment par un déséquilibre dans la répartition sexuée des usagers des MSS, où les femmes et les seniors prédominent. La plupart des référents rencontrés estiment que la résistance des hommes à s’investir dans ce type de pratique sport-santé encadrée est problématique, mais sans qu’ils aient, à ce stade, trouvé de solution pour remédier à cette difficulté.
La distance géographique, mais aussi symbolique qui peut séparer les publics de la notion de sport-santé et des MSS a été identifiée comme un obstacle considérable que les coordinateurs de structures tentent de surmonter. Les enseignants en activité physique adaptée œuvrent à déconstruire les représentations négatives du sport chez des publics souvent marqués par la dimension compétitive ou scolaire du sport, ou peu enclins à prendre soin d’eux. Enfin, les coordinateurs de MSS témoignent de leurs difficultés à capter les publics des quartiers prioritaires de la politique de la ville qui seraient moins disposés à prendre soin d’eux, ou encore davantage préoccupés par leurs conditions de vie précaires. Ils évoquent également la difficulté à faire venir les habitants des zones rurales, confrontés pour leur part à la distance géographique, à l’isolement ainsi qu’aux difficultés de transport entre leur domicile et les MSS.
Enfin, plusieurs coordinateurs pensent que la multiplication des structures qui obtiennent le label MSS contribue à dévaluer mécaniquement le label, et qu’elle risque de saturer leur département ou leur région. Selon eux, les MSS pourraient avoir de plus en plus de mal à garantir la qualité des activités proposées.
Méthode
Une enquête qualitative auprès de professionnels de trente Maisons sport-santé
L’étude repose sur une démarche qualitative, par entretiens auprès des coordinateurs et coordinatrices de trente Maisons sport-santé situées en France métropolitaine. Le choix de ces structures a tenu compte de la diversité de leur localisation géographique (urbain/périurbain/rural, en lien avec les lieux de résidence des usagers et des publics ciblés) ainsi que de leur statut (association, société ou mission d’une fédération ou d’une collectivité). Les Maisons sport-santé représentent une diversité de structures : collectivités territoriales, centres hospitaliers, associations sportives, établissements publics, plateformes numériques ou encore structures itinérantes. Des observations in situ, dont quelques-unes dites participantes, ont porté sur des séances de bilan de condition physique et des séances d’activité physique adaptée. Débutée en 2020, l’étude a été fortement impactée par la crise sanitaire et ralentie par les effets de celle-ci sur les activités des MSS. Plusieurs entretiens ont dû être réalisés par téléphone plutôt qu’en face à face. Des observations in situ ont été rendues impossibles. Des séquences d’observation ont pu finalement être réalisées à l’hiver et au printemps 2022.
Malgré ces différents freins, la dynamique sport-santé semble enclenchée dans de nombreux territoires. Plusieurs professionnels y participent : enseignants en activité physique adaptée, éducateurs sportifs, et professionnels de santé tels que les médecins du sport et spécialistes hospitaliers. Les coordinateurs de Maisons sport-santé, souvent des éducateurs sportifs formés à l’activité physique adaptée, disposent de compétences pluridisciplinaires – dans le domaine des sciences du vivant, des sciences humaines, des pratiques physiques, sportives et artistiques, mais aussi des savoirs méthodologiques et complémentaires, comme le secourisme et l’informatique – qui leur confèrent des ressources cruciales pour participer à l’émergence d’un champ professionnel hybride et d’un cadrage commun aux acteurs des champs sportif et de la santé. Convaincus des bienfaits de l’activité physique adaptée et de l’urgence à lutter contre les méfaits de la sédentarité, les coordinateurs des MSS rencontrés pour l’enquête ont affirmé une forte volonté de promouvoir et de développer localement le sport-santé à partir de leur MSS et de leur réseau pluriprofessionnel.
On observe ainsi la naissance d’une nouvelle organisation conjointe des soins et des activités physiques, et de nouvelles pratiques professionnelles en réseau qui permettent une prise en charge et des interventions de proximité, auxquelles participent les MSS. L’enquête [encadré « Méthode »] montre que les coordinateurs de MSS rencontrés ont bien intégré ce changement de perspective et tentent d’en convaincre le plus grand nombre, plus particulièrement les médecins traitants, qu’ils jugent en majorité trop occupés pour prendre part aux activités des MSS, voire pour certains réfractaires ou mal informés.
Le cas des Maisons sport-santé illustre enfin la complexification des configurations d’action publique et les logiques de coproduction de l’action publique à différentes échelles, marquées par des compromis à l’échelon régional [9] et par une frontière poreuse entre public et privé. La mise en réseau des MSS donne ainsi lieu à des coopérations jugées fructueuses par les coordinateurs des MSS entre professionnels issus de secteurs différents, mais aussi à des difficultés, notamment de coopération entre médecins généralistes et enseignants APA, dans la perspective de développement du sport-santé.
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