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Les associations au défi de leurs mutations : transformer, coopérer, accompagner

Mardi 19 novembre 2019 - Paris - Conseil économique, social et environnemental

Le 19 novembre 2019 se sont tenues les Rencontres de l’INJEP consacrées aux associations et aux mutations qu’elles opèrent pour faire face à un environnement lui-même en évolution. Une journée de rencontres et d’échanges rassemblant acteurs associatifs, chercheurs, décideurs, afin d’appréhender les évolutions du monde associatif dans sa diversité et confronter points de vue et expériences.

La vie associative connait de profonds changements depuis quelques années : évolution des modalités de financement, de l’engagement, du bénévolat, réorganisation territoriale de l’État et des collectivités…

Dans ce contexte et trois ans après avoir renforcé ses moyens d’études et de recherche dédiés à la vie associative, l’INJEP a décidé de consacrer ses Rencontres aux mutations du secteur associatif et choisi d’approfondir des sujets encore peu couverts par la littérature scientifique alors pourtant qu’ils répondent à de véritables enjeux et besoins du monde associatif.

L’événement accueilli au Conseil économique, social et environnemental et ouvert par Gabriel Attal, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, s’est ainsi déroulé en plusieurs temps forts. Après avoir contextualisé la problématique avec un éclairage historique et dressé un état des lieux du paysage associatif actuel, la journée s’est articulée autour de quatre tables rondes. Une première table ronde consacrée aux évolutions des modèles socio-économiques, la seconde aux enjeux de la coopération entre associations, mais aussi avec les acteurs publics sur le territoire, la troisième portant sur les nouveaux acteurs et nouvelles pratiques en matière d’accompagnement, et la table ronde de clôture tournée vers les défis pour l’avenir et faisant le lien avec les enjeux pour l’action publique.

L’objectif de la journée a indiqué en introduction Thibaut de Saint Pol, directeur de l’INJEP, est de créer un lieu de débats et d’échanges entre les différents acteurs qu’ils soient professionnels de terrain, chercheurs, acteurs des politiques publiques et bien sûr l’ensemble des citoyens. Un croisement de connaissances et d’expériences, dont l’enjeu n’est pas uniquement de nourrir la réflexion, mais également l’action des acteurs de terrain et d’éclairer la décision publique.

 

UN SECTEUR ASSOCIATIF RICHE ET DIVERS, DONT LA PLACE DOIT ETRE RECONNUE

 

En ouverture des Rencontres 2019 de l’INJEP, Jean-Karl Deschamps, membre du groupe des associations au CESE, a insisté sur la nécessité de renforcer la place du dialogue civil et, surtout de crédibiliser sa contribution à l’intérêt général. La société doit dépasser le discours du « vivre ensemble » pour établir les bases du « faire ensemble », en repensant un certain nombre de formes d’action et de politiques publiques.

Voir la vidéo de l’intervention de Jean-Karl Deschamps

Le rôle des associations qui remplissent des missions essentielles, souvent en complémentarité avec l’activité de l’État et des collectivités locales, a été souligné par Gabriel Attal. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse indiquant que la France devait être fière de ses associations. Si ce secteur connaît aujourd’hui un fort dynamisme, il vit toutefois une mutation profonde depuis plusieurs années. Il est en outre protéiforme, avec de très petites structures locales fonctionnant avec quelques bénévoles et de très grands acteurs nationaux comptant plusieurs centaines de salariés.

Les associations ne peuvent être envisagées de manière univoque et reposent sur des modèles totalement différents. L’État doit les accompagner et faciliter la rénovation de leur cadre d’action, mais en laissant le champ des possibles ouvert à tous. Évidemment, la raréfaction des ressources publiques, liée à la fois aux contraintes budgétaires et à l’augmentation du nombre de sollicitations, doit être prise en compte. Il convient donc d’aider les associations à mobiliser d’autres sources de financement (mécénat, développement d’activités lucratives au service du projet initial, etc.), y compris en évaluant mieux leur impact. Un chantier a été lancé par le gouvernement autour de ces enjeux. Les conclusions seront connues au premier trimestre 2020 et devraient permettre d’envisager autrement l’écosystème.

Voir la vidéo de l’intervention de Gabriel Attal

 

ÉCLAIRAGE DE L’HISTOIRE CONTEMPORAINE DU MONDE ASSOCIATIF

 

Timothée Duverger, historien, spécialiste de l’économie sociale et solidaire (ESS) et maître de conférences à Sciences Po Bordeaux, a introduit sa rétrospective historique avec la définition de l’association adoptée dans la loi de 1901 : « L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». Un texte qui marquait la reconnaissance des corps intermédiaires et regroupements dans un but autre que le partage de bénéfices, et introduisait par là même une forme d’alternative à la fois à l’État et aux sociétés commerciales. Selon Timothée Duverger, la diversité et l’hétérogénéité des associations (employeuses ou non, déclarées ou pas, d’intérêt public, instrumentalisées…) conduisent à les appréhender dans une dialectique qui les sous-tend et qui sous-tend également leurs mutations, c’est la dialectique entre « l’institué » et « l’instituant ». « L’institué » c’est l’ordre établi, les valeurs et normes dominantes, qui peuvent être le fait de l’État ou du marché. « L’instituant », c’est ce qui est contestataire ou innovant, et qui déplace le regard sur ces normes et ces valeurs.

Historiquement, la revendication du droit d’association correspond à une aspiration démocratique. Après avoir connu une période d’interdiction (Loi Le Chapelier de 1791), et même de répression pénale (Code pénal de 1810), l’association réémerge dans les années 1820-1830. Elle est une reconversion des corporations et confréries, ces formes de solidarité traditionnelles existant sous l’ancien régime, adaptée à un cadre républicain. L’association est un espace public : un espace d’expression et d’agir collectifs. C’est « l’associationnisme » a indiqué l’historien : une forme de politisation de l’économie à travers la constitution de sociétés de personnes face aux sociétés de capitaux. Cette décantation de la société civile, de formes collectives dans un cadre républicain, pluraliste, et démocratique, c’est le mouvement fondateur des associations.

Revendication démocratique, le droit d’association est reconnu lors de la révolution de 1848 dans une acception très générale permettant une multifonctionnalité des associations. La liberté issue de la loi de 1901 s’inscrit, elle, dans un cadre un peu différent. En effet, à la fin du 19e siècle, l’État intervient progressivement dans le domaine économique et social par délégation auprès d’organisations privées agissant dans l’économie sociale. L’État reconnaît une capacité d’expression de la société civile en dotant ses activités d’un statut, mais au prix de la perte d’une portée générale, d’une monofonctionnalité : coopérative de consommation, coopérative de production, mutuelle pour les questions de santé, etc. Les structures ainsi créées ne portent plus un projet de société.

Après avoir institué le social en donnant des statuts pour permettre à la société civile de s’organiser et de se structurer, l’État va organiser le social avec les premières grandes lois sociales (retraites ouvrières et paysannes en 1910, les assurances sociales en 1928-1930, la sécurité sociale en 1945), conduisant les mutuelles à se repositionner sur de l’assurance complémentaire. Parallèlement, les associations se sont développées et professionnalisées au cours des années 1960 et 1970. L’État leur a laissé défricher les besoins sociaux, puis a défini un cadre pour ces activités : défini des règles, octroyé des financements et professionnalisé les secteurs du médico-social, mais aussi de l’éducation populaire. Avec la crise de l’État providence dans les années 70, les associations revendiquent l’autogestion et cherchent à s’autonomiser de la « tutelle » de l’Etat en constituant, avec les coopératives et les mutuelles, l’un des piliers de l’économie sociale.

Ces évolutions ont suscité des tensions, notamment entre le salariat et le bénévolat. Des tensions qui sont en définitive toujours issues de réarrangements entre l’État, le marché et la société civile. Aujourd’hui, un équilibre est à trouver entre la préservation de l’identité (revendication politique du mouvement associatif) et la banalisation (pente vers les tendances gestionnaires). Deux tendances qui coexistent actuellement. La tendance néo-libérale à travers le « new management public » et la mise en concurrence des associations par le biais d’appels à projets, la reconnaissance de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui doit prendre en charge les besoins sociaux et écologiques (loi PACTE), ou encore l’entrepreneuriat social. Une autre tendance perdure autour d’expérimentations sociales locales qui innovent, répondant non seulement à des besoins, mais aussi à des aspirations telles que la participation des personnes. Ces « utopies réelles » cherchent à faire autrement, à développer un « agir démocratique » dont l’enjeu est la co-construction avec les pouvoirs publics et la diffusion.

En conclusion Timothée Duverger invite à réfléchir à partir du concept « des communs » afin de définir un projet politique pour les associations et l’ESS. Défini comme une co-activité, « les communs » c’est l’idée de faire ensemble pour, à la fois, identifier les problèmes et construire les solutions aux besoins et aspirations. Et participer de la sorte à la régulation socio-économique des territoires, mais aussi à leur gouvernance politique en prenant en compte la parole des associations dans la construction de politiques publiques.

Voir la vidéo de l’intervention de Timothée Duverger

 

PAYSAGE ASSOCIATIF ET SES ÉVOLUTIONS

 

Chantal Brutel, chargée d’études et d’enquêtes statistiques à l’INJEP, a rappelé que les associations employaient 1,837 million de salariés en 2018, soit près de 10 % des effectifs du secteur privé. Son poids est supérieur à celui des transports ou de la construction.

Il existe cependant de fortes disparités. À elle seule, l’action sociale, humanitaire et caritative regroupe environ 30 % des salariés. Par ailleurs, 65 % des structures ont moins de trois employés et seulement 20 % en comptent plus de neuf.

L’emploi dans les associations a connu une croissance régulière à un rythme soutenu jusqu’au milieu des années 2010. La tendance s’est ensuite ralentie, avec une rupture en 2018. Si les grandes structures sont moins impactées, le recul est particulièrement marqué dans celles qui comptent moins de dix salariés. Le secteur du sport, traditionnellement très dynamique, a été fortement touché.

Voir la vidéo de l’intervention de Chantal Brutel

Viviane Tchernonog, économiste et chercheuse associée au Centre d’économie à la Sorbonne, a présenté les résultats de la 5e édition de l’enquête « Paysage associatif ». Celle-ci confirme la forte vitalité associative. Cependant, l’essentiel du développement est concentré dans les petites structures composées de bénévoles. Les citoyens s’engagent beaucoup. En revanche, le nombre d’associations employeuses, qui avait précédemment tendance à croître, se stabilise.

Ce phénomène est en outre couplé à une concentration des associations, avec la disparition d’un certain nombre de structures de taille moyenne, qui sont pourtant le plus ancrées dans la vie locale.

Par ailleurs, le poids des fonds publics a baissé significativement. Cette évolution est sensible depuis une trentaine d’années en ce qui concerne l’État. Aujourd’hui, les départements sont les premiers financeurs publics. Les associations ont dû rechercher des alternatives, mais leurs marges de manœuvre sont limitées. L’une des pistes est l’augmentation de la participation des usagers. Évidemment, elle a pour conséquence d’évincer certains publics, au détriment de la mission de cohésion sociale.

Globalement, le risque est de voir les moyens concentrés dans les zones riches au détriment des zones rurales ou moins favorisées. Les évolutions actuelles tendent probablement à accroître les inégalités entre les territoires, même s’il n’existe pas de données pour apprécier leur portée réelle.

Voir la vidéo de l’intervention de Viviane Tchernonog

 

TRANSFORMER : QUELLES ÉVOLUTIONS DES MODÈLES SOCIO-ÉCONOMIQUES ASSOCIATIFS ?

 

Animée par Joaquim Timotéo, chef de la mission Études et recherche à l’INJEP, la table ronde a offert un aperçu de différents modèles et choix de faits par des acteurs associatifs pour s’adapter aux évolutions et contraintes de leur environnement et comment ces choix s’inscrivent dans leur projet associatif.

Laurent Gardin, maître de conférences en sociologie à l’Université polytechnique des Hauts-de-France et auteur d’une revue littérature publiée dans l’une des collections INJEP consacrée aux modèles socio-économiques, propose de s’appuyer sur l’approche plurielle de l’économie. Dans ce cadre, il est nécessaire de dépasser le clivage financements publics/logiques de redistribution et financements privés/logiques marchandes et rappeler l’importance du bénévolat, de l’engagement citoyen et donc de la logique de réciprocité. Il relève ainsi trois grandes sources de financement : le marché, la redistribution, et la réciprocité. Cette réciprocité, si elle peut être perçue comme une ressource humaine utile à l’activité de l’association, est aussi un levier politique important. L’économie doit ainsi être appréhendée dans sa capacité de réponse à des demandes sociales, à des besoins sociaux émergents.

Dans le secteur associatif plusieurs tendances se cumulent actuellement : le développement de l’entrepreneuriat social, la concentration du secteur associatif et sa professionnalisation, renforcée au niveau européen par des incitations à la mise en concurrence avec le secteur à but lucratif et le déploiement du social business. Si certaines associations se sont bien adaptées à ces évolutions, ce n’est pas le cas pour toutes. L’optimisme est de rigueur puisqu’un certain nombre d’initiatives locales invitent aujourd’hui à penser d’autres modèles socio-économiques à l’instar des ZAD ou des AMAP. La perspective des communs, initiée à l’ère numérique, est aussi pertinente pour renouveler l’approche des modèles socio-économiques associatifs. La coopération est aussi un point à interroger lorsque l’on analyse un tel sujet.

Il faut se garder par ailleurs d’une simplification des approches par types de financements, car ces derniers sont souvent imbriqués : dans le cas du mécénat, il s’agit par exemple à la fois de fonds privés mais aussi de logiques de redistribution. Il y a enfin des politiques publiques contemporaines qui cherchent à solvabiliser les usagers plutôt que de financer la demande sociale par la redistribution. La complexité de ces constructions est ainsi influencée par les politiques publiques.

Laurent Gardin relève que les structures présentes à la table ronde – et c’est le cas d’un nombre croissant d’associations – ont recours à des financements privés. Mais encore peu d’associations françaises s’appuient sur ce type de financement. L’alternative ne peut pas être le chemin qui mène vers toujours plus de bénévolat, de dons ou de mécénat. Les rapports avec les pouvoirs publics sont souhaitables et importants malgré cette tendance à la marchandisation.

Il existe enfin différentes stratégies de mutualisation ou fusion. Il y a des mutualisations dans lesquelles chaque structure garde son identité propre, des fusions avec un nouveau projet commun et des absorptions de structures en crise par des structures plus importantes de l’économie sociale et solidaire (ESS).

En guise d’ouverture, Laurent Gardin propose un sujet de recherche peu traité par la littérature : les liens entre gouvernance associative et modèle socio-économique. Une association fondée sur l’entraide par exemple appelle plus largement des ressources propres (cotisations, autofinancement), alors qu’une logique d’aide entraîne plus largement des financements publics ou la philanthropie. La participation des usagers induit des transformations dans ces modèles types et ses effets restent eux aussi à caractériser.

Vincent Godebout, directeur général de Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), a indiqué que l’association existe depuis 35 ans et s’est construite sur l’engagement citoyen bénévole dans les territoires pour accompagner les « personnes en recherche d’emploi », en refusant de solliciter des financements publics et en particulier des subventions d’État. Avec un budget de 1,6 million, 10 ETP, et 2,5 personnes en mécénat de compétence, SNC a beaucoup grandi grâce au soutien dans la durée d’une grande fondation, mais aussi de « La France s’engage », dont l’association a été lauréate.

Dans le cadre du prochain plan stratégique, tout est mis en œuvre pour développer des synergies au plus près des territoires, en travaillant et constituant des alliances avec l’ensemble des acteurs, y compris des entreprises. Le recours à de la prestation n’est pas envisagé, ni le recours aux financements publics, excepté dans le cadre d’expérimentations cofinancées. Vincent Godebout a expliqué que renoncer à solliciter des fonds publics n’était pas sans conséquence, cela se traduit par une absence de visibilité vis-à-vis des acteurs publics : l’association n’est pas identifiée par les collectivités, les régions, les départements, voire l’État. Il a également fait part d’interrogations fortes sur l’avenir du mécénat, voire sur celui des legs et des donations. Regrettant que le paysage et les possibilités de financement se complexifient ainsi, il a souligné que le mécénat, les dons et legs ne devraient pas être considérés comme des niches fiscales, mais comme un investissement, car les associations contribuent fortement au mieux vivre ensemble.

Benjamin Blavier, directeur général d’Article 1, a présenté sa structure née de la fusion de deux associations luttant contre les inégalités scolaires en proposant un accompagnement dans l’orientation et l’accès à l’emploi. Aujourd’hui Article 1 c’est 90 ETP, 15 000 bénévoles, et un budget de 8 millions d’euros composé à 70 % de financements privés, dons et mécénat, et 30 % de subventions publiques. Aucune participation n’est demandée aux usagers et aucun service marchand n’est proposé.

Le rapprochement des deux associations avait pour objectif de franchir un palier pour porter une ambition plus politique : changer d’échelle et se donner les moyens de réellement impacter un système considéré comme massivement discriminant. Il a déjà permis de réaliser un certain nombre d’investissements notamment à travers le lancement de deux plateformes digitales, l’une sur l’orientation, l’autre sur les compétences transversales, et d’investir dans la recherche. Par la taille atteinte, l’association a également pu être davantage audible, visible, crédible, et passer de l’association qui fait, à celle en capacité d’interpeller sur les enjeux de l’ouverture sociale de l’enseignement supérieur.

Concernant les perspectives d’évolution et d’avenir, Benjamin Blavier a fait part de fortes interrogations. Quels modèles économiques trouver pour pérenniser les plateformes numériques financées à court terme par des fonds publics sans perdre leur dimension d’intérêt général, face à des acteurs privés à but lucratif qui lèvent des millions sur le marché privé. Un exemple qui illustre les tensions entre projet associatif et logique marchande.

Anatole Gandjini, bénévole et administrateur de la Maison de Courcelles, a souligné la singularité de ce projet axé sur l’enfant qui lui permet d’organiser son temps de vacances, de circuler librement dans la maison et de choisir ses activités. L’association qui fête ses 40 ans organise des colonies de vacances, des classes de découverte, des accueils de loisirs ou encore des week-ends famille, toujours en lien avec les valeurs pédagogiques défendues par l’association. Le développement de l’association s’est opéré en plaçant la qualité du service rendu au centre et privilégiant les notions de « care », prendre soin, avec la volonté de s’adapter au mieux au public accueilli. Aujourd’hui, les ressources proviennent à 90 % de l’activité économique.

Pour la Maison de Courcelles, le choix a été fait d’investir dans l’humain bénévole et salarié. En évitant de recourir à des prestataires, les dépenses peuvent être contenues, ce qui permet ensuite de proposer des tarifs susceptibles de préserver la mixité sociale. La réflexion sur le plan alimentaire et sa mise en adéquation avec les valeurs de l’association a donné corps à une démarche profondément ancrée dans le local et le développe des partenariats avec les producteurs et artisans sur le territoire (agriculteurs, apiculteurs, boulanger…). Fondé sur des partenariats gagnant-gagnant cette démarche a permis d’étendre l’activité en livrant désormais la cantine des écoles et, sur la base du projet associatif et d’une cuisine de qualité, de devenir un acteur économique incontournable sur le territoire.

Voir la vidéo de la table ronde 1

 

COOPÉRER : QUELS ENJEUX DE LA MISE EN RÉSEAU DES ASSOCIATIONS ET DES ACTEURS PUBLICS SUR LES TERRITOIRES ?

 

Au cœur des échanges de cette table ronde animée par Emmanuel Porte, chargé d’études et de recherche à l’INJEP : les modalités de coopération entre les acteurs associatifs et les acteurs publics, entre associations elles-mêmes, et l’importance de la dimension territoriale dans les facteurs de réussite.

Nathalie Roudaut, directrice générale adjointe des Concerts de poche, a présenté la démarche itinérante de son association pour faire découvrir la musique classique, le jazz et l’opéra, autour d’un double dispositif d’ateliers et de concerts avec des artistes de renom dans des lieux de proximité des habitants. L’objectif est d’en faire un outil de lien social, tout en préservant une forte exigence artistique. Aujourd’hui, le projet a essaimé sur le territoire et s’est déployé à l’échelle nationale. Pour rester en phase avec des enjeux très locaux, nonobstant son déploiement national, l’association a choisi de se structurer avec des implantations régionales.

La coopération est au cœur du projet et du fonctionnement de l’association dont la mission est à la fois artistique, sociale et territoriale. Toutes les actions mises en œuvre sont co-construites avec des acteurs locaux. Elles répondent généralement à leur sollicitation et répondent à des problématiques locales, c’est du sur-mesure. En effet, les concerts de poche établissent un diagnostic avec les parties prenantes : acteurs associatifs, pouvoirs publics et acteurs privés. Ils s’appuient sur, et mutualisent les expertises et les expériences de chaque partenaire relevant de champs divers : éducatif, social, médical ou culturel.

Parmi les échelons territoriaux, l’association travaille le plus souvent et efficacement à l’échelon intercommunal et communal. L’association travaille également dans 10 régions et une trentaine de départements, mais les disparités de la coopération dans ces territoires relèvent davantage de l’engagement personnel et de la vision des interlocuteurs. En outre la taille des régions permet moins la proximité.

Au sujet de la coopération entre acteurs associatifs, Nathalie Roudaut a évoqué les initiatives telles que « L’Ascenseur » qui vise à réunir dans un même lieu des structures travaillant sur les mêmes problématiques, et « Bleu Blanc Zèbre », un réseau qui met en relation des acteurs associatifs pour favoriser les coopérations. Les conditions de réussite étant néanmoins de disposer de temps, de moyens et surtout que les projets de coopérations répondent à des besoins identifiés au niveau local, qu’ils soient adaptés et pensés avec le territoire.

Ronald Costalonga, responsable du service d’éducation populaire et des sports au Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, a évoqué le développement des coopérations entre les associations et entre les associations et les collectivités publiques. Ces dernières peuvent jouer un rôle de facilitateur en réunissant tous les acteurs et en créant les conditions de la concertation pour concevoir un projet local et le mettre en œuvre. Les contrats territorialisés de jeunesse et d’éducation populaire développés en Meurthe-et-Moselle depuis une vingtaine d’années illustrent cette coopération entre les collectivités locales et le monde associatif local. Ils visent la mise en place de manière concertée, partenariale et participative des politiques locales de jeunesse à l’échelle d’un regroupement de communes. La dynamique est pilotée par une fédération d’éducation populaire fortement implantée sur le territoire, formalisée par une convention quadriennale et financée par les communautés de commune, le département, mais aussi la CAF. Cette action est particulièrement importante dans les milieux ruraux et périurbains, où les initiatives sont souvent moins nombreuses.

Pour Ronald Costalonga, deux conditions président à la coopération : définir un objet commun qui suscite l’intérêt de tous, et bien définir et veiller au respect du rôle de chacun.

Renaud Gautron, délégué départemental à la vie associative des Deux-Sèvres, a expliqué sa mission d’accompagnement, d’information et d’observation du tissu associatif sous l’égide du préfet de département. Il a souligné les efforts engagés en termes de formation des bénévoles et insisté sur le développement des schémas de coopération, dont l’objectif est d’impulser des mises en relation au sein des territoires.

De plus en plus apparaît une hybridation des modèles socio-économiques, avec le développement de nouvelles relations entre le secteur associatif et le monde de l’entreprise. Initialement, celles-ci reposaient principalement sur le mécénat et le mécénat de compétences, mais elles prennent désormais d’autres formes. Vivre ensemble dans le même écosystème permet d’autres interactions. L’État peut les initier et les favoriser, de manière à rendre les territoires plus attractifs à la fois pour le développement économique, mais aussi pour le développement social.

Nadine Richez-Battesti, maître de conférences en sciences économiques à l’Université d’Aix-Marseille, a fait part de l’expérience de la région PACA, fortement sensibilisée à l’économie sociale et solidaire pendant deux mandatures. La région s’était engagée dans une vraie stratégie de co-production de la politique publique d’accompagnement de l’ESS entre les acteurs locaux. Les politiques, les techniciens de la Région et les acteurs de l’ESS se rencontraient régulièrement au sein d’un comité, un « Comex ». Le dispositif a toutefois du mal à résister aux changements de politiques et se heurte aux réalités de terrain : concurrence des acteurs, difficulté de représentation unique demandée, ou méconnaissance du fait associatif vu comme un instrument de politique publique. La coopération n’est pas naturelle. Elle répond à des besoins et à des enjeux de territoires. Pour réussir, l’un des préalables est l’instauration d’une dynamique de confiance, le partage d’un projet de développement local et de ses valeurs : solidarité, démocratie, gouvernance participative. Des dynamiques le plus souvent issues d’initiatives d’acteurs « du bas ». L’un des leviers de la coopération étant peut-être la confiance de l’acteur politique dans ses initiatives, plutôt qu’une défiance et une volonté de contrôle.

Renaud Gautron, a confirmé l’importance de cet enjeu, qui ne correspond pas à un schéma naturel pour les pouvoirs publics. Ces derniers doivent accepter de se placer davantage dans une logique horizontale et abandonner leur position institutionnelle et leur approche des territoires et des partenariats trop descendante. Quoi qu’il en soit, le facteur humain et la qualité des relations interpersonnelles restent des éléments déterminants pour réussir la coopération.

En conclusion Nadine Richez-Battesti, a rappelé quelques éléments clés favorables à la coopération : un projet partagé construit dans le temps et dans une dynamique de confiance, et l’horizontalité qui n’est pas une approche familière pour la plupart des acteurs, publics, mais aussi associatifs.

Les tiers-lieux sont fréquemment présentés comme la réponse aux enjeux de coopération sur le territoire. Or, regroupement d’associations dans un même lieu ne suffit pas à créer de la coopération. Celle-ci ne peut donner des résultats que si elle est animée et l’animation à un coût, souvent sous-estimé. Par le passé, ce rôle a pu être joué par les fédérations d’éducation populaire, elles structuraient des dynamiques de coopération interassociations, mais elles ont perdu de leur légitimité, parfois en raison de leur caractère pyramidal.

Enfin, il ne faut pas nier l’importance des tensions liées à des conflits de valeurs entre différents modèles socio-économiques des associations. Aujourd’hui les associations se fracturent entre deux grandes catégories : celles mues par des stratégies d’entrepreneuriat, avec de nouveaux modèles économiques et pour lesquelles la gouvernance démocratique est secondaire, et celles fondées autour des valeurs démocratiques et d’« acapitalisme ». Des catégories qui selon Nadine Richez-Battesti fondent des modèles de coopération différents, peu compatibles.

Voir la vidéo de la table ronde 2

 

ACCOMPAGNER : NOUVEAUX ACTEURS, NOUVELLES PRATIQUES ?

 

Animée par Martine Cambon Fallières, INJEP, la table ronde était consacrée aux démarches d’accompagnement, aux acteurs, aux pratiques dans ce domaine et à leurs évolutions.

Mathilde Renault-Tinacci, chargée d’études et de recherche à l’INJEP, a présenté les premiers résultats de la recherche qu’elle mène avec Emmanuel Porte sur le soutien et d’accompagnement au monde associatif depuis 20 ans. Deux volets sont prévus dans le cadre de cette étude, un premier volet sur les politiques publiques nationales, les acteurs publics concernés, leurs visions et leurs pratiques, un second volet d’enquête, programmé en 2020 sur l’accompagnement au plan régional.

Dans un panorama historique de l’accompagnement public au niveau national, Mathilde Renault-Tinacci a rappelé que les premiers signes de soutien de l’État à la société civile organisée sont perceptibles dès les années 60, avec notamment la création du FONJEP, le Fonds de coopération pour la jeunesse et l’éducation populaire visant à soutenir l’emploi associatif. La reconnaissance plus générale du secteur associatif comme partenaire et acteur des politiques publiques de l’État voit le jour au début des années 80 avec pour l’appuyer la création du Conseil National de la vie associative (CNVA). À partir des années 90, l’État soutient la constitution de réseaux d’accompagnement sur le territoire : c’est la naissance du Réseau d’information et de gestion (RIG) qui identifie et labellise sur l’ensemble du territoire des Points d’appui à la vie associative (PAVA) publics ou associatifs, puis le réseau MAIA (missions d’accueil et d’information des associations) qui prend la suite dans les années 2000, ainsi que la naissance des centres de ressources et d’information pour les bénévoles (les CRIB, initialement dédiés au domaine du sport), ou encore les Dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) dans les départements visant à consolider les modèles socio-économiques des associations et stabiliser leur emploi. À ce panorama des modalités de soutien à la vie associative s’ajoutent les mises à disposition de fonctionnaires dans les fédérations ou encore les emplois aidés.

Deux grands courants traversent l’ensemble des dispositifs d’accompagnement, a indiqué Mathilde Renault-Tinacci, l’un se focalise sur le développement économique et sur l’emploi du monde associatif, l’autre favorise l’émancipation, l’autonomisation des acteurs, et l’engagement dans les associations.

Aujourd’hui, trois grandes critiques émergent à l’égard du soutien à la vie associative. D’abord l’offre d’accompagnement apparaît diversifiée, mais peu lisible, et dispersée. Ensuite elle n’est pas « chaînée » c’est-à-dire qu’il n’existe pas de parcours d’accompagnement. Enfin, elle n’est pas suffisamment inclusive, car ce sont toujours les mêmes acteurs qui émargent à l’ensemble des guichets d’accompagnement.

L’étude menée sur l’organisation des ministères dans le soutien à la vie associative montre que deux approches existent. La majorité des bureaux dédiés à la vie associative ont une orientation transversale du soutien et non pas limitée au secteur d’activité du bureau, l’entrée prioritaire est celle de la vie associative. Les modalités du soutien comprennent le financement notamment avec des subventions par appels à projets, la mise en réseau, et l’orientation vers des dispositifs d’accompagnement. La seconde approche donne lieu à des « bureaux métiers » dans lesquels la vie associative est le moyen par lequel est poursuivie une finalité politique autre. Qu’il s’agisse des bureaux transversaux ou des bureaux métier, l’accompagnement s’opère en bilatéral, sur mesure et ne concerne jamais les aspects stratégiques du projet associatif. Enfin l’étude a permis également de constater qu’ils ne produisent ni ne financent d’étude sur le secteur associatif, à l’exception de la DJEPVA.

Carole Orchampt, déléguée générale de la RNMA, a souligné que les maisons des associations étaient des points d’appui à la vie associative qui peuvent assurer hébergement, conseil, accompagnement, animation et mise en réseau. Elles offrent également un espace de parole collective. Ces structures, qui s’inscrivent dans une logique de facilitation, sont portées par des associations, mais aussi par des collectivités locales. Le réseau s’est mis en place pour lutter contre l’isolement des professionnels, qui n’avait pas la possibilité de confronter leurs expériences. Aujourd’hui, le métier d’accompagnateur de la vie associative sur les territoires n’est pas encore suffisamment reconnu. Une réflexion serait peut-être à mener sur le sujet.

Caroline Germain, déléguée générale de l’ADASI, a expliqué que l’association  créée il y a 5 ans par le Mouvement associatif, le Rameau, l’Avise et la profession du Conseil, avait pour mission d’apporter du conseil en stratégie aux structures d’intérêt général. En effet, se doter d’une capacité de projection pour une association permet de renforcer la capacité d’action. L’ADASI s’est saisi de trois sujets complexes et à forts enjeux, à commencer par l’accompagnement des têtes de réseaux associatifs qui sont orphelines de conseil alors qu’elles sont en demande et elles-mêmes en premières lignes pour accompagner leurs associations. Le deuxième grand sujet de l’ADASI c’est l’accompagnement des associations dans l’évolution de leurs modèles socio-économiques pour aider à faire évoluer et transformer ces modèles avec notamment un travail mené en collaboration avec le FONJEP où les résultats de 4 expérimentations ont permis de mettre en avant de nouvelles pistes de soutien pour le secteur. Et le troisième grand sujet c’est l’innovation et le déploiement à grande échelle. Sur ces trois sujets, l’ADASI expérimente et accompagne dans une logique de  recherche & développement de conseil en stratégie. Parmi les nouvelles pratiques d’accompagnement, l’association expérimente notamment des pratiques plus collectives ou entre pairs, venant renforcer des logiques individuelles.
Plusieurs facteurs de l’évolution de l’accompagnement ont été identifiés par Caroline Germain : de nouveaux sujets qui émergent (transition numérique, modèles socio-économiques), de nouveaux acteurs sur l’innovation sociale, de nouvelles compétences des cabinets de conseils ou des têtes de réseaux qui participent au foisonnement de l’offre. Face à la complexité des besoins des dirigeants d’association et à la multiplicité de l’offre d‘accompagnement, c’est le besoin de construire des parcours d’accompagnement multi acteurs et multi compétences qui est mis en évidence, et par conséquent la nécessité  de la coopération vertueuse entre acteurs de l’accompagnement.

Yasmine Cometa, correspondante régionale sur la vie associative et l’économie sociale et solidaire à la DRJSCS des Hauts-de-France a rappelé que les services déconcentrés de l’État avaient des missions d’orientation, de coordination et d’impulsion. Elle a évoqué le portage d’un certain nombre de projets, dont la mise en place et le fonctionnement d’un observatoire régional de la vie associative, projets reposant notamment sur des démarches participatives et permettant la construction d’un savoir collectif mobilisable pour l’élaboration des politiques publiques. Un laboratoire pour l’innovation sociale devrait être mis en place et un tiers-lieu administratif et institutionnel est désormais proposé.

Voir la vidéo de la table ronde 3

 

LE MONDE ASSOCIATIF DE DEMAIN ?

 

En table ronde de clôture, Philippe Da Costa, co-président du conseil scientifique et d’orientation de l’INJEP, a interrogé les différents intervenants sur les grandes tendances de l’évolution du fait associatif et les enjeux à venir qu’ils identifient.

Philippe Jahshan, président du Mouvement Associatif, a souligné que nombre de politiques publiques actuelles étaient organisées autour de l’enjeu de lutte contre les inégalités d’opportunités et de chances, et que par conséquent le monde associatif est perçu comme un secteur répondant à cet enjeu-là. Or, c’est un prisme trop réducteur, l’action associative est bien plus, elle favorise le lien social et c’est une dimension plus structurelle que l’accompagnement de la lutte contre les inégalités d’opportunités. Aujourd’hui, le fait associatif est une économie à part entière qui participe à l’équilibre global de la société, à côté de l’économie publique et de l’économie de marché.

Des mécanismes de soutien adaptés doivent donc être mis en place. Le Mouvement Associatif a engagé un travail en ce sens et plaide pour une politique de soutien à la vie associative qui reconnaitrait l’identité propre de cette économie et ses spécificités reposant à la fois sur les richesses humaines (salariés, bénévoles, volontaires), les ressources financières et les capacités d’interaction (alliances et coopérations), sans oublier son caractère non lucratif. Pour le moment, ces attentes n’ont été que partiellement entendues. Des insuffisances à mettre sur le compte d’un manque de culture du fait associatif dans notre République, que ce soit du côté du pouvoir, mais aussi au sein du secteur associatif lui-même.

Thierry Guillois, président de la commission juridique et fiscale du HCVA, a souligné la forte décrue des aides publiques intervenue depuis le début des années 2010. C’est une tendance lourde conduisant à ce que la part du financement du garant de l’intérêt général dans le budget moyen des associations diminue. Celle-ci s’est en outre accompagnée, dans un certain nombre de secteurs, de l’apparition de concurrents commerciaux, qui ont bouleversé les modèles économiques. La relation aux collectivités publiques a également évolué, avec le développement de la mise en concurrence par le biais d’appels d’offres.

Frédérick Pairault, président du CNAJEP, a fait part des inquiétudes et difficultés du monde associatif. Baisse des moyens financiers, du nombre de salariés, mise en concurrence, autant d’évolutions des modes de fonctionnement et de relations avec la puissance publique qui font souffrir les associations de jeunesse et d’éducation populaire, y compris de grandes fédérations. D’ici cinq à dix ans, le paysage aura probablement beaucoup changé dans ces grandes structures. Néanmoins cette situation et ces perspectives d’évolutions ne sont pas uniquement à mettre sur le compte de la baisse des financements. Elles résultent aussi de l’incapacité d’un certain nombre d’acteurs de se questionner sur leurs propres pratiques et sur leur gouvernance interne rendant difficile le renouvellement des cadres. Les dirigeants sont vieillissants et restent majoritairement des hommes. Il convient, comme dans le monde politique, de se remettre en question.

Sur le sujet des modèles socio-économiques, l’étude menée par le CNAJEP depuis 2 ans indique que pour survivre, les associations de jeunesse et d’éducation populaire ont développé des modèles hybrides intégrant de multiples ressources. Frédérick Pairault rappelle que le CNAJEP alerte de longue date sur le risque de l’encouragement au mécénat. Celui faisant que l’État abandonne son rôle de redistribution de l’impôt et de la richesse en fonction d’une politique publique décidée par les élus du peuple, au profit d’entreprises qui choisissent ou non de financer des associations selon leurs intérêts privés. À l’heure où le mécénat lui-même est menacé et où il faut de la « générosité gratuite » des entreprises, le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire est en grande difficulté pour se financer en dehors des aides de la puissance publique et des activités payantes.

Thierry Guillois s’est également dit peu convaincu par les efforts déployés par le gouvernement pour considérer que l’avenir est la philanthropie. Quant au développement des recettes d’activité, il suppose parfois d’augmenter les prix pour faire face à la concurrence avec des acteurs lucratifs qui ont pris les marchés les plus rentables. Le HCVA a le souci de défendre un modèle associatif qui œuvre pour l’intérêt général et est à but non lucratif, et déplore la tendance actuelle qui conduit les associations à s’inscrire dans une logique commerciale.

Philippe Jahshan a insisté sur la nécessité de porter l’enjeu de la diversité des ressources humaines et financières pour garantir l’autonomie de l’économie associative, vis-à-vis de tout acteur financeur. L’État doit être accompagnateur dans cette diversification, mais il doit assurer une politique socle qui corrige les inégalités inhérentes au financement privé qui fera ses choix. L’économie associative est une économie d’avenir, éminemment moderne dans sa forme. Elle répond aux valeurs d’économie sociale et solidaire revendiquées par nombreux mouvements sociaux dans le monde et aspirations de la société : une économie de sobriété, localisée, non lucrative. Il faut maintenant que la rencontre se fasse pour pleinement prendre en compte ces nouvelles aspirations sociales, écologiques, et de participation démocratique. Les associations ont une responsabilité pour être au rendez-vous des besoins actuels et de demain. Mais ces questionnent également les institutions de la République.

Voir la vidéo de la table ronde 4

 

ALLOCUTION DE CLÔTURE

 

En conclusion, Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse, a souligné la vitalité d’un secteur associatif engagé et porteur de valeurs de transformation de la société. Il a insisté sur la nécessité de poursuivre l’effort de connaissance, porté notamment par l’INJEP, de continuer à réfléchir à la diversité des modèles socio-économiques et d’accroître l’attractivité de l’engagement pour les jeunes, notamment dans le cadre du SNU.

Voir la vidéo de l’intervention de Jean-Benoît Dujol

 

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