Sommaire
- L’intégration sociale étudiante
Un processus au coeur des parcours universitaires ?
Julien Berthaud
La socialisation au milieu universitaire constitue un enjeu à la fois pour les étudiants qui sortent de l’enseignement secondaire et pour les établissements soucieux du bien-être et de la réussite des étudiants qu’ils accueillent. Cet article propose une (re)définition du concept d’intégration sociale appliqué à la population étudiante, et en étudie les conditions et les effets pour des étudiants de premier cycle universitaire. Les analyses révèlent que de nombreux facteurs interviennent dans l’explication des différences d’intégration entre étudiants, et qu’une socialisation réussie constitue un gage supplémentaire d’une plus grande réussite académique pour certains étudiants.
- L’Information jeunesse : une socialisation citoyenne pour tous les jeunes ?
Isabelle Danic
L’étude d’un centre régional d’information jeunesse visant à « promouvoir [la] participation [des jeunes] comme membres actifs dans la société » révèle la mise en oeuvre concomitante de plusieurs dispositifs de participation qui peuvent être envisagés comme formation à différents registres de citoyenneté. En venant s’informer, en étant accompagnés dans leurs projets et en participant aux actions proposées, de nombreux jeunes développent une citoyenneté juridique et civile. À côté de ces opportunités explicitement proposées à tous, l’institution repère et incite les jeunes qui leur semblent aptes à s’investir dans sa gouvernance. Cette socialisation à la citoyenneté politique est ainsi structurée socialement : les jeunes qui s’impliquent ont un niveau d’instruction et souvent une première expérience citoyenne qui leur permet d’intégrer la fonction d’administrateur.
- L’invitation au voyage
La distinction sociale entre élèves ingénieurs
à travers les séjours internationaux
Adrien Delespierre
À la suite de plusieurs études analysant les voyages éducatifs comme une dimension constitutive du style de vie des classes dominantes, cet article examine la manière dont les hiérarchies sociales entre les grandes écoles d’ingénieurs se manifestent à travers les pratiques de mobilité internationale. L’accroissement des périodes de formation à l’étranger recouvre des formes d’expatriation très inégalement valorisées, ce qui conforte la prééminence des institutions au recrutement social et scolaire le plus élitiste. Les disparités sociales se retrouvent au sein même des écoles prestigieuses, les opportunités internationales ouvertes aux élèves dépendant étroitement des capitaux culturels et économiques qu’ils héritent de leur milieu familial.
- Sauvé par les sciences humaines
Pascale Dietrich-Ragon
À partir du cas du cas de Seif, jeune homme de 21 ans issu de l’immigration qui a vécu dans une cité de la banlieue parisienne, cet article analyse le rôle que peut jouer la lecture d’ouvrages ou de textes de sciences humaines dans les situations de crise et de vulnérabilité. Confronté à un conflit familial aigu, Seif a fait de cette pratique une arme pour comprendre sa situation et pour tenter de se sauver lui-même ainsi que sa famille. Parallèlement, cela a changé ses relations sociales et sa manière d’être au monde. Il s’agit, à travers cette étude de cas, d’explorer le rapport aux sciences humaines de ces lecteurs particuliers qui cherchent dans les mots et les idées des solutions à leurs problèmes. Placés en « situation d’urgence », ils peuvent utiliser ces connaissances comme un véritable guide pour l’existence, ce recours étant en même temps révélateur de l’individualisation des problèmes sociaux.
- Devenir un·e élève atteint·e d’un cancer
Quelles expériences de la scolarité pour des adolescent·e·s suivi·e·s pour un cancer ?
Zoé Rollin
Cet article vise à renseigner comment un événement de santé majeur (cancer) vient modifier l’expérience scolaire des adolescent·e·s, en cherchant à en dessiner les implications à long terme. L’étude s’appuie sur une méthodologie mixte, dont trois années de recherche socio-ethnographique, en centres de soins et en établissements scolaires. La recherche montre combien l’expérience scolaire est façonnée par les temporalités de la scolarité à l’épreuve de la maladie grave chronicisée. La maladie est perçue, à court terme, comme une parenthèse, mais les effets de sa gestion sociale peuvent peu à peu la faire muter en situation de handicap.
- Jeunes femmes à tout faire et travail sous-traité : les hôtesses d’accueil
Gabrielle Schütz
À partir d’une enquête ethnographique et statistique sur les prestations de services d’hôtesses d’accueil, cet article met en relation les caractéristiques d’un emploi considéré comme peu qualifié, son mode d’exercice en sous-traitance et les propriétés sociales de la main-d’oeuvre qui l’occupe. Il montre d’abord comment le genre de l’accueil, la jeunesse de ses protagonistes et la sous-traitance se combinent pour dévaloriser cette activité. Il s’intéresse ensuite aux hôtesses d’accueil et à la variété de leurs usages de cet emploi pour identifier celles qui s’y investissent dans la durée. Si la tâche de représenter une féminité au travail fortement stéréotypée incombe à une large palette sociale de femmes, celles qui se « professionnalisent » dans l’accueil sont celles dont les ressources socio-économiques et culturelles sont les plus faibles.
- Apprendre les drogues en classe
La construction sociale des psychotropes par leurs effets lors des actions de prévention des conduites addictives en milieu scolaire
Yohan Selponi
Dans le cadre d’actions préventives, décrire les effets des psychotropes sur l’organisme, n’est-ce pas aussi construire leur réalité sociale en apprenant aux élèves ce qu’ils pourraient attendre de leurs usages ? Ces descriptions sont fondées sur une homogénéisation des différents types de produits autour de leur substance dite « active » contribuant à véhiculer l’idée qu’il n’existe pas de consommations sans ivresse. Cette normalisation des conduites permet, du côté des élèves, un « apprentissage » des éléments motivant les consommations et des normes sociales associées. Mais en enjoignant, notamment, les garçons des classes populaires à se raconter, les agents de prévention contribuent à construire les consommations massives qu’ils cherchent à prévenir.
- Les jeunes femmes arbitres de football et de rugby
Des êtres d’exception ?
Fatia Terfous, Julie Pironom, Géraldine Rix-Lièvre
Cet article s’intéresse aux jeunes femmes arbitres de football et de rugby âgées de 15 à 24 ans. Il interroge leurs socialisations, dispositions et représentations. L’analyse des données recueillies, entre 2015 et 2017, par questionnaire et entretien ne permet pas de valider l’hypothèse d’une atypie de genre ou d’une socialisation inversée chez ces filles qui pénètrent des espaces sportifs connotés masculins, d’une part, et qui, d’autre part, optent pour un rôle (celui d’arbitre) en dehors de la norme et historiquement dévolu aux hommes. En revanche, les discours confirment l’idée de rapports de genre paradoxaux et ambivalents.