Les cités éducatives s’imposent comme un outil privilégié des pouvoirs publics pour concrétiser le principe de continuité éducative, structurer la coopération entre acteurs et lutter contre les inégalités de parcours. En mobilisant les professionnels de l’éducation formelle et informelle et les acteurs de la politique de la ville, les cités éducatives visent la cohérence des parcours éducatifs des enfants et des jeunes.
Assurer la continuité éducative pour lutter contre les inégalités de destin qui ne cessent de progresser depuis trois décennies, tel est le pari des cités éducatives. Ces dernières visent en effet à intensifier et coordonner les politiques éducatives des enfants et des jeunes de 3 à 25 ans, dans une logique de parcours.
Le principe : la coordination territoriale dans une logique de parcours
Les acteurs éducatifs sont ainsi invités à coordonner leurs efforts dans l’objectif de présenter aux enfants et aux jeunes ainsi qu’à leurs familles des parcours cohérents et innovants. Qu’ils soient accueillis en crèche, qu’ils empruntent la voie technologique, qu’ils poussent la porte d’une mission locale, d’un centre social ou entrent à l’université, les enfants et les jeunes doivent pouvoir compter, là où ils vivent, sur un écosystème éducatif favorisant, cohérent, dénué de ruptures et fondé sur une vision partagée des acteurs et des institutions impliqués. Les prises en charge éducative sont renforcées avant, pendant, après l’école par une meilleure coordination des services de l’Etat, des collectivités, associations, familles et habitants.
Issu d’une expérimentation à Grigny (91) à la charnière des années 2017/2018, le projet a été porté par un groupe de travail au sein du ministère de la Cohésion des Territoires avant que le gouvernement ne décide de son essaimage dans quelque 120 villes et grands quartiers.
Un cadrage national, un pilotage local
La gouvernance du projet est encadrée par une circulaire conjointe du 13 février 2019 conçue par les ministères chargés de l’éducation nationale et de la ville dans une logique d’équilibre entre le « top down » (la politique publique inspirée du sommet) et le « bottom up » (la politique publique initiée par les acteurs locaux).
Au plan local, cette note préconise la désignation d’une « troïka » de pilotes pour chaque cité éducative, constituée a minima du principal du collège chef de file, d’un directeur général adjoint de la commune et d’un délégué du préfet. Avec le concours d’un équipe projet, ils élaborent et mettent en œuvre un plan d’action de deux ans en moyenne, financé par la politique de ville et la collectivité, en veillant à associer l’ensemble des acteurs éducatifs, ainsi que les parents et les jeunes.
Au plan national, la coordination est assurée par l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). L’évaluation est pilotée par le comité national d’orientation et d’évaluation (CNOE), réunissant élus locaux, représentants associatifs, acteurs institutionnels et experts – dont l’INJEP.
80 territoires ont été labellisés en 2019 par les ministères chargés de la ville, de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Le dispositif a été étendu à 46 nouvelles cités en 2021.
Des axes structurants définis nationalement, une large autonomie des acteurs locaux
Plusieurs axes structurants sont ainsi mis en avant : favoriser la socialisation précoce des enfants, notamment par la création de places en crèches, faciliter l’implication des parents et les conditions de la parentalité, développer la prévention hygiène-santé, favoriser la persévérance scolaire et la lutte contre le décrochage, encourager l’éducation artistique et culturelle, les pratiques sportives et les activités de bien-être corporel, les valeurs collectives, mieux diffuser la culture scientifique et technique, ou encore, développer l’accompagnement personnalisé des jeunes et la prévention des risques.
Nonobstant ce cadrage national, les cités éducatives se caractérisent par une large autonomie tant dans le fonctionnement que dans le choix des objectifs visés, puisqu’il s’agit d’apporter des réponses aux problèmes propres aux territoires et qui mobilisent les acteurs locaux.
Cette autonomie d’action se retrouve également dans les financements. Parmi les moyens financiers importants dont il dispose chaque territoire bénéficie d’un « Fonds de la cité éducative », géré par le Principal de collège « chef de file » de la cité, qui peut l’utiliser avec une grande souplesse pour les actions partenariales, en accord avec les co-pilotes de la « troïka ». Bénéficiant d’une double dotation annuelle de 15.000€ du ministère de la Ville et de celui de l’Education nationale, il exprime la volonté d’impliquer l’éducation nationale dans les politiques éducatives territoriales, pour mieux assurer la continuité éducative.
Plus largement, le ministère chargé de la Ville et du Logement a investi 100 millions d’euros sur la période 2019-2022 pour des actions partenariales. Les collectivités porteuses participent également aux financements des cités, ainsi que les intercommunalités, les départements, les régions, les agences régionales de la santé, les caisses d’allocations familiales et la caisse nationale d’assurance-maladie.
Aux Mureaux, au cœur des Yvelines, la Ville a conçu un « Pôle éducatif Molière » dans le secteur fortement ségrégué du quartier de la Vigne blanche. Ce pôle a regroupé sur un seul sur site, les écoles élémentaires et maternelles ainsi que le centre social. Dans un second temps la municipalité a développé, avec le soutien de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), une offre éducative fondée sur la coopération interservices en greffant au pôle éducatif Molière l’accueil de la petite enfance, une ludothèque, le restaurant scolaire et le café des parents, ainsi qu’un laboratoire dédié à l’enseignement informatique et des langues étrangères.
A Saint-Herblain (Loire Atlantique), le projet associant le ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports et la municipalité, entend conjuguer une politique volontaire de soutien à la parentalité avec le dédoublement des classes de CP et CE1 classées en réseaux d’éducation prioritaires (REP et REP +).
Au Havre, les acteurs du projet ont mis en place un observatoire valorisant la coopération des acteurs, la communication entre les services et restituant l’impact du projet sur la réussite des enfants dans un souci d’affiner le pilotage.
L’évaluation à l’épreuve de la multiplicité des acteurs et des projets
Mais l’originalité des cités éducatives tient aussi au fait qu’elles ne s’appuient pas seulement sur les ressources socio-éducatives du quartier. La cité éducative permet de mobiliser d’autres acteurs, plus atypiques, issus par exemple des secteurs culturels ou économiques dans l’objectif d’ouvrir les horizons des enfants et des jeunes. Il s’agit de les inciter à aller à la rencontre d’autres univers et d’autres personnes ressources. Ainsi, les ateliers nomades du Quai Branly se sont tenus dans les murs de Clichy-Montfermeil, puis dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) du Grand Paris. Une quinzaine de lieux se sont ouverts dans les quartiers durant une environ deux semaines, mobilisant conservateurs, chercheurs ou la régie des productions à la rencontre de nouveaux publics et prolongeant les liens toute l’année.
A Saint-Etienne, l’association Forézienne d’écoles de production a été mobilisée afin de répondre aux besoins des jeunes de 15 à 18 ans sortant du collège sans diplôme, notamment en proposant de former des apprentis sous statut scolaire ; cela en collaboration avec les lycées professionnels et les CFA.
En Pays de la Loire, la cité éducative d’Allonnes met en place un musée numérique au sein de la maison des arts afin de permettre au jeune d’avoir un accès innovant à la culture. La cité a également pour projet de créer un espace de convivialité qui prendra la forme d’un tiers lieu (un fab-lab) afin que s’y organisent des ateliers de création numérique.
On l’aura compris, une telle multiplicité de territoires, d’acteurs et d’initiatives pose un défi important pour l’évaluation, laquelle constitue pourtant une démarche à part entière des cités éducatives.
Renforcer l’accompagnement national
Dans un rapport en date de février 2021, publié par l’INJEP, la chargée d’études et d’évaluation Tana Stromboni fait valoir l’importance pour les cités éducatives « de clarifier leurs objectifs et attentes en matière d’évaluation et de mieux identifier les axes d’évaluation qu’elles souhaitent prioriser au regard des enjeux nationaux mais aussi territoriaux ». Cela permettrait en effets aux intéressées de « préciser et adapter au mieux leurs protocoles, leurs questions évaluatives et leurs outils ». Si Tana Stromboni assure que « trop formaliser, trop encadrer les protocoles d’évaluation pourrait s’avérer contre-productif », elle pointe néanmoins que le cadre national « est trop peu facilitant pour une partie des cités ».
Aux plans du choix de la stratégie d’évaluation, de la composition des instances, ou, dans un registre plus technique, de la formulation des indicateurs qualitatifs, des questions évaluatives ainsi que de la mise en œuvre des outils de suivi et d’évaluation, Tana Stromboni plaide pour que la coordination du programme et le CNOE travaillent au repérage des « territoires les moins outillés en matière d’évaluation et [renforcent] leur accompagnement ».
Analyse des protocoles de suivi et d’évaluation des « cités éducatives » (source : www.injep.fr)
Tous les médias des cités éducatives : retrouvez l’actualité des cités éducative (podcasts, vidéos… – source : www.citeseducatives.fr )
Continuité éducative et innovations (source : www.citeseducatives.fr)
Continuité éducative (source : Francas des Landes)
Ce que les villes nous apprennent sur la continuité éducative au temps du Covid-19 (source : ANDEV)
La continuité éducative dans les cités éducatives pendant le confinement : urgence, initiatives et perspectives. Les enseignements d’une enquête (source : Agence nationale de la cohésion des territoires)
Covid-19 : la continuité éducative dans les 80 cités éducatives (source : Weka.fr)
Charte de la continuité éducative (source : direction de l’éducation de la ville de Cholet)