La jeunesse a été durement éprouvée par les deux ans de pandémie : insertion professionnelle ralentie, perte de liens sociaux dans une période de la vie où ceux-ci sont essentiels, dégradation de la santé psychique. En mars 2022, alors que le virus semble moins menaçant, mais que débute la guerre en Ukraine, le moral des 18-30 ans s’améliore. Les jeunes Français se montrent ainsi plus positifs sur leur vie actuelle et leurs perspectives. Au-delà de l’effet du retour à la vie normale, la reprise du marché du travail semble nourrir ce regain d’optimisme. Quelques stigmates de la période subsistent toutefois : des sentiments de solitude épisodiques plus fréquents et, chez les jeunes femmes, une part d’états d’esprit positifs en retrait de 6 points par rapport à la période pré-crise.
La jeunesse a été durement éprouvée par les deux ans de pandémie : insertion professionnelle ralentie, perte de liens sociaux dans une période de la vie où ceux-ci sont essentiels, dégradation de la santé psychique. En mars 2022, alors que le virus semble moins menaçant, mais que débute la guerre en Ukraine, le moral des 18-30 ans s’améliore. Les jeunes Français se montrent ainsi plus positifs sur leur vie actuelle et leurs perspectives. Au-delà de l’effet du retour à la vie normale, la reprise du marché du travail semble nourrir ce regain d’optimisme. Quelques stigmates de la période subsistent toutefois : des sentiments de solitude épisodiques plus fréquents et, chez les jeunes femmes, une part d’états d’esprit positifs en retrait de 6 points par rapport à la période pré-crise.
Capacité de résilience ? Volonté d’aller de l’avant ? Effet de la reprise de l’emploi ? Les jeunes Français se caractérisent, début 2022, par une progression notable de leur optimisme par rapport à l’avenir et par une nette amélioration de leur moral.
Cette constatation du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2022, réalisé chaque année depuis 2016 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC), est d’autant plus remarquable que les jeunes Français n’ont pas vraiment été épargnés par la crise sanitaire de la Covid-19. Ils ont été en particulier fragilisés sur le plan professionnel (non-renouvellement des contrats courts, arrêt des petits jobs, difficultés d’insertion [Dubost et al., 2020]), affectés sur le plan psychologique avec une montée des syndromes dépressifs (Santé publique France, 2022), et freinés dans leurs apprentissages, notamment par le passage au distanciel (Hazo, Costemalle, 2021 ; Echegu et al., 2021). La crise sanitaire semblait à peine s’éloigner que survenait le déclenchement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, avec des conséquences concrètes dans le quotidien des ménages, en particulier une forte augmentation des prix.
Pour autant, l’ensemble des indicateurs d’opinion présents dans le baromètre sont au vert. Les mots et expressions mobilisés par la jeunesse, invitée à décrire librement son état d’esprit, en ce début 2022, relèvent très nettement d’un registre lexical positif (48 % des jeunes), bien plus présent que le registre négatif (33 %). En particulier, les jeunes se déclarent spontanément plus souvent heureux (+ 13 points) et plus déterminés, motivés et persévérants qu’en 2021 (+ 8 points).
Les jeunes se déclarent plus souvent heureux et plus déterminés, motivés et persévérants qu’en 2021
En parallèle, 67 % des jeunes considèrent, en 2022, que leur vie actuelle correspond à leurs attentes. Ceci est le plus haut niveau de satisfaction jamais mesuré depuis l’introduction de cet indicateur en 2016. L’amélioration (+ 7 points) est particulièrement marquée par rapport à 2021 où elle était à un niveau particulièrement bas, mais également présente par rapport aux niveaux mesurés avant la pandémie (entre 60 % et 65 %).
État d’esprit positif, regard plus apaisé sur l’adéquation de leur vie actuelle à leurs attentes, mais aussi optimisme par rapport à l’avenir : 66 % des 18-30 ans sont confiants dans leur avenir personnel au cours des trois ans qui viennent (+ 6 points). Quelles que soient les questions posées, le moral de la jeunesse s’améliore.
Alors que toutes les restrictions, dont la plus symbolique peut-être, le port du masque, viennent d’être levées, les jeunes semblent vouloir laisser la pandémie derrière eux. 35 % des jeunes ressentent encore une très grande pénibilité quant à la pandémie de Covid, mais cela représente – 14 points par rapport à 2021.
Des effets persistants, notamment chez les femmes
Les jeunes femmes, toutefois, restent davantage affectées par la période. Le genre est, de longue date, et quels que soient les âges concernés, un facteur différenciant dans les réponses aux questions portant sur le ressenti des personnes. Ainsi, dans les enquêtes du CRÉDOC, les femmes portent en général une opinion plus sombre sur leur vie ou leur avenir. En 2022, par exemple, 18 % des femmes considèrent que leurs conditions de vie vont s’améliorer au cours des cinq prochaines années, contre 21 % des hommes1. Ces différences tiendraient pour partie à la persistance de normes sociales et en particulier à la moins grande place laissée dans notre société à l’expression des sentiments des hommes qui auraient, par voie de conséquence, tendance à sous-déclarer certains ressentis négatifs. En outre, les conditions de vie objectives des femmes jouent également un rôle dans leur positionnement particulier. Elles ont plus souvent à charge leurs enfants en cas de séparation (elles représentent 82 % des familles monoparentales dont 45 % vivent au-dessous du seuil de pauvreté) et elles ont des situations professionnelles et financières moins favorables (moins rémunérées, plus souvent à temps partiel…).
Avec la crise sanitaire, l’écart d’état d’esprit entre jeunes hommes et jeunes femmes s’est accentué. Le moral des jeunes hommes a été un peu affecté par la crise (- 4 points d’états d’esprit positifs par rapport à début 2020), mais a très vite retrouvé ses équilibres pré-Covid. Chez les jeunes femmes, l’opinion se dégrade plus nettement en 2021 (- 9 points) et n’a pas retrouvé son niveau pré-Covid, à 41 % (soit toujours – 6 points). Ces constats faisant état d’une plus grande fragilité des femmes face à la crise sanitaire convergent avec les résultats de l’enquête EpiCoV de Santé publique France (2021) et les conclusions des travaux du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la crise sanitaire et des inégalités de genre (Joseph, Trostiansky, 2021).
Autre conséquence de la crise sanitaire, il persiste un sentiment de solitude diffus. La proportion de jeunes ayant déclaré un sentiment de solitude « tous les jours ou presque » ou « souvent » retrouve ainsi pratiquement son niveau d’avant Covid (31 %). Pour autant, les jeunes se sentant seuls « de temps en temps » sont plus nombreux qu’avant la pandémie (+ 5 points). La jeunesse est en effet un temps essentiel de construction des réseaux de sociabilité, et la distanciation sociale, les recommandations de limiter les échanges à un cercle restreint de proches, la fermeture ou les restrictions de fréquentation des campus et parfois des lycées (demi-jauges, etc.), le chômage partiel ou encore le télétravail ont sans nul doute limité les rencontres et la possibilité pour les jeunes de se construire leur réseau de sociabilité.
Un possible effet de la reprise de l’emploi sur le moral des jeunes ?
Retour des moments de sociabilité, reprise des apprentissages dans les campus et du travail sur site en entreprise, perspectives économiques positives… nombreuses sont les explications possibles de l’amélioration du moral des jeunes cette année, après deux ans éprouvants. La reprise du marché de l’emploi intervient possiblement dans ce changement.
Le taux de chômage des jeunes est, depuis plus de trente ans, très nettement supérieur à celui des autres classes d’âge, avec un écart grandissant à la moyenne dans le temps. Depuis 2016, l ’écart était orienté à la baisse, et les jeunes retrouvaient peu à peu le chemin de l’emploi. La pandémie a marqué un coup d’arrêt brutal à cette amélioration. La dernière étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CÉREQ) montre ainsi que la génération « 2017 » (c’est-à-dire les primo-sortants de formation initiale durant l’année scolaire 2016-2017) était mieux insérée que les générations précédentes, avec un accès à l’emploi à durée indéterminée plus fréquent et rapide, jusqu’à la survenue de la Covid, qui a fragilisé plus fortement la dernière génération (fin de missions d’intérim, non-renouvellement de CDD échus, moindres opportunités d’embauche, baisse du volume horaire travaillé et variations de rémunération subséquentes, conditions de travail dégradées pour 32 % des jeunes maintenus en emploi selon le CÉREQ [Couppié et al., 2022]).
La dynamique positive de création d’emplois au sortir de la crise sanitaire profite aussi à la jeunesse : les pénuries de main-d’œuvre constatées dans certains pans d’activité et la réouverture de secteurs qui avaient été touchés par les mesures d’endiguement (tourisme, gastronomie, hôtellerie, culture, sport) contribuent ainsi à l’amélioration du moral des jeunes.
Comparés aux actifs en emploi et aux élèves/étudiants, les jeunes au chômage sont structurellement plus pessimistes. Cependant, on constate en 2022 une baisse sensible des expressions d’un état d’esprit négatif au sein de cette catégorie, non seulement par rapport à l’année 2021 (- 10 points), mais aussi en comparaison avec l’année 2020 (- 7 points).
L’engagement des jeunes se renforce, dans un contexte d’année électorale
En ce début 2022, la participation bénévole des jeunes à une association ou une autre organisation atteint son plus haut niveau depuis 2016 : selon la définition très large retenue dans le baromètre jeunesse, 51 % auraient ainsi donné bénévolement de leur temps à un moment de l’année, en progression de 13 points par rapport à 2016 et de 6 points par rapport à 2020. Par ailleurs, l’engagement régulier s’intensifie : 21 % des 18-30 ans déclarent donner de leur temps quelques heures chaque semaine tout au long de l’année, soit + 5 points par rapport à 2016, et + 3 pt par rapport à 2020. L’année 2022 marque un engagement bénévole plus fort de certains profils : les 18-24 ans (24 %, + 4 points par rapport à 2021), les diplômés du supérieur (23 %, + 4 points) et les jeunes qui vivent chez leurs parents (23 %, + 4 points).
Ce regain d’engagement pourrait être lié au contexte électoral de l’année 2022 ; en effet, sur le seul champ associatif, le taux d’engagement des jeunes de 15 à 34 ans est en légère diminution entre 2019 et 2022 selon le dernier Baromètre France Bénévolat / IFOP. En revanche, dans le Baromètre DJEPVA sur la jeunesse, on constate, pour la première fois depuis cinq ans que l’indicateur est suivi, une progression des adhésions des jeunes à un parti politique. 16 % déclarent ainsi qu’ils ont adhéré ou renouvelé leur adhésion à un parti, soit 5 points de plus qu’en 2021. Même si ce taux est trop élevé pour correspondre à une adhésion formelle à un parti, qui passerait par le versement d’une cotisation, il reflète l’attachement plus fort des jeunes à certains partis politiques en année électorale.
1. Voir CRÉDOC, Enquête conditions de vie et aspirations, début 2022.
Sources bibliographiques
• Couppié T., Gaubert E., Personnaz E., « Enquête 2020 auprès de la Génération 2017. Des parcours contrastés, une insertion plus favorable, jusqu’à… », CÉREQ Bref, no 422, 2022.
• Dubost C.-L., Pollak C., Rey S. (coord.), « Les inégalités sociales face à l’épidémie de Covid-19. État des lieux et perspectives », Les dossier de la DREES, no 62, 2020.
• Echegu O., Papagiorgiou H., Pinel L., « Moins à risque face à la Covid-19, les jeunes adultes subissent les contrecoups économiques et sociaux de l’épidémie », in INSEE, France, portrait social, 2021.
• Hazo J.-B., Costemalle V., « Confinement du printemps 2020 : une hausse des syndromes dépressifs, surtout chez les 15‑24 ans. Résultats issus de la première vague de l’enquête EpiCov et comparaison avec les enquêtes de santé européennes (EHIS) de 2014 et 2019 », DREES Études & résultats, no 1 185, 2021.
• Joseph D., Trostiansky O., « Crise sanitaire et inégalités de genre », Les avis du CESE, mars 2021.
• Pierron J.-P., « L’engagement. Envies d’agir, raisons d’agir », Sens-dessous, no 0, 2006, p. 51-61.
• Santé publique France, Enquête EpiCoV. Épidémiologie et conditions de vie sous le Covid-19, 2021.
• Santé publique France, Enquête CoviPrev. Une enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de Covid-19, mise à jour le 29 juin 2022.
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