En 2010, le Gouvernement souhaite expérimenter un nouveau dispositif pour les jeunes : le revenu contractualisé d’autonomie (RCA). Le projet est inscrit dans l’article 138 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, ses modalités sont précisées par décret n° 2011-128 du 31 janvier 2011.
L’enjeu du dispositif est d’agir sur les difficultés financières des jeunes, de leur permettre de privilégier des solutions d’emploi de plus long terme et en meilleure adéquation avec leurs profils et qualifications.
Le projet propose un accompagnement renforcé vers l’emploi assorti d’une allocation mensuelle pouvant atteindre 250 euros partiellement cumulable avec les revenus d’activité et dégressive la 2e année.
L’expérimentation concerne deux types de publics :
– les jeunes diplômés d’au moins une licence et inscrits depuis plus de 6 mois à Pôle emploi, ne pouvant bénéficier d’une indemnisation[1]
– les jeunes peu ou pas qualifiés, jeunes en insertion accompagnés par les missions locales, dont il est question ici.
82 missions locales réparties sur le territoire portent le projet au bénéfice de jeunes dont les revenus d’activité sont inférieurs à un SMIC/temps plein et qui sont éligibles au dispositif gouvernemental d’aide à l’insertion des jeunes de l’époque le Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS).
L’expérimentation mise en place est évaluée par le Centre de recherche en économie et statistique (CREST), l’École d’économie de Paris (EEP), le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC).
L’évaluation dégage des résultats, des questions et propose des préconisations pour améliorer le dispositif dans une optique d’évolution et/ou de généralisation. Les résultats montrent que:
– Il n’y a pas d’effets du RCA en matière d’emploi. Les bénéficiaires du RCA et ceux inscrits en CIVIS[2] (groupe témoin) connaissent une situation comparable 1 an et 2 ans après l’entrée dans le dispositif. Moins de la moitié des jeunes sont en emploi, qu’on leur ait proposé ou pas le RCA un an avant : 48% pour les jeunes du groupe RCA, 45% pour ceux du groupe CIVIS. Deux ans après le programme, environ 52% des jeunes sont en emploi, toujours sans différence significative entre les deux groupes.
– A plus court terme, sous l’effet des incitations financières dans les 6 premiers mois du programme, on observe un effet négatif sur le taux d’emploi des bénéficiaires du RCA.
– Le taux de reprise d’une formation et l’investissement dans la recherche d’emploi sont comparables au groupe témoin.
– Le RCA n’a pas eu d’impact significatif sur les ressources des jeunes. L’allocation de 250 euros versée par la mission locale est venue se substituer en partie aux autres sources de revenu. Au bout d’un an, au moment où l’allocation est encore fixée à 250 euros en cas d’inactivité, les jeunes du groupe RCA ne bénéficient pourtant pas en moyenne d’une progression conséquente de leurs ressources. En effet, les jeunes du groupe CIVIS déclarent disposer de 602 euros. Ce montant ne progresse que de 42 euros dans le groupe RCA. Au bout de deux ans, après la sortie du programme et la fin de l’allocation garantie pour le groupe RCA, les ressources moyennes des jeunes sont identiques, à environ 730 euros par mois.
– Bien que l’offre d’accompagnement en CIVIS et en RCA soit la même, les bénéficiaires du RCA s’investissent davantage dans l’accompagnement réalisé par la mission locale.
– Pour autant l’évaluation indique qu’il est possible que l’intensification de l’accompagnement dans le cadre du RCA n’ait pas été suffisante pour faire effectivement la différence entre les deux groupes. Il est aussi possible, que les jeunes n’aient pas d’incitation suffisante à participer aux activités qui leur sont proposées par la mission locale.
Fin 2012, le Gouvernement lance une réflexion sur la mise en place d’une « garantie jeunes ».
Le nouveau dispositif est expérimenté à partir de septembre 2013 dans dix territoires. D’un an renouvelable, les contours sont proches de ceux du RCA avec la proposition d’un accompagnement, basé sur une logique de « droits et de devoirs » et la mise en place d’une relation contractuelle entre le conseiller de mission locale et le jeune, et la proposition d’une garantie de ressources.
Les enseignements de l’expérimentation RCA et les recommandations des évaluateurs sont pris en compte. Les contenus, l’intensité et les étapes clés des programmes d’accompagnement des jeunes sont revus, l’accompagnement est plus intensif, il intègre une dimension collective. L’aide financière est plus élevée, ses effets « désincitatifs » à court terme sont pris en compte et compensés par l’amplification de la logique de « droits et devoirs », ou encore un mécanisme de cumul partiel entre allocation et revenus d’activité.
Le dispositif est étendu puis généralisé à l’ensemble du territoire le 1er janvier 2017. Fin 2020, 87 600 jeunes en bénéficient. En 2021, l’aide financière est de 497,50 euros maximum par mois.
La « Garantie jeunes » est remplacée depuis le 1er mars 2022 par le « contrat d’engagement jeune » (CEJ). Il propose aux jeunes une allocation pouvant aller jusqu’à 500 € par mois et leur permet sur une période maximale de 12 mois, de réaliser des mises en situations professionnelles, des périodes de formation, des phases de recherche d’emploi, des missions d’utilité sociale.
[1] Projet porté par l’APEC visant 500 jeunes et évalué par le Centre de recherche en économie de Grenoble.
[2] CIVIS : contrat d’insertion dans la vie sociale
Publications en lien avec le rapport
Revenu contractualisé d’autonomie – Description de l’expérimentation
Auteurs : Jean Bérard et Mathieu Valdenaire (INJEP)
De l’éducation à l’insertion : dix résultats du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse
Auteurs : Sous la direction de Jean Bérard et Mathieu Valdenaire (INJEP), Romain Aeberhardt, Vera Chiodi, Bruno Crépon, Mathilde Gaini, Augustin Vicard (CREST, ENSAE, École d’économie de Paris (EEP/PSE), J-PAL CREST-DARES)
Revenu contractualisé d’autonomie – Rapport d’évaluation
Auteurs : Romain Aeberhardt, Vera Chiodi, Bruno Crépon, Mathilde Gaini, Augustin Vicard, Léopold Gilles, Nelly Guisse (CREST / EEP CREDOC)
Auteur : Isabelle BORRAS, (Centre Associé Céreq, Centre de Recherches en Economie de Grenoble, Université Pierre Mendès France)
Donner aux jeunes vulnérables du temps au présent pour miser sur l’avenir
Auteurs : Samuel JAMES, Aude KERIVEL (INJEP)
Autre publication et références
Garantie jeunes : quels enjeux et quels usages de l’allocation ?
Auteur : Julie COURONNE (INJEP)