Pour les adolescents et les adolescentes, ce sont d’ores et déjà deux années de leur vie qui sont impactées par la crise sanitaire. Loin de l’image bucolique des villages typiques qui ont pu susciter nombre de fantasmes en temps de confinement, ces filles et ces garçons vivant sur les territoires ruraux ne sont ni le reflet d’une société paysanne, ni une jeunesse agricole. Ils et elles restent moins visibles que leurs homologues urbains y compris dans cette période de crise sanitaire. Cette crise vient révéler l’hétérogénéité des conditions de vie de cette fraction de la jeunesse et exacerbe les inégalités entre les jeunes d’un même âge, à une période de la vie où se joue le processus d’autonomisation à l’égard des parents qui s’en trouve largement empêché.
Des conséquences inégales sur les sociabilités, scolarités et aspirations
Pour les adolescents et les adolescentes, ce sont d’ores et déjà deux années de leur vie qui sont impactées par la crise sanitaire. Loin de l’image bucolique des villages typiques qui ont pu susciter nombre de fantasmes en temps de confinement, ces filles et ces garçons vivant sur les territoires ruraux ne sont ni le reflet d’une société paysanne, ni une jeunesse agricole. Ils et elles restent moins visibles que leurs homologues urbains y compris dans cette période de crise sanitaire. Cette crise vient révéler l’hétérogénéité des conditions de vie de cette fraction de la jeunesse et exacerbe les inégalités entre les jeunes d’un même âge, à une période de la vie où se joue le processus d’autonomisation à l’égard des parents qui s’en trouve largement empêché.
Au printemps 2020, les mesures sanitaires prises pour endiguer la pandémie de Covid-19 ont eu un impact social très important : restrictions de circulation et obligation de « rester chez soi », limitation des contacts physiques, fermeture des établissements scolaires. À l’hiver 2020-2021, les conditions de vie restaient encore fortement perturbées par les mesures de prévention (port du masque, gestes barrières, isolement en cas de test positif). Les adolescents n’ont pas été épargnés par les couvre-feux, ni par le reconfinement en dépit de l’alternance des cours, entre « présentiel » et « distanciel », et prenant des formes variées selon les établissements. Leurs stages sont à l’arrêt ou reportés. Les lieux culturels, sportifs ou festifs où les filles et les garçons se socialisent et/ou travaillent sont fermés. Cette crise sanitaire survient dans un contexte socio-économique marqué par la crise économique de 2008 dont les effets sur les trajectoires juvéniles et la précarisation de l’insertion socioprofessionnelle et des conditions de vie n’est plus à démontrer.
Pour les adolescents et adolescentes âgés de 15 à 18 ans, encore scolarisés dans le secondaire pour une grande majorité, cette crise sanitaire qui s’étend maintenant sur deux années de leur vie prend des sens différents selon leur sexe, leur milieu social d’origine, leur parcours scolaire ou de formation en cours, mais aussi selon le territoire sur lequel ils et elles habitent. Comment « profiter de sa jeunesse », « vivre son adolescence » dans cette période marquée par les restrictions et l’incertitude ? L’enquête de terrain menée de septembre 2020 à janvier 2021, auprès d’adolescents et d’adolescentes vivant en milieu rural dans la France hexagonale, met en évidence comment la projection dans l’avenir, les aspirations scolaires et professionnelles se trouvent bousculées pour une grande partie d’entre elles et eux, et plus particulièrement pour celles et ceux issus des classes populaires. Cette enquête permet de pointer dans le même temps l’hétérogénéité de leurs conditions de vie, de montrer combien la crise sanitaire a renforcé les inégalités préexistantes entre jeunes vivant sur un même territoire, encore trop souvent perçus comme une jeunesse homogène.
Méthode
L’analyse repose sur une enquête qualitative comprenant 46 entretiens individuels dont 27 filles et 19 garçons et 6 entretiens collectifs (avec 5 à 7 participants et participantes) menée entre septembre 2020 et janvier 2021 en face à face et par téléphone au gré de la situation sanitaire. Ces adolescents et adolescentes âgés de 15 à 18 ans vivent en milieu rural en France hexagonale dans des petites villes comprenant des bourgs commerçants, des villages ou des hameaux (situés en grande partie en Limousin et dans les Ardennes). Parmi les 46 jeunes ayant répondu aux entretiens individuels, la grande majorité est scolarisée dans le secondaire (général, technologique et professionnel) dont une partie non négligeable est en internat en semaine, un quart d’entre eux ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (certain·e·s bénéficient du dispositif Garantie Jeunes). Au regard des professions de leurs parents et des situations familiales, la majorité sont issus des classes populaires ou de la petite classe moyenne, quelques filles et garçons appartiennent aux catégories supérieures.
À ces entretiens s’ajoutent des discussions réalisées dans le cadre des restitutions menées sur quelques-uns des terrains d’enquête de l’étude ARAMIS 2, avec des jeunes ayant participé à l’enquête d’une part et avec des professionnels travaillant auprès d’eux d’autre part.
Sociabilités adolescentes en milieu rural à l’épreuve des mesures sanitaires
Les vies adolescentes, y compris en milieu rural, sont partagées entre les amis qui prennent de plus en plus de place dans la vie sociale, les activités extrascolaires et la vie scolaire. Sortir entre amis, expérimenter les relations affectives et/ou sexuelles, aller les uns chez les autres, faire ses premières « soirées », rester dehors sans rien faire de particulier, sont parmi les activités les plus prisées. À cet âge de la vie, les sociabilités sont essentielles et la place du groupe de pairs est déterminante. Elles participent au processus d’autonomisation de la sphère familiale et en particulier des parents. Dans un contexte marqué par la faiblesse des transports en commun, les modalités de mobilité accessibles sont peu nombreuses et maintiennent – encore plus les filles que les garçons – dans une dépendance à l’égard des familles [Amsellem-Mainguy, 2021] : des parents « font le taxi » et peuvent avoir un regard et faire des remarques sur les fréquentations de leurs enfants. Celles et ceux dont les parents ne sont pas véhiculés doivent compter sur les solidarités familiales ou les solidarités de proximité préexistantes à la crise sanitaire et qui se sont dès lors renforcées.
Parmi les adolescents rencontrés, les filles et les garçons qui habitent dans des hameaux isolés ne décrivent guère de changement dans leur vie quotidienne, se disant « confinés depuis toujours ». Ils et elles restituent un isolement préexistant. C’est aussi le cas de celles et ceux qui vivent dans des villages éloignés les uns des autres, où résident en majorité des personnes âgées et parfois des familles avec enfants en bas âge. Ils et elles relatent que le fait de « croiser des potes » reste rare. Au final, ce sont les adolescents et adolescentes qui résident dans les centres-villes, les bourgs commerçants ou les petites villes qui décrivent avoir été les plus impactés par les mesures sanitaires. Ils et elles se sont retrouvés – au moins en partie – dans les descriptions médiatiques des fermetures des commerces et des équipements, bien qu’en réalité ces adolescents et adolescentes soulignent que la majorité des commerces ont déposé le bilan avant cette période (bar, prêt-à-porter, boucherie, boutique pour enfants…) [Coquard, 2019].
Les adolescents et adolescentes qui, en amont de la crise sanitaire, entretenaient peu de relations avec des pairs et avaient peu d’occasions de sortie ne se décrivent pas depuis le début de la crise sanitaire plus en difficulté. Leur vie « n’a pas changé ». Cette période a même été l’occasion de « souffler » pour une partie des enquêtés – essentiellement des filles – qui décrivent ne plus être épuisés par les temps de transports ou par la pression scolaire. Elles ont pu « faire un point » sur leurs relations amicales. À l’inverse, parmi les jeunes inscrits dans de forts réseaux de sociabilité, celles et ceux qui n’ont pas pu les maintenir (éloignement géographique, interdiction des parents, craintes pour la santé…) ont été les plus affectés. Ces filles et ces garçons disent avoir été « empêchés » de vivre leur jeunesse et expriment un fort sentiment de solitude et d’isolement – notamment lors du confinement du printemps 2020. Elles et ils ont été contraints de devoir composer avec les points de contrôle de la gendarmerie et les règles imposées par leurs parents pour se retrouver à toute heure de la journée – en forêt ou dans des champs éloignés –, se déplaçant d’un lieu à l’autre à pied.
Pour la plupart, l’été 2020 a été un moment de retrouvailles denses entre amis pour faire la fête ou des soirées, accueillir des amis chez soi, rester dehors… Les plus jeunes, et les moins socialisés aux fêtes, se sont retrouvés en petits groupes (de quatre à six), tandis que les plus âgés et ceux déjà investis dans des pratiques festives se sont retrouvés dans des soirées réunissant « bien plus de monde » plusieurs fois par mois. Depuis novembre 2020, l’ouverture même partielle des lycées et des lieux de formation leur a permis de maintenir les routines amicales. Si l’on aurait pu penser que les sociabilités adolescentes se déplaceraient en ligne, cette enquête pointe comment les médias sociaux sont utilisés pour maintenir les liens et prolonger les rencontres. En contexte de restriction des relations directes, ces usages se sont maintenus mais ne se sont pas faits nécessairement plus denses. Les relations en ligne étant avant tout le prolongement des sociabilités hors ligne [Balleys, 2018].
Être confinés chez ses parents entre proximité et promiscuité
Les adolescents vivant en milieu rural « font avec » l’offre de formation disponible dans un rayon kilométrique relativement restreint [Grelet, Vivent, 2011 ; Pinel, 2020], qui n’est pas toujours compatible avec l’organisation familiale sur qui pèse l’organisation des déplacements. Aussi, les années lycée sont-elles marquées pour une partie d’entre elles et eux par des formes de décohabitation temporaire et partielle du foyer parental, qui passent par la fréquentation de l’internat ou l’hébergement « en ville » chez un membre de la famille. Cette expérience leur permet d’accéder à des réseaux de transports plus denses, de se rapprocher de lieux de consommation juvéniles (magasins, bars, salles de jeux…), mais aussi de pouvoir « profiter » de leurs amis.
Avec la crise sanitaire, le premier confinement, les cours partiels, ces filles et ces garçons sont massivement revenus chez leurs parents. Dans les récits des adolescents des milieux populaires, on constate combien les habitats précaires et l’habitat social ne sont pas l’apanage des grandes agglomérations [Coquard, 2019] et leurs descriptions des conditions de confinement marquent une rupture avec une vision enchantée et homogène de la ruralité. L’analyse des conditions matérielles d’existence des adolescents ruraux met en exergue la tension entre proximité des membres de la famille au cours du confinement et promiscuité au sein du logement familial, parfois source de conflits.
Les adolescents et adolescentes qui décrivent une plus grande « proximité » entre les membres de la famille sont majoritairement issus des classes moyennes et supérieures. Ils et elles décrivent la période comme propice à davantage de temps passé avec leurs parents et leur fratrie (pour cuisiner, jouer à des jeux de société), dans un climat familial bienveillant avec des parents « n’ayant pas des problèmes de santé » et peu inquiets quant à leur maintien dans l’emploi (pour partie grâce au télétravail). Les adolescents et adolescentes des classes populaires dont les parents n’ont cessé de travailler ont dû s’occuper seuls, tout en retrouvant leurs parents pour les repas par exemple. Pour les autres, celles et ceux pour qui les conditions de vie étaient déjà dans un équilibre précaire, la période a pu être bien plus difficile en raison de la dégradation de la situation économique des parents (chômage partiel, perte d’emploi, absence de « petits boulots »…). On notera qu’indépendamment des classes sociales, pour une fraction des adolescents et adolescentes, la crise sanitaire a contraint les membres de la famille à (re)vivre ensemble sans échappatoire aux violences préexistantes à la période, sans perspective d’en sortir à court terme.
L’enjeu du quotidien pour les adolescents vivant chez leurs parents – ou revenus y vivre temporairement – se joue autour du fait de disposer d’un espace à soi (une chambre à soi par exemple) : cela permet d’avoir des conversations privées et « de pouvoir se séparer en restant enfermé », mais aussi de pouvoir vivre sa vie personnelle et intime sans exposer ses relations à l’entourage familial. Dans ces circonstances, bénéficier d’un espace extérieur (jardin, bois à proximité…) devient aussi un élément distinctif. À ces conditions objectives viennent s’ajouter des effets de genre : au cours des confinements, les filles ont été amenées – encore plus que d’habitude – à s’investir dans la vie familiale et contribuer aux tâches domestiques de la maison, tandis que les garçons se sont davantage octroyé la possibilité d’aller dehors, de retrouver des copains et/ou de maintenir une pratique sportive.
Comprendre
L’étude ARAMIS 2
Les entretiens réalisés auprès des adolescents et adolescentes ruraux et présentés dans cette publication s’inscrivent dans le projet de recherche portant sur les Attitudes, Représentations, Aspirations et Motivations lors de l’Initiation aux Substances psychoactives (ARAMIS). Compte tenu de la période spécifique du terrain d’enquête, un temps des entretiens a été consacré à l’expérience des confinements et couvre-feux notamment avec des questions sur les relations amicales, les relations familiales, leur vécu de la scolarité.
L’enquête ARAMIS 2 s’inscrit dans le cadre de l’objectif prioritaire de prévention affirmé par le Plan national de mobilisation contre les addictions (2018-2022) et répond aux besoins de recherche identifiés par les recommandations de l’expertise collective de l’INSERM sur les conduites addictives chez les adolescents (2014). L’étude ARAMIS 2 a été réalisée sous la coordination de l’OFDT avec le concours de l’Institut national pour la jeunesse et l’éducation populaire (INJEP) et du Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS) de l’université Paris-Descartes.
Des formations courtes à l’épreuve d’une remise en question de la valeur du diplôme
Les lycéens et lycéennes rencontrés décrivent des conditions d’études difficiles en période de confinement. L’équipement informatique n’est pas toujours individuel au sein des familles – ordinateurs ou tablettes –, ou adapté – smartphone et connexion. Ils et elles décrivent surtout des formes de lassitude, d’épuisement face aux cours en ligne, au travail en solitaire entraînant parfois une perte du sens pour les études. Autant d’éléments qui viennent modifier leurs projets d’avenir, quand ils et elles en ont. Les inégalités d’accès à Internet ont été mentionnées de même que l’absence d’émulation collective que permet le groupe classe et plus largement la fréquentation de l’institution scolaire. Cette situation a été d’autant plus marquée pour les jeunes dont les parents n’ont pas été en mesure d’apporter un soutien suffisant sur la scolarité, faute de temps ou de capitaux économiques et/ou culturels mobilisables.
En mars 2020, le report des stages de découverte ou de formation ou leur arrêt en raison de la crise sanitaire sont également venus affecter les parcours adolescents, en particulier ceux des jeunes n’étant plus en études dès leurs 15/16 ans qui ont le sentiment d’avoir « perdu un an de [leur] vie ». Cette situation est exacerbée pour les adolescents et adolescentes qui devaient entrer dans des dispositifs d’aide à l’insertion, à l’image de celles et ceux qui sont entrés en Garantie Jeunes en mars 2020 et pour qui tout s’est arrêté net [Dares, 2020]. Cette fragilisation des parcours des adolescents de milieux ruraux interpelle dans un contexte où leurs trajectoires de formation et d’insertion se caractérisaient par des études plus courtes et plus professionnalisantes que les jeunes urbains avant la crise sanitaire [Pinel, 2020], notamment en raison de leur connaissance des débouchés possibles et de la faiblesse des offres d’emplois disponibles [Grelet, Vivent, 2011]. Le ralentissement économique et le maintien de la fermeture d’un grand nombre de secteurs pourvoyeurs de stages sur des territoires où l’offre de stages est déjà peu diversifiée pour les jeunes viennent abonder dans le sens de leurs constats. Dès lors, ces adolescents et adolescentes se retrouvent à devoir « patienter » ou « faire avec », c’est-à-dire « prendre ce qu’il y a […] même si c’est pas dans [leur] branche ».
Être diplômé d’un « Bac Covid » obtenu en juillet 2020, c’est par cette expression que les lycéennes et lycéens ayant participé à l’enquête pointent la dépréciation de leur diplôme du fait d’exigences qui auraient été moins fortes, mais aussi parce qu’elles et ils « n’ont pas vécu le vrai bac », symbole de la fin des années lycée marquant l’aboutissement de la scolarité secondaire. L’expérience de la recherche d’un job ou d’un emploi plus pérenne depuis l’été vient contribuer à cette dépréciation : la valeur de leur diplôme a déjà été remise en question par une fraction de « patrons » qui doutent du réel niveau de ces jeunes diplômés à qui on aurait « donné le bac ».
Des « incertitudes » qui se traduisent en inquiétudes sur l’avenir
Pris en étau entre le fait de vouloir « profiter de [leur] jeunesse » sans en avoir les moyens et de se projeter dans un avenir, sans que cela ne soit réellement possible, les adolescents se trouvent dans une période où il n’est plus possible d’entretenir un rapport serein à l’incertitude du futur. S’observe progressivement une renégociation de leur projection dans la durée des apprentissages et des formations (y compris dans l’enseignement supérieur), ainsi qu’en matière d’insertion professionnelle.
Pour la majorité des adolescents vivant en milieu rural – issus des milieux populaires et des petites classes moyennes – l’aspiration à des études longues ou trop généralistes était déjà peu présente avant la crise et est davantage revue à la baisse avec un certain pragmatisme : « il va falloir trouver du boulot ». Cette situation risque de s’accentuer par la suite avec l’installation de la crise sanitaire dans la durée et ses répercussions économiques et sociales, en particulier pour les jeunes les moins aisés. Pour les adolescents et adolescentes des milieux favorisés, celles et ceux dont les projets scolaires, les orientations et les parcours en études se construisaient plus aisément à partir d’un bagage social familial aisé et d’un contexte socio-économique local a priori plutôt favorable, ou qui avaient les moyens d’en sortir, la durée de la crise vient impacter leur projection dans des études supérieures éventuellement longues ou à l’international.
Au début de l’année 2021, les adolescents vivant en milieu rural partageaient le constat de « revoir » leurs ambitions et leurs projets pour être « réalistes » « face à la situation », y compris celles et ceux qui se sentaient encore peu concernés par les effets de la crise au mois de septembre 2020 et qui s’inquiètent des répercussions pour leur avenir à présent. Qu’elles et ils soient des milieux plus ou moins favorisés, ces filles et ces garçons partagent l’idée de passer à côté d’une partie des privilèges qu’offre la période dite de jeunesse (sortir, voir des amis, partir en vacances, faire des soirées, aller en concert ou en discothèque, mais aussi avoir ses premiers jobs, éventuellement faire des études ou une formation que l’on a choisies…) du fait de la durée de la pandémie et de l’absence de perspective de fin. « Empêchés » de vivre leur jeunesse avec leurs amis tels qu’elles et ils l’attendaient et/ou l’espéraient, « freinés » dans leur aspiration à une autonomie à l’égard de leurs parents, c’est donc tous les pans de leur vie qui se trouvent remis en question. Pourtant cet « empêchement » ne prendra pas le même sens selon les catégories sociales : les filles et les garçons des milieux les plus favorisés disposant de davantage de ressources pour « faire face » à la situation et aux années qui suivent, tandis qu’à l’autre bout de l’échelle sociale, les filles et les garçons des milieux les plus précaires et celles et ceux ne disposant pas de réseaux de solidarité de proximité seront les plus en difficulté. Si l’on a pu déjà saisir que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 vient amplifier les vulnérabilités des adolescents et adolescentes âgés de 15 à 18 ans vivant en France hexagonale, cette enquête pointe l’accentuation d’inégalités intragénérationnelles dans la période actuelle et dans leur manière de se projeter « dans l’avenir » [Lambert, Cayouette-Remblière, 2021 ; Mariot N, Mercklé P., Perdoncin, 2021].
Sources bibliographiques
• Amsellem-Mainguy Y., Les filles du coin. Grandir et vivre en milieu rural, Paris, Presses de Sciences Po, 2021.
• Balleys C., « Socialisation des adolescents et usages des médias sociaux », Revue des politiques sociales et familiales, n° 125, 2018.
• Coquard B., Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, Paris, La Découverte, 2019.
• Dares, Résultats de l’enquête flash Covid-19 auprès des missions locales, mai 2020.
• Grelet Y., Vivent C., « La course d’orientation des jeunes ruraux », Bref du Céreq, n° 292, 2011.
• Lambert A., Cayouette-Remblière J. (dir.), L’explosion des inégalités. Classes, genre et générations face à la crise sanitaire, La Tour d’Aigues, INED, Éditions de l’Aube, coll. « Monde en cours », 2021.
• Mariot N., Mercklé P., Perdoncin A. (dir.), Personne ne bouge. Une enquête sur le confinement du printemps 2020, Grenoble, UGA Éditions, coll. « Carrefours des idées », 2021.
• Pinel L., « Études, emploi, ressources : les jeunes ruraux sont-ils différents des jeunes urbains ? », Études et résultats, n° 1154, DREES, 2020.
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