« Les filles du coin » est une recherche qui fait écho à l’enquête majeure sur la jeunesse rurale réalisée il y a 20 ans par Nicolas Renahy et intitulée « Les gars du coin ». Elle a pour objectif de rendre compte des trajectoires, conditions de vie et expériences juvéniles des jeunes femmes vivant en milieu rural et de poursuivre les travaux de sociologie sur les jeunesses rurales, en documentant les éventuelles spécificités rencontrées par les jeunes femmes résidant hors des grandes agglomérations en France hexagonale.
À partir de leurs récits, il s’agit de saisir comment des jeunes femmes âgées essentiellement de 15 à 26 ans vivent « leur jeunesse » en milieu rural, où elles ont pour la plupart grandi et où elles vivent toujours au moment de l’enquête. Pour décrire leur territoire, elles évoquent des problématiques soulignées dans les enquêtes antérieures sur les jeunes ruraux : absence d’offre et d’activités de loisirs et d’animation socioculturelle, forte interconnaissance, orientation scolaire par le bas, précarité du marché du travail, des conditions de travail et emplois sous-qualifiés… La question de la mobilité est transversale, se pose à tous les instants de la vie quotidienne et à tous les âges de la vie: l’inadaptation de l’offre de transports en commun est largement pointée du doigt par toutes les enquêtées, indépendamment de leur âge et du territoire où elles résident.
Cette enquête montre aussi comment elles se « débrouillent » et font face aux difficultés qui sont les leurs en cherchant à s’adapter, à « faire avec », à les contourner ou à s’en échapper. L’analyse de leurs pratiques quotidiennes permet d’appréhender les spécificités des sociabilités des jeunes femmes dans le monde rural et les rapports de genre qui sont à l’oeuvre. Pour ce faire, l’enquête s’est intéressée à l’orientation scolaire, à la formation, à l’insertion professionnelle, à la composition des groupes de pairs, aux sociabilités féminines ou encore aux pratiques de loisirs, révélant au passage comment les jeunes femmes se conforment à leur rôle de genre, mais parviennent aussi à investir des bastions masculins.