En France, en 2017, 13,9 % des jeunes de 15 à 29 ans n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation. Ce 1,6 million de jeunes est couramment désigné par le terme NEET, acronyme anglais de not in employment, education or training. Une analyse des ressources financières des NEET à partir de l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ 2014) permet de montrer une forte hétérogénéité dans les conditions de vie, les niveaux et les sources de revenus. Ainsi, les jeunes NEET sortis récemment de l’enseignement supérieur avec un diplôme et ayant déjà travaillé passeront peu de temps dans la catégorie des NEET. Ces jeunes ont des ressources financières 2,5 à 3 fois plus élevées que les NEET sans diplôme et n’ayant jamais travaillé.
Ni en emploi, ni en études, ni en formation
En France, en 2017, 13,9 % des jeunes de 15 à 29 ans n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation. Ce 1,6 million de jeunes est couramment désigné par le terme NEET, acronyme anglais de not in employment, education or training. Une analyse des ressources financières des NEET à partir de l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ 2014) permet de montrer une forte hétérogénéité dans les conditions de vie, les niveaux et les sources de revenus. Ainsi, les jeunes NEET sortis récemment de l’enseignement supérieur avec un diplôme et ayant déjà travaillé passeront peu de temps dans la catégorie des NEET. Ces jeunes ont des ressources financières 2,5 à 3 fois plus élevées que les NEET sans diplôme et n’ayant jamais travaillé.
Depuis une dizaine d’années, les politiques d’insertion sociale et professionnelle à destination de la catégorie des NEET ont pris de l’importance, à l’instar de la Garantie jeunes. Expérimenté en 2013, puis généralisé en 2017 avec 80 000 entrées, ce dispositif est destiné aux NEET les plus vulnérables. L’appartenance au groupe des NEET renvoie toutefois à des situations économiques et sociales très diverses. Cette diversité a été peu étudiée sous l’angle des revenus et conditions de vie. L’Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ), produite par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2014, permet d’identifier les NEET parmi les 18-24 ans et d’étudier le niveau ainsi que l’origine de leurs ressources financières en fonction de leur profil social.
L’analyse réalisée par l’INJEP met en évidence l’hétérogénéité de cette catégorie en distinguant cinq groupes d’individus aux situations sociales contrastées. Ces situations correspondent à des niveaux de revenus également hétérogènes : les niveaux de revenus moyens peuvent varier du simple au triple entre ces groupes.
Ce résultat invite ainsi à repenser l’articulation entre, d’une part, la catégorie statistique des NEET et, d’autre part, la cible des politiques de jeunesse en faveur de l’insertion professionnelle. En effet, tous les jeunes correspondant à la définition des NEET ne nécessitent pas un suivi de même nature en vue de leur insertion : la Garantie jeunes ne cible d’ailleurs que les NEET « en situation de grande précarité 1 ». Inversement, tous les jeunes suivis par les missions locales ne correspondent pas nécessairement à la définition, s’ils obtiennent des « petits boulots » transitoires ou participent à des formations. Le décalage entre la catégorie de NEET et ces situations d’emplois précaires est parfois relevé par les professionnels de la jeunesse eux-mêmes (Couronné, Sarfati, 2018).
Méthode
Enquête nationale sur les ressources des jeunes 2014 Menée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), service statistique du ministère des Solidarités et de la Santé et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2014, l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) vise à appréhender les conditions de vie des jeunes adultes vivant en France et âgés de 18 à 24 ans. Elle permet à la fois de connaître la situation lors de la semaine précédant l’enquête, qui a eu lieu entre octobre et décembre 2014, et de décrire les différentes ressources perçues par les jeunes lors de cette même année. Les NEET sont ici définis par le fait de déclarer comme situation principale lors de la semaine précédant l’enquête le fait d’être chômeur ou inactif (hors études). Cette définition diffère de celle utilisée dans l’enquête Emploi de l’INSEE, qui est la source habituellement utilisée pour mesurer les taux de NEET. L’enquête Emploi utilise en effet davantage de questions relatives à la situation par rapport à l’emploi, l’éducation et les formations formelles et informelles des jeunes qui ne sont pas disponibles dans l’ENRJ.
Les montants de ressources donnés ici sont annualisés, car les ressources des NEET peuvent être particulièrement variables dans le temps. Il est donc utile de s’intéresser aux revenus perçus auparavant : les dépenses lors d’une semaine donnée peuvent être assurées par des salaires ou des aides publiques ou parentales versées plus tôt dans l’année. La méthode d’annualisation des revenus à partir des questions de l’ENRJ a été conçue par la DREES et l’INSEE 2 .
De quoi vivent les NEET ?
Les ressources des NEET proviennent au moins autant de leurs emplois précédents que des aides sociales : les personnes se déclarant NEET à la fin de l’année 2014 avaient gagné en moyenne 2 400 € en revenus du travail sur toute l’année, soit une somme comparable aux 2 230 € issus de revenus sociaux perçus dans l’année [graphique 1]. Les NEET sont relativement peu aidés financièrement par leurs parents, qui leur versent en moyenne 1 370 € par an. Cette somme de transferts monétaires directs ne comprend toutefois pas les transferts en nature, comme la nourriture et surtout le logement, puisque 75 % des NEET cohabitent avec leurs parents. Cette aide reste néanmoins très inférieure à celle que les parents accordent aux jeunes suivant des études, de 4 610 € par an en moyenne, alors que ceux-ci sont 50 % à vivre avec leurs parents. Le total des ressources annuelles des NEET s’élève en moyenne à 6 130 €, contre 13 630 € pour les personnes en emploi au moment de l’enquête et à 8 240 € pour les étudiants.
Les cinq types de NEET : une hétérogénéité fortement liée au diplôme
Ces résultats moyens sur la catégorie de NEET masquent cependant la diversité des situations, à laquelle correspond une hétérogénéité des ressources. C’est pourquoi il est essentiel de différencier les NEET en fonction de leur diplôme, de leur situation vis-à-vis du marché du travail, de la reprise d’études, ou de la présence d’enfants à charge. Afin de synthétiser la diversité des situations au regard de toutes ces variables, nous avons utilisé une méthode de classification statistique [encadré « Méthode »], dont le résultat est une typologie des NEET en cinq sous-catégories.
– Catégorie 1 : les nouvellement diplômés du supérieur en recherche d’emploi 3 (16 % de l’ensemble des NEET) : dans cette catégorie, où 80 % des NEET ont un diplôme du supérieur et 85 % ont terminé leurs études cette année, la situation sur le marché du travail est la plus favorable, puisque 70 % cherchent du travail depuis moins d’un an et 18 % ont déjà trouvé du travail. 78 % ont eu une expérience professionnelle dans l’année écoulée soit en stage rémunéré ou en apprentissage (46 %) soit en emploi (32 %).
– Catégorie 2 : les bacheliers recherchant des « petits boulots » en attente de reprise d’études (19 %) : les NEET de cette catégorie sont 79 % à avoir le bac comme plus haut diplôme (44 % général ou technologique, 35 % un bac professionnel). Ce groupe est celui qui envisage le plus la reprise d’études (79 %) soit l’année prochaine (49 %), soit plus tard (30 %). En attendant, la plupart cherchent du travail, souvent depuis moins d’un an (54 %), parfois plus (10 %), et certains en ont déjà trouvé (16 %).
– Catégorie 3 : les mères éloignées du marché du travail (14 %) : les parents représentent 88 % de cette catégorie, qui présente le plus fort éloignement du marché du travail : 24 % ne souhaitent pas travailler et 35 % souhaiteraient travailler sans chercher activement. Cette catégorie est essentiellement composée de femmes (86 %) peu diplômées : 78 % n’ont pas le baccalauréat. La majorité (57 %) vit en couple, 29 % vivent seuls et 14 % chez leurs parents. Notons que tous les parents ne se trouvent pas dans cette catégorie : elle regroupe seulement les 80 % de parents les plus éloignés du marché du travail. Les personnes qui vivent en couple et ne recherchent pas de travail se retrouvent dans cette catégorie même si elles n’ont pas d’enfants.
– Catégorie 4 : les diplômés de l’enseignement professionnel au chômage de courte durée (31 %) : les NEET de cette catégorie disposent, pour la plupart, d’un diplôme professionnel du secondaire : 70 % ont un CAP, un BEP ou un bac professionnel. Ces diplômes constituent une ressource puisque 81 % ont travaillé dans l’année, le taux le plus élevé. Orientés vers la recherche d’emploi, 19 % ont déjà trouvé un travail qu’ils débuteront plus tard et 70 % en cherchent, dont 49 % depuis moins d’un an. Ainsi, le passage par la catégorie de NEET semble transitoire pour ces jeunes ayant déjà commencé une carrière professionnelle et en quête d’insertion plus stable.
Comprendre
La genèse de la notion de NEET
L’origine de la notion est liée à une réforme de la protection sociale au Royaume-Uni dans les années 1990 (Mascherini et al., 2012). Les 16-18 ans n’ayant pas l’âge requis pour bénéficier de prestations sociales, la catégorie des « sans statut » (« Status Zer0 ») a fait l’objet d’études spécifiques (Rees et al., 1996). Pour préciser et généraliser la notion, l’acronyme NEET est utilisé pour la première fois dans un rapport sur l’exclusion sociale publié par l’administration britannique en 1999.
Dès lors, la notion est reprise par diverses institutions et des chercheurs. La Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) utilisent une définition destinée à servir de repère pour des études comparatives (Mascherini et al., 2016) : la tranche d’âge standard est de 15 à 29 ans.
Depuis sa généralisation, de nombreuses études pointent l’hétérogénéité de la catégorie soit pour proposer de la décliner (Furlong, 2006), soit pour proposer de l’abandonner (Cuzzocrea, 2014). La catégorie d’études s’est transformée en une catégorie opérationnelle dans la mise des politiques publiques, puisque la garantie européenne pour la jeunesse lancée en 2013, dont la Garantie jeunes est l’une des déclinaisons pour la France, cible les NEET (Timoteo, 2016).
– Catégorie 5 : les sans diplôme éloignés de l’emploi (20 %) : cette catégorie regroupe les NEET les plus vulnérables : 70 % sont sans diplôme et 77 % n’ont jamais travaillé. Pourtant, la majorité de ces NEET cherche activement du travail (70 %) et 54 % cherchent depuis plus d’un an. C’est dans cette catégorie qu’on retrouve le plus de NEET limités dans leur autonomie par un problème de santé (27 %).
Le diplôme est donc un facteur déterminant dans cette classification : la plupart des classes peuvent être associées à un niveau de diplôme. Une large partie de la situation des NEET, notamment celle sur le marché du travail, découle ainsi de ce niveau de diplôme. Pourtant, les classifications existantes, établies par des organismes internationaux comme la Commission européenne ou l’OCDE, ne prennent pas en compte cette variable essentielle et s’appuient principalement sur les raisons de l’inactivité (Eurofound, 2016).
Des ressources inégales et des sources différentes selon les types de NEET
Ces groupes de NEET se caractérisent par des niveaux de revenus différents et provenant de sources différentes. Avec 8 470 € par an, dont 79 % proviennent de prestations sociales, les mères peu diplômées et éloignées du marché du travail sont en apparence le groupe le plus riche des NEET [graphique 2]. C’est un résultat trompeur, car, en plus d’avoir un ou plusieurs enfants à charge, elles habitent moins souvent chez leurs parents et doivent donc payer un loyer, même si 57 % habitent avec leur conjoint. Le fait d’avoir des enfants à charge permet de bénéficier du RSA jeunes et de prestations familiales. Par ailleurs, vivre dans un logement indépendant ouvre le droit à des aides au logement, d’où l’importance des aides dans ce groupe.
Méthode
La classification des NEET De nombreuses variables peuvent permettre de caractériser les NEET, et ces variables comportent des corrélations importantes les unes avec les autres. Afin de synthétiser cette complexité, tout en mettant en relief le plus possible ces contrastes, nous avons utilisé une méthode de classification statistique 4 avec les variables suivantes :
• le statut de logement (le jeune vit seul, en couple, ou chez ses parents),
• la présence d’enfants à charge, • le niveau de diplôme,
• la recherche d’emploi et la durée de cette recherche,
• le fait d’avoir déjà travaillé ou non, cette année ou non, en emploi ou en stage rémunéré,
• le fait d’avoir étudié cette année,
• le fait de souhaiter reprendre des études,
• le fait d’être limité par des problèmes de santé.
La méthode permet d’établir des catégories qui seront les plus hétérogènes possibles entre elles au regard de ces variables. Cette typologie ne doit pas être comprise comme la seule possible, car un grand nombre de paramètres (choix des variables, des modalités des variables, nombre d’axes et de classes) dépendent des choix effectués et ont une influence sur la classification obtenue.
Les NEET diplômés du supérieur ont obtenu un revenu, en 2014, de 7 700 € par an en moyenne, dont la moitié (52 %) provient d’emplois précédents. Il s’agit de la catégorie la plus aidée par leurs parents, qui leur ont versé en moyenne 2 330 € dans l’année. Les chômeurs de courte durée ayant une formation professionnelle ont un revenu de 6 710 € par an, dont 56 % proviennent d’emplois précédents. Un peu moins aisée, la catégorie des bacheliers en attente de reprise d’études a un revenu moyen de 5 680 € par an. Les personnes sans diplôme les plus éloignées du marché du travail sont, quant à elles, une majorité à n’avoir jamais travaillé (77 %) : leurs ressources s’élèvent à seulement 2 810 € par an. Avec 1 300 € de prestations sociales par an, ces NEET, pourtant les plus vulnérables, sont parmi les moins aidés par le secteur public. En effet, ces jeunes, pour la plupart cohabitant avec leurs parents, sans expérience professionnelle et ayant terminé leur formation initiale, répondent peu souvent aux conditions pour bénéficier des principales aides publiques aux jeunes, à savoir les aides au logement, les allocations chômage, les bourses d’études. Cependant, les NEET en situation de handicap, surreprésentés dans cette catégorie, reçoivent des aides spécifiques.
40 % des revenus des NEET de cette catégorie, soit 1 180 €, proviennent d’aides parentales, ce qui en fait la catégorie la plus soutenue par les parents en proportion. Cette somme reste cependant moins élevée que l’aide accordée aux NEET diplômés du supérieur ou aux bacheliers en attente de reprise d’études.
Les disparités dans le montant des aides parentales s’expliquent aussi par une origine sociale différente selon les jeunes : les parents de la catégorie des NEET diplômés du supérieur ont un niveau de vie 5 médian de 19 600 €, quand celui des parents des NEET sans diplôme est de 11 800 €.
Ces disparités de revenus sont donc très importantes. La situation très défavorable sur le marché du travail des NEET sans diplôme n’est compensée ni par les aides sociales ni par les revenus de parents eux-mêmes en difficulté. La prise en compte des spécificités de ces personnes, qui vont au-delà de leur seule appartenance à la catégorie des NEET, semble essentielle pour cibler les politiques à destination des jeunes.
Sources bibliographiques
Atlas national des fédérations sportives 2019 Hors collection
Jeunes, religions et spiritualités Agora débats / jeunesses
Jeunes et santé mentale : ressources et appropriations Agora débats / jeunesses
Les études… et à côté ? Les modes de vie des étudiant·e·s Agora débats / jeunesses