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Pairs et professionnels, premières sources d’information des jeunes sur la sexualité


La mise en œuvre du programme d’éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle (EVARS) dès la rentrée 2025 en France donne l’occasion de s’interroger sur les sources d’information sur la sexualité auxquelles recourent les jeunes. L’enquête ENVIE, menée entre novembre 2022 et juillet 2023 par l’INED avec le soutien de l’INJEP, révèle que ces sources d’information, souvent réduites dans le débat public à la place qu’y occupe la pornographie, mobilisent d’abord l’entourage affectif et amical ainsi que les professionnels éducatifs ou de santé, avant les contenus numériques.


Pairs et professionnels, premières sources d’information des jeunes sur la sexualité

La mise en œuvre du programme d’éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle (EVARS) dès la rentrée 2025 en France donne l’occasion de s’interroger sur les sources d’information sur la sexualité auxquelles recourent les jeunes. L’enquête ENVIE, menée entre novembre 2022 et juillet 2023 par l’INED avec le soutien de l’INJEP, révèle que ces sources d’information, souvent réduites dans le débat public à la place qu’y occupe la pornographie, mobilisent d’abord l’entourage affectif et amical ainsi que les professionnels éducatifs ou de santé, avant les contenus numériques.

Depuis une quinzaine d’années, les moyens d’accès aux informations sur la sexualité se sont diversifiés : aux ressources traditionnelles (entourage proche, professionnels mais aussi ouvrages spécifiques) se sont ajoutés les contenus numériques. L’enquête sur la vie affective et relationnelle des jeunes adultes [encadré « Zoom sur »] [1], menée en 2023 auprès de plus de 10 000 jeunes âgés de 18 à 29 ans, apporte un éclairage sur les sources d’information sur la sexualité. Dès lors, comment, aujourd’hui, la massification d’internet et des équipements en smartphones recompose-t-elle la question des informations sur la sexualité ? Que recouvre cette diversité de sources ? Comment les inégalités sociales se rejouent-elles en matière d’information sur la sexualité ?

Zoom sur

L’enquête ENVIE (INED)


L’enquête sur la vie affective des jeunes adultes (ENVIE, INED, 2023) est une enquête par questionnaire, réalisée au téléphone en 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 10 021 individus âgés de 18 à 29 ans et vivant en France hexagonale2. Elle comble le manque de données récentes sur la sexualité à cette période de la vie depuis le Baromètre de Santé publique France 2016.

Dans le questionnaire, afin de saisir la diversité des moyens de s’informer sur la sexualité, les jeunes enquêtés ont été amenés à répondre à la question suivante : « Je vais vous citer quelques sources d’information sur la sexualité, pourriez‑vous me dire si elles ont été des sources pour vous. Avez-vous appris des choses sur la sexualité par… vos amies filles, vos amis garçons, vos partenaires, vos frères ou l’un d’eux, vos soeurs ou l’une d’elles, votre mère (ou parent 1), votre père (ou parent 2), des professionnels/professionnelles éducatifs ou de santé, la télé, des films ou des séries, des contenus pornographiques, des réseaux sociaux, forums ou sites d’information en ligne ? » Les personnes enquêtées pouvaient répondre pour chacune de ces modalités, de sorte que l’on puisse également prendre en compte les effets cumulatifs et observer la diversification des sources.

L’enquête ENVIE permet de documenter les effets des origines sociales en mobilisant une version remaniée de la nomenclature de la « PCS ménage » des parents. Cet indicateur offre un point de comparaison commun à l’ensemble des personnes interrogées, qu’elles soient en emploi ou encore en études.

Enfin, l’enquête prend aussi en considération l’élargissement récent des identités de genre dans la mesure où 19 % des femmes et 8 % des hommes de 18 à 29 ans ne se définissent pas comme hétérosexuels (Lejbowicz, Rault et Trachman, 2025). Elle met en évidence l’émergence d’identifications nouvelles comme la pansexualité, qui se rapproche de la bisexualité en ce qu’elle désigne un désir qui n’est pas dirigé uniquement vers les femmes ou les hommes mais s’en distingue par le refus de catégoriser ainsi les partenaires. Une partie de la jeunesse aspire à sortir de ce cadre binaire qui aligne un genre (masculin/féminin) avec un sexe biologique (mâle/femelle) et un désir pour le sexe opposé.

Les personnes ressources à l’ère du numérique

Depuis une quinzaine d’années, internet, et plus spécifiquement les réseaux sociaux, est venu s’ajouter à la palette de ressources disponibles sur la sexualité et la santé sexuelle. Ces contenus abordent des dimensions variées : consentement, bien-être, plaisir ou encore prévention des infections sexuellement transmissibles ou des violences sexuelles. Mais les jeunes s’appuient encore largement sur les personnes de l’entourage – partenaires, amis, famille – et sur les institutions qui relaient ou produisent des informations. Lors de l’adolescence et de l’entrée dans la vie adulte, l’évolution de la composition des réseaux de sociabilité participe à diversifier les références normatives, en particulier dans les relations affectives, amoureuses ou sexuelles. L’influence de l’entourage amical se renforce au détriment de celle de l’entourage familial [2].

L’enquête ENVIE permet de documenter précisément ces dynamiques auprès des 18-29 ans [encadré « Zoom sur »]. Avant internet, c’est d’abord auprès de personnes ressources que s’échangent les informations : partenaires d’abord (pour 9 jeunes sur 10), puis viennent les relations amicales (8 sur 10). Les professionnels et professionnelles éducatifs et de santé sont cités par plus de la moitié des jeunes (64 % des femmes et 52 % des hommes).

Les femmes sont davantage sollicitées : les jeunes déclarent plus souvent avoir appris des choses sur la sexualité auprès de leurs amies filles, de leurs sœurs ou de leur mère que de leurs homologues masculins [tableau 1]. Dans l’adelphie (entre frères et/ou sœurs), les femmes parlent plutôt avec leurs sœurs ; les hommes, relativement plus souvent avec un frère, mais aussi avec une sœur.

Les jeunes lesbiennes, gays, bi ou pansexuels utilisent davantage les réseaux sociaux que les jeunes hétérosexuels pour s’informer sur la sexualité. L’offre de contenus y est plus variée que dans l’entourage et inclut les minorités sexuelles et de genre. Ces ressources leur permettent de compléter leurs connaissances, répondre à leurs questionnements, comprendre la sexualité dans un environnement où l’acceptation sociale reste difficile. Elles contribuent à ouvrir l’espace des possibles pour les jeunes aux identifications sexuelles minoritaires et/ou en questionnement. Ces ressources en ligne favorisent aussi la construction d’un soutien de pairs partageant des situations similaires [3] dans un contexte où la norme hétérosexuelle reste majoritaire chez les jeunes, même si une partie d’entre elles et eux questionne les manières de s’identifier, les désirs et les pratiques [4].

En ligne, les fictions et les documentaires devancent la pornographie

Parmi les sources numériques citées par les jeunes adultes pour s’informer sur la sexualité, les fictions ou les documentaires (télés, séries, films) et les réseaux sociaux devancent la pornographie. Des différences nettes s’observent toutefois selon le genre. Les femmes citent plus souvent les films et séries (57 %) ainsi que les réseaux sociaux (56 %) et, dans une moindre mesure, la pornographie (23 %), tandis que les hommes, eux, citent autant la télé, les films et séries (48 %), les réseaux sociaux (46 %) et la pornographie (48 %). Ces écarts pourraient en partie s’expliquer par la présence, dans les fictions, les séries et sur les réseaux sociaux, de thématiques dont les femmes se sentent plus concernées (grossesse, IVG, contraception, consentement ou encore violences sexuelles).

La pornographie n’est donc pas la seule ni même la principale source d’information en ligne. Les écarts de réponses entre les hommes et les femmes s’expliquent d’abord parce que les premiers en sont de plus grands consommateurs : 85 % des jeunes hommes disent en avoir déjà regardé au cours des douze derniers mois (contre 43 % des jeunes femmes). La pornographie est en outre mobilisée comme source d’excitation pour les premières masturbations, qui surviennent plus tôt pour les garçons que pour les filles, avant leur « première fois » [5]. Enfin, le fait de considérer la pornographie comme source d’information n’évolue pas avec l’avancée en âge, ni chez les femmes ni chez les hommes.

L’absence d’espaces spécifiques pour les jeunes hommes ou de suivi médical pour exprimer leurs questionnements et recevoir des informations sur les changements du corps et la sexualité peut en partie expliquer le fait qu’ils codent la pornographie parmi les sources d’information sur la sexualité auxquelles ils ont eu accès. À l’inverse, l’accès plus régulier des jeunes femmes à des professionnels et professionnelles de santé dans le cadre du suivi gynécologique, dès la puberté et tout au long de leur vie reproductive, contribue à légitimer les questionnements autour de leur vie sexuelle et à chercher ou à identifier davantage de sources d’information.

Des inégalités sociales dans l’accès à l’information sur la sexualité

Les données épidémiologiques et sociologiques en matière de santé sexuelle montrent que l’exposition aux infections sexuellement transmissibles, aux grossesses non prévues ou aux violences sexuelles varie selon les personnes. Si les différences liées au genre sont fortes et bien documentées, les origines sociales jouent également un rôle important : elles influencent notamment l’information en matière de sexualité [tableau 2] et contribuent à des inégalités structurelles [6].

Les jeunes issus des milieux sociaux les moins favorisés disposent de ressources moins variées et moins nombreuses que les autres. En effet, 60 % des femmes et 51 % des hommes issus des milieux très favorisés (ménage parental à dominante cadre) disent avoir eu des informations sur la sexualité par au moins quatre sources différentes, contre seulement 41 % des femmes et 36 % des hommes issus des milieux moins favorisés (ménage parental à dominante populaire).

À âge égal, le fait d’avoir eu une diversité de sources d’information sur la sexualité facilite la discussion entre partenaires sur la contraception, les préservatifs ou encore les infections sexuellement transmissibles (IST) [graphique]. Qu’ils et elles soient engagés dans une relation de couple ou qu’il s’agisse d’un autre type de relations, qui ne correspond ni au couple ni aux histoires d’un soir que les jeunes qualifient de diverses manières (« sexfriend », « plan cul », « amitié avec un plus », « flirt », « aventure », etc.) et que nous appellerons ici « relations suivies », les jeunes ayant eu plus de 4 sources d’informations sur la sexualité ont plus tendance que les autres à évoquer les sujets de santé sexuelle avec leur partenaire. Par ailleurs, les jeunes qui ont grandi dans des familles favorisées, ayant donc bénéficié en moyenne d’une plus grande diversité de manières d’aborder la sexualité, déclarent également plus que les autres parler de contraception ou de préservatif avec leur partenaire.

Place de l’éducation à la sexualité dans un contexte de diversification des sources d’information

Au cours des vingt-cinq dernières années, l’éducation à la sexualité, d’abord à destination des adolescents puis des enfants, a suscité une attention et un intérêt croissants. Les résultats des recherches sur le sujet convergent pour montrer que la reconnaissance et l’acceptation sociale de la sexualité des jeunes sont bénéfiques pour la prévention des risques d’infections sexuellement transmissibles, des grossesses non prévues, et surtout des violences sexuelles (en particulier celles commises pendant l’enfance dans les familles ou les institutions) [7, 8, 9].

Cette reconnaissance s’appuie notamment sur une éducation à la sexualité et à la vie affective et relationnelle adaptée à l’âge, au niveau scolaire et progressive. Si l’éducation à la sexualité se construit dans les différentes sphères sociales (loisirs, sports, vacances…), l’école joue un rôle central, parce qu’elle est l’institution par laquelle passe la quasi-totalité des enfants et des jeunes, et qu’elle intègre dans ses missions la formation et la transmission des connaissances fiables et scientifiques. Dans ce contexte, l’éducation à la sexualité vient donc compléter les contenus diffusés dans les familles (pour les plus jeunes) ou entre pairs (pendant l’adolescence). En milieu scolaire, elle contribue à outiller les élèves pour leur entrée dans la vie adulte, notamment en développant leur capacité à analyser de manière critique les informations diffusées en ligne [8, 10].

  1. Équipe ENVIE : M. Bergström (coord.), L. Amilhat, Y. Amsellem-Mainguy, M. Bouchet-Valat, M. Bozon, R. Breda-Popa, G. Charrance, P. Cochet, T. Fantoni- Decayeux, C. Hemmer, M. Lapine, G. Larrieu, T. Lejbowicz, M. Lenouvel, N. Lévêque, R. Lévy-Guillain, F. Maillochon, A. Muller, P. Mullner, I. Parizot, R. Philit, D. Rahib, W. Rault, A. Régnier-Loilier, M. Trachman et D. Trawale.
  2. L’enquête a bénéficié d’une aide de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du programme d’investissements d’avenir (PIA) France 2030 (ANR‑21-ESRE-0037) et d’un financement du programme ANR Jeunes chercheuses et jeunes chercheurs (ANR-20-CE41-0007-01). Elle a également été financée par l’INED, l’INJEP, Santé publique France, la CNAF et la DGCS-SDFE, et a reçu un avis d’opportunité du CNIS (n° 160/H030) et un avis favorable de la CNIL (n° 2226211).

Références bibliographiques

  • [1] Bergström M. (dir.), La sexualité qui vient. Jeunesse et relations intimes après #MeToo, Paris, La Découverte, 2025.
  • [2] Bozon M., Sociologie de la sexualité, 5e édition, Paris, Armand Colin, 2025.
  • [3] Amsellem-Mainguy Y., Vuattoux A., Les jeunes, la sexualité et internet, Paris, Les Périgrines, 2020.
  • [4] Lejbowicz T., Rault W., Trachman M., Équipe Envie, « Homo, bi et non binaires : quand les jeunes questionnent l’hétérosexualité », Population & Sociétés, no 632, 2025.
  • [5] Bajos N., Bozon, M. (dir.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008.
  • [6] Gelly M., « Les inégalités sociales, objet invisible pour l’éducation sexuelle ? Enquête ethnographique sur l’éducation sexuelle dans les collèges », Sciences sociales et santé, no 31(4), p. 73‑96, 2013.
  • [7] Bajos N., Guillaume A., Kontula O., Le comportement des jeunes Européens face à la santé génésique, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, coll. « Études démographiques », no 42, 2004.
  • [8] Martin P., « L’éducation par les pairs des jeunes en santé sexuelle : entre apprentissage, échange d’expériences et autonomisation », Document de travail, no 246, INED, 2018.
  • [9] UNESCO, Le chemin vers une éducation complète à la sexualité : rapport sur la situation dans le monde, rapport publié avec ONU-Sida, FNUAP, UNICEF, ONU-Femmes, OMS, 2022.
  • [10] Gondard-Lalanne C., Jeanne-Rose E. (rapp.), Éduquer à la vie affective relationnelle et sexuelle, rapport du CESE, 2024