Ce numéro publié pour le 15e anniversaire de la revue présente les regards sur la jeunesse en France de chercheurs qui, par leurs travaux, ont contribué à infléchir la réflexion en sociologie de la jeunesse : Gérard Mauger, François de Singly, Agnès van Zanten, Muriel Darmon, Didier Le Gall, Charlotte Le Van, Patrick Peretti-Watel, Laurent Mucchielli, Emmanuel Sulzer.
Yaëlle Amsellem-Mainguy, Marianne Autain
• Jeunesse : essai de construction d’objet
Gérard Mauger
Si la jeunesse est une notion de sens commun, l’auteur s’attache, dans cet article, à analyser les usages qui en sont faits dans l’univers des sciences sociales. Il souligne que les tentatives de « construction d’objet » se sont orientées dans deux directions : l’une située dans la perspective d’une sociologie des « âges de la vie », l’autre dans celle d’une sociologie des « générations ». La situation de double passage (de l’école à la vie professionnelle et de la famille d’origine à la famille de procréation) caractéristique de la jeunesse est décrite à la fois comme une période d’« accumulation primitive », d’« apesanteur » et d’« incohérences statutaires », d’« indétermination sociale », de « classements » et de « cristallisation des habitus ».
• Jeunesse et pouvoir sur soi
François de Singly
Dans cet article, il s’agit d’approcher la spécificité des « âges » par rapport à l’idéal social de l’individu contemporain. L’auteur met en évidence comment la modification des frontières définissant le pouvoir sur soi, le consentement libre et éclairé transforme la question des âges de la vie, et plus particulièrement celle de l’enfance et de l’adolescence. À partir de deux exemples médiatiques (celui de Laura Dekker et celui de Liliane Bettencourt), il propose de questionner les notions d’autonomie et d’indépendance, aux deux extrémités de la vie, rappelant ainsi que, dans toute vie commune, l’autonomie est limitée par les négociations.
• Choix de l’école et inégalités scolaires
Le rôle des ressources culturelles et économiques des parents
Agnès van Zanten
Cet article analyse comment les ressources culturelles et économiques des parents, en jouant un rôle important dans le choix de l’établissement scolaire des enfants, renforcent les inégalités sociales. L’auteure se penche plus particulièrement sur les pratiques éducatives de deux fractions des classes moyennes supérieures, les « technocrates » et les « intellectuels », et constate que, de façon différente, les deux groupes anticipent, mettent en œuvre et accompagnent différents types de choix — résidentiels, d’un établissement privé, d’un autre établissement public — qui leur permettent de maintenir et d’étendre leurs avantages vis-à-vis d’autres groupes sociaux. Ces inégalités s’avèrent d’autant plus difficiles à réduire que les processus qui contribuent à leur création et à leur maintien se déroulent hors du cadre scolaire.
• Des jeunesses singulières
Sociologie de l’ascétisme juvénile
Muriel Darmon
En s’appuyant sur des enquêtes ayant porté l’une sur des patientes anorexiques, l’autre sur des étudiants de classe préparatoire, l’auteure cherche à éclairer l’existence et les logiques sociales de ces deux manifestations d’ascétisme juvénile. Au-delà de la différence entre un ascétisme dispositionnel, apparemment individuel mais de fait inscrit dans la structure sociale, et un ascétisme institutionnel, imposé et travaillé par une institution, l’article fait apparaître le point commun que constituent les condamnations sociales d’un ascétisme désapprouvé au nom de normes d’âge et de définitions sociales de la jeunesse.
• Le premier rapport sexuel : récits féminins versus récits masculins
Didier Le Gall et Charlotte Le Van
Les filles et les garçons ont désormais leur premier rapport sexuel à peu près au même âge. Cette convergence des comportements en matière d’initiation sexuelle s’est-elle pour autant accompagnée d’une plus grande proximité entre eux concernant la manière dont est vécue ce premier rapport ? Analysant les récits écrits d’étudiants relatant cette expérience inaugurale, les auteurs montrent que, si garçons et filles adhèrent bien au même « scénario idéal » d’entrée dans la sexualité adulte, récits féminins et masculins ne se confondent pas. Certes en raison de la différence de sexe, mais aussi et surtout de la différence de genre.
• Morale, stigmate et prévention
La prévention des conduites à risque juvéniles
Patrick Peretti-Watel
Si les jeunes sont aujourd’hui à bien des égards étiquetés « à risque », ils ont été désignés en France comme un problème social à plusieurs reprises au cours du XXe siècle. L’auteur montre ici comment la prévention des conduites à risque juvéniles constitue aujourd’hui une entreprise de morale. Il s’attache également à analyser les ressorts et plus précisément les modes de stigmatisation que cette prévention est susceptible d’utiliser. Pourtant, l’auteur souligne combien porter un stigmate est une expérience éprouvante, angoissante, susceptible de contribuer à la dégradation de l’état de santé de ceux qui en sont victimes.
• L’évolution de la délinquance des mineurs
Données statistiques et interprétation générale
Laurent Mucchielli
Les statistiques de police et de justice ne constituent pas un enregistrement de la délinquance des mineurs réelle mais un baromètre de son traitement institutionnel. Si l’idée d’un changement et d’une augmentation de la délinquance des jeunes rencontre un préjugé favorable dans la population générale dont elle alimente aisément le sentiment d’insécurité, elle n’est pourtant pas statistiquement fondée. L’auteur analyse comment les évolutions de la délinquance des mineurs illustrent les processus de criminalisation, de renvoi et de judiciarisation qui ont transformé le rapport de la société française à sa jeunesse dans les années 1990, parallèlement à un processus de ghettoïsation des quartiers populaires.
• Les jeunes et l’emploi : enseignements de l’analyse des premières années de vie active
Emmanuel Sulzer
Au sein de générations de plus en plus éduquées, l’insertion professionnelle des jeunes se réalise convenablement dans bien des cas. En corollaire, ce sont les jeunes les moins qualifiés ou issus des filières les moins « porteuses » qui vont voir se concentrer sur eux les difficultés les plus criantes d’accès à l’emploi, a fortiori s’ils sont porteurs d’autres « stigmates » sociaux. Pour autant, diplômés ou non, les jeunes sont loin de renoncer à l’intégration sociale par le travail, et adressent au système productif des attentes fortes, notamment en termes de stabilisation et d’opportunités de progression professionnelle.
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