Actuellement, environ 10 % d’une génération réalise un service civique. Toutefois, de fortes disparités existent entre les départements ultramarins et la métropole, mais également entre les départements de l’Hexagone (Corse comprise). Ainsi, si 36 % des jeunes Guadeloupéens effectuent un service civique, cette part atteint en moyenne 9,5 % dans l’Hexagone et oscille entre 18 % dans l’Aisne et seulement 3 % en Haute-Savoie. De même, les profils des volontaires (niveau de diplôme ou situation d’emploi à l’entrée en mission) et les types de structures d’accueil (association ou service public) diffèrent très fortement d’un département à l’autre. Ces écarts sont notamment liés à la part des jeunes au chômage ou inactifs (hors formation), et à l’offre d’accueil de volontaires dans le service public.
Actuellement, environ 10 % d’une génération réalise un service civique. Toutefois, de fortes disparités existent entre les départements ultramarins et la métropole, mais également entre les départements de l’Hexagone (Corse comprise). Ainsi, si 36 % des jeunes Guadeloupéens effectuent un service civique, cette part atteint en moyenne 9,5 % dans l’Hexagone et oscille entre 18 % dans l’Aisne et seulement 3 % en Haute-Savoie. De même, les profils des volontaires (niveau de diplôme ou situation d’emploi à l’entrée en mission) et les types de structures d’accueil (association ou service public) diffèrent très fortement d’un département à l’autre. Ces écarts sont notamment liés à la part des jeunes au chômage ou inactifs (hors formation), et à l’offre d’accueil de volontaires dans le service public.
Une enquête nationale menée en 2019 par l’INJEP et l’Agence du service civique (ASC) avait permis de montrer la diversité tant des types de missions réalisées en service civique [encadré « Repères »] que des profils des jeunes volontaires, notamment en termes de niveau de diplôme et d’expérience professionnelle [1]. En revanche, elle n’avait pas analysé finement le poids de la dimension territoriale dans les déterminants de la réalisation du service civique. Or les écarts très importants de la part d’une génération qui réalise le service civique selon les départements conduisent à s’interroger sur la façon dont le dispositif est mobilisé en fonction des contextes locaux. La présente analyse poursuit ce travail de compréhension des déterminants de la réalisation du service civique en positionnant les analyses à l’échelle des départements et en mobilisant l’indicateur conjoncturel de réalisation du service civique [ICSC, encadré « Méthode »], permettant d’estimer la part d’une génération qui réalise le service civique.
Créé en 2010, le service civique propose aux jeunes de 16 à 25 ans1 de s’engager dans une mission d’intérêt général auprès d’associations ou d’institutions publiques. Le service civique repose donc à la fois sur la participation des jeunes et sur l’offre de missions par des organismes associatifs ou publics, deux facteurs pouvant être fortement influencés par les contextes locaux. D’une part, les spécificités économiques et sociales des territoires peuvent induire des différences importantes au niveau des profils des jeunes, de leurs attentes et aspirations ; d’autre part, elles peuvent influencer l’offre de missions de service civique dans les services publics et les associations.
Repères
Le service civique
Le fonctionnement du service civique est régi par le Code du service national et son pilotage est assuré par un groupement d’intérêt public dédié : l’Agence du service civique (ASC). Les organismes souhaitant proposer des missions de service civique doivent être agréés par l’ASC et les services déconcentrés de l’État. Les missions d’intérêt général doivent durer au moins six mois (un an maximum), et comprendre des jours dédiés à la formation citoyenne des volontaires et à l’accompagnement des jeunes dans leur projet.
Les missions, dont la durée hebdomadaire varie de 24 à 48 heures (27 heures en moyenne en 2022), sont indemnisées à hauteur de 620 euros net par mois. Une majoration de 115 euros est accordée aux boursiers des échelons 5 à 7 et aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). S’ils sont inscrits à Pôle emploi, les volontaires sont considérés comme des demandeurs d’emploi de catégorie 4 (personnes sans emploi et à la recherche d’un emploi, mais pas immédiatement disponibles), ce qui les dispense de rechercher un emploi, mais suspend leurs indemnités. Le RSA et les indemnités du contrat d’engagement jeune (CEJ) sont également suspendus, mais pas les aides au logement ni les bourses étudiantes.
Calculé au niveau départemental, l’indicateur conjoncturel de réalisation du service civique met en lumière des écarts très importants entre les départements et régions d’outre-mer (DROM) et le territoire hexagonal (Corse comprise) : en 2022, en moyenne 27,4 % des jeunes vivant dans les DROM réalisent un service civique contre 9,5 % de ceux qui résident dans l’Hexagone. Le taux le plus élevé est détenu par la Guadeloupe, où près de 36 % des jeunes réalisent un service civique.
Il existe également de fortes disparités entre les départements hexagonaux. Ce taux dépasse en effet les 18 % dans l’Aisne et il avoisine 17 % dans l’Indre et le Pas-de-Calais, alors qu’il tombe à 5 % dans l’Ain, en Savoie ou dans les Hauts-de-Seine et à 3 % en Haute-Savoie [figure 1].
Méthode
L’indicateur conjoncturel de réalisation du service civique
L’indicateur conjoncturel de réalisation du service civique (ICSC) mesure la part d’une génération qui effectuerait le service civique si les modalités d’entrée en mission observées dans l’année se maintenaient dans le temps. Cet indicateur est calculé à partir des données ELISA2 fournissant le nombre de missions débutées à chaque âge. Ces effectifs sont rapportés à la population légale par âge (INSEE, recensements de la population 2010 à 2021) de manière à calculer les probabilités de réalisation de service civique à chaque âge. La somme de ces probabilités par âge donne une probabilité pour l’ensemble de la classe d’âge des 16-25 ans, que l’on peut interpréter comme la part des 16-25 ans qui réalise un service civique (dans les conditions observées l’année considérée). Il s’agit donc d’un indicateur théorique et conjoncturel qui renseigne sur le recours au dispositif à un moment donné et permet de suivre l’évolution du dispositif au fil du temps.
Cet indicateur conjoncturel de réalisation du service civique peut également être décliné à l’échelle départementale (on prend alors pour point de référence le département où réside le volontaire), mais aussi selon les structures d’accueil de manière à connaître la probabilité qu’ont les jeunes de réaliser un service civique dans le monde associatif ou dans le service public.
Outre les différences de probabilité de réalisation d’un département à l’autre, les profils des jeunes volontaires du service civique varient fortement, notamment en termes de niveau de diplôme et de situation au moment de l’entrée en mission.
Ainsi, la part des volontaires de 2022 qui démarrent une mission en étant diplômés du supérieur oscille entre moins de 15 % dans l’Yonne, à Mayotte ou en Guyane, à 60 % à Paris et 50 % dans les Hauts-de-Seine (contre 32 % en moyenne). Parallèlement, la part des volontaires sans diplôme est inférieure à 10 % à Paris, en Lozère ou dans le Finistère, mais dépasse les 30 % dans les Vosges, dans l’Oise et dans l’Yonne (contre 20 % en moyenne).
Les départements dans lesquels la part de volontaires peu diplômés est élevée sont également les départements où les taux de réalisation du service civique sont les plus élevés. Au niveau national, 27 % des volontaires qui démarrent une mi ss ion n’ont aucun diplôme ou sont titulaires d’un CAP ou d’un BEP. Ce taux monte à 33 % dans les départements où l’indicateur de réalisation du service civique est le plus fort, mais descend à 23 % dans les départements où les jeunes ont le moins de chances de réaliser de service civique. À l’inverse, dans les départements où les jeunes ont le plus de chances de réaliser un service civique, la part des volontaires diplômés du supérieur est faible (23 % contre 32 % en moyenne) [figure 2, en ligne].
En ce qui concerne la situation au moment de l’entrée en mission, 63 % des volontaires qui démarrent un service civique en 2022 sont demandeurs d’emploi ou inactifs (hors formation). Cette part dépasse 80 % dans les Ardennes, en Guyane, dans l’Indre, en Guadeloupe, dans l’Allier ou à Mayotte, mais est globalement inférieure à 50 % en région parisienne. En miroir, la part des étudiants parmi les volontaires (33 % au niveau national) monte à plus de 50 % en région parisienne et tombe à moins de 15 % dans l’Indre, dans l’Allier ou à Mayotte.
Les départements où les proportions de volontaires inactifs (hors formation) et sans emploi sont les plus fortes sont marqués par des probabilités élevées de réalisation du service civique. Au niveau national, 70 % des volontaires qui démarrent une mission en 2022 sont sans emploi dans les départements où l’indicateur de réalisation du service civique est le plus élevé, contre 59 % dans les départements où l’indicateur est le plus faible [figure 3, en ligne].
Si le taux de réalisation du service civique est fortement lié au profil individuel des volontaires qui réalisent un service civique, il dépend aussi de façon plus générale des caractéristiques socio-économiques de la jeunesse résidant dans les départements. En effet, plus le chômage des jeunes est élevé, plus la probabilité de réaliser un service civique est forte. En moyenne, une hausse d’un point de la part des jeunes au chômage ou inactifs est associée à une augmentation de 0,6 point de la part d’une génération réalisant le service civique dans le département [figure 4].
La réalisation du service civique est également corrélée avec la part de la population qui réside en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) où les jeunes sont, en moyenne, deux fois plus touchés par le chômage que les autres [2]. Depuis 2010, la part des volontaires issus des QPV parmi les volontaires du service civique est stable autour de 13 %, soit un taux supérieur à la proportion des 15-24 ans résidant en QPV (environ 10 % selon le recensement de la population de 2019). Les volontaires issus des QPV ont également des profils assez spécifiques : leur niveau de formation est en moyenne moins élevé et ils sont plus souvent demandeurs d’emploi que les autres volontaires [3]. Cette surreprésentation des jeunes issus des QPV parmi ceux qui réalisent un service civique se retrouve également à l’échelle des départements puisque, en moyenne, une hausse d’un point de la part de la population départementale vivant en QPV est associée à une augmentation de 0,2 point de la part d’une génération réalisant le service civique. En revanche, l’absence de corrélation très nette avec la part de la population qui réside en milieu rural ne permet pas de tirer des conclusions sur l’effet de la ruralité sur la réalisation du service civique.
Le service civique peut être réalisé au sein d’une association ou dans le secteur public au sens large, c’est-à-dire dans une collectivité territoriale, un établissement public ou un service de l’État. Jusqu’en 2015, les missions s’inscrivaient presque intégralement dans le cadre associatif. Depuis 2015, la part des missions réalisées dans le service public a presque triplé, passant de 12 % en 2014 à 35 % en 2022 [4]. Cette augmentation s’observe dans tous les départements, mais dans des proportions très variables. Ainsi, entre 2015 et 2022, le nombre de missions dans le service public a été multiplié par 1,3 dans l’Ain, 1,5 et 1,6 respectivement à Paris et en Eure-et-Loir, alors qu’il a été multiplié par plus de 10 dans la Somme, le Gers, le Calvados, ou en Guadeloupe. En conséquence, cela se traduit par une place plus ou moins importante des missions dans le service public en 2022 selon les départements. En Guadeloupe ou en Guyane, environ quatre missions sur cinq sont réalisées dans le service public. Dans les Pyrénées-Orientales, le Jura, le Cher, la Corse et l’Indre, plus d’une mission sur deux prend place dans le service public. À Paris, dans les Bouches-du-Rhône et l’Oise, c’est au contraire moins d’une mission sur cinq.
Plus la part des missions réalisées dans le service public est importante, plus la part d’une génération réalisant le service civique est élevée. En effet, en moyenne, dans les départements où les jeunes ont le plus de chances de faire un service civique, 45 % des volontaires réalisent leur mission dans le service public, contre 30 % dans les départements qui ont les taux de réalisation les plus faibles. En moyenne, une augmentation d’un point de la part des volontaires dans le service public augmente de 0,2 l’indice de réalisation du service civique [figure 5, en ligne].
En fin de compte, la probabilité de réalisation du service civique est fortement liée à la situation des jeunes vis-à-vis de l’emploi et à la plus ou moins forte implication du service public dans l’accueil de missions. Ces dimensions sont d’ailleurs fortement liées, puisqu’il y a une très forte corrélation entre la part des jeunes chômeurs ou inactifs (hors formation) dans le département et la probabilité de réaliser le service civique dans le service public. En moyenne, l’augmentation d’un point du taux de chômage départemental des jeunes est associée à une augmentation de 0,4 point de probabilité de réaliser un service civique dans une structure publique. En comparaison, la probabilité de réaliser une mission dans une association augmenterait de moins de 0,1 point [figure 6, en ligne]. Les services publics se mobilisent donc davantage pour accueillir des missions de service civique dans les départements où le chômage des jeunes est plus important.
Les départements où les jeunes recourent le plus au dispositif sont donc les départements où le service civique semble être le plus mobilisé sous sa forme de politique d’insertion à destination des jeunes en difficulté. Cette dimension du service civique comme « dispositif d’insertion », en complément de la dimension « engagement citoyen », a déjà été mise en lumière [1, 5, 6]. Bien que le service civique ait été conçu comme un dispositif d’engagement, cela ne correspond pas toujours aux motivations et à l’usage qu’en font une partie des volontaires « qui y voient d’abord une activité s’insérant dans leur parcours et un moyen de subsistance » [1, p. 21]. L’étude à l’échelle des départements permet de voir l’importance de cette dimension d’insertion dans certains territoires, au sein desquels les jeunes ont le plus de chances de réaliser le service civique, mais où ils peinent également le plus à s’insérer dans le monde du travail et où le service civique est aussi mobilisé comme un moyen de développer leur expérience professionnelle.
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