Ce rapport de recherche vise à décrire, de manière résolument qualitative, les pratiques culturelles de jeunes de milieux populaires résidant dans les quartiers populaires de villes moyennes, aux abords de Paris et de Lyon – de la proche banlieue aux limites de l’agglomération. Dans les catégories analytiques et méthodologiques qu’elle convoque, elle emprunte à une riche tradition de recherche en sociologie de la culture, qu’il s’agisse des modes de réception de genres littéraires et cinématographiques ou de l’effet d’un capital culturel dans les usages et appropriations des loisirs, des années 1970 ) aux années 2010 et 2020, des travaux sur les pratiques de lecture des étudiant.e.s en école préparatoire littéraire, ou encore sur la réception des littératures de l’imaginaire (science-fiction et fantasy) parmi les jeunes adultes âgés de 20 à 30 ans.
Il s’est donc agi de construire, à travers les monographies de trois quartiers de la politique de la ville (situés à Bourgoin-Jallieu, Villejuif et Dammarie-les-Lys), qui sont autant de « tableaux » des jeunesses populaires, une vue générale et non exhaustive des pratiques culturelles d’adolescent·e·s partageant des conditions sociales et territoriales proches, en privilégiant des comparaisons internes à ce groupe social. Pour documenter les pratiques de ces adolescent·e·s aussi précisément que possible, l’étude questionne le périmètre actuel d’une définition sociologique de la « culture » : saisir le rapport de ces jeunes aux institutions culturelles et scolaires ainsi qu’aux pratiques dites « légitimes » est nécessaire, mais finalement pas suffisant pour cartographier fidèlement la galaxie de leurs pratiques. Elle tente donc d’appréhender ces pratiques indépendamment des objectifs de démocratisation qui sous-tendent les politiques culturelles, sans se contenter d’une énumération déceptive de ce qu’elles ne sont pas.
Cette recherche, enfin, aborde la culture populaire comme une culture à part entière et qui, comme toute culture, sert à poser des normes et des valeurs qui soudent le groupe social. Les chercheuses et chercheurs ont étudié comment se comportaient les différents agents de la socialisation que sont la famille, les pairs, les médias et l’école dans l’appropriation par les jeunes de normes et de valeurs.
L’enquête présente les univers culturels dans lesquels baignent les jeunes interrogés dans le domaine du sport, des médias audiovisuels, de la musique, de la lecture, des pratiques artistiques et créatives et des sorties culturelles. Elle a ainsi permis de mettre en avant la diversité de pratiques des jeunes issus de milieux populaires et de tempérer une vision par trop « univore » de leurs pratiques. Elle revient aussi sur l’opposition classique entre le savant et le populaire en mettant en lumière combien des pratiques populaires peuvent être savantes.