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L’engagement dans le cadre du collège : une affaire de bons élèves ?


À 13 ou 14 ans, plus d’un tiers des élèves se sont engagés dans le cadre du collège, soit comme délégués de classe ou au conseil de vie collégienne, soit en exerçant d’autres fonctions au bureau du foyer socio-éducatif, dans le journal du collège ou comme tuteurs d’autres élèves. Que la fonction soit élective ou non, les meilleurs élèves s’engagent toujours plus que les collégiens aux résultats plus fragiles. Par ailleurs, le fait que l’un des parents soit bénévole d’une association favorise l’implication de l’enfant dans la vie du collège et les filles s’engagent davantage que les garçons. Enfin, les descendants d’immigrés originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb sont plus fréquemment élus délégués de classe que les collégiens sans parent immigré.


L’engagement dans le cadre du collège : une affaire de bons élèves ?

 

À 13 ou 14 ans, plus d’un tiers des élèves se sont engagés dans le cadre du collège, soit comme délégués de classe ou au conseil de vie collégienne, soit en exerçant d’autres fonctions au bureau du foyer socio-éducatif, dans le journal du collège ou comme tuteurs d’autres élèves. Que la fonction soit élective ou non, les meilleurs élèves s’engagent toujours plus que les collégiens aux résultats plus fragiles. Par ailleurs, le fait que l’un des parents soit bénévole d’une association favorise l’implication de l’enfant dans la vie du collège et les filles s’engagent davantage que les garçons. Enfin, les descendants d’immigrés originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb sont plus fréquemment élus délégués de classe que les collégiens sans parent immigré.

Les premières expériences d’engagement citoyen dans le cadre du collège [encadré « Méthode »] donnent aux jeunes l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences complémentaires aux apprentissages scolaires. Qui sont les jeunes qui s’engagent ? Pour répondre à cette question, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ont interrogé un échantillon de 12 000 élèves de 13 ou 14 ans sur leurs engagements passés ou présents au collège [encadré « Source »]. Les données recueillies font apparaître un niveau d’engagement très inégal selon les résultats scolaires : les meilleurs élèves s’impliquent beaucoup plus que les collégiens aux résultats les plus fragiles.

 

À 13 ou 14 ans, plus d’un collégien sur trois s’est engagé dans le cadre du collège

Depuis leur entrée en sixième, un peu plus du tiers des collégiens (36 %) déclarent s’être impliqués dans la vie de leur établissement scolaire. Du fait de l’élection, chaque année, de deux délégués par classe, cette fonction est la forme d’engagement la plus fréquente : un quart des élèves ont été élus délégués de classe depuis leur entrée au collège. Les autres fonctions – exercées au niveau de l’établissement et non de la classe – drainent une part de collégiens quatre à cinq fois plus faible : 5 % des élèves ont fait partie de la rédaction du journal du collège, 6 % ont été délégués au conseil de vie collégienne, une proportion comparable a appartenu au bureau du foyer socio-éducatif du collège et 7 % ont été tuteurs d’un autre élève – sachant que foyer socio-éducatif, journal et tutorat ne sont pas présents dans tous les collèges.

Mandat de délégué et investissement dans d’autres fonctions sont souvent exclusifs l’un de l’autre. Sur les 36 % d’élèves qui se sont engagés dans le cadre de leur collège, seulement 7 % ont cumulé un mandat de délégué et une autre fonction ; 20 % n’ont détenu qu’un mandat de délégué tandis que 9 % d’élèves se sont investis dans la vie du collège sans être délégués de classe ou au conseil de vie collégienne.

 

METHODE

Les différentes formes d’engagement offertes au niveau du collège

L’engagement des élèves dans le cadre de leur collège est mesuré en prenant en compte cinq fonctions.

• Délégué de classe : deux titulaires et deux suppléants doivent être élus au début de chaque année scolaire pour représenter les élèves de leur classe, notamment lors des conseils de classe. Seule la fonction de délégué était mentionnée dans la question, ce qui exclut a priori les suppléants.
• Délégué au conseil de vie collégienne : présidé par le chef d’établissement, le conseil de vie collégienne est une instance de dialogue entre élèves et communauté éducative portant sur l’ensemble de la vie au collège : organisation des études, restauration, vie scolaire.
• Membre du bureau du foyer socio-éducatif du collège : le foyer socio-éducatif gère les activités périscolaires et facultatives. Son existence n’est pas obligatoire. Tous les membres de la communauté éducative – personnels, parents, élèves – peuvent en faire partie. Les jeunes de moins de 16 ans peuvent y exercer une responsabilité sous réserve de l’accord de leur responsable légal.
• Membre de la rédaction du journal du collège.
• Tuteur ou tutrice d’autres élèves.

Les questions portaient sur la détention de l’une de ces fonctions depuis l’entrée au collège. Or, l’échantillon du panel 2011 ayant été recruté au cours préparatoire, les élèves pouvaient, au moment de l’enquête, fréquenter le collège depuis deux, trois ou quatre ans (selon leurs éventuels redoublements ou sauts de classe antérieurs). Les meilleurs élèves ont ainsi d’autant plus de chances de s’engager qu’ils sont au collège depuis plus longtemps. Une variable mesurant le nombre d’années passées au collège a donc été introduite dans les modèles présentés aux tableaux 2 et 3 [disponible sur www.injep.fr, rubrique « Publications »] afin que le lien de chacune des variables prises en compte avec l’engagement soit toujours estimé à ancienneté au collège comparable.

 

Une implication d’autant plus forte que le niveau scolaire est élevé

La manière dont l’élève s’engage dans la vie du collège est très liée à son niveau d’acquis en français et mathématiques, évalué en fin de cinquième : plus celui-ci est élevé, plus il est fréquent que l’élève occupe une fonction de délégué ou un autre engagement. Ainsi, les 10 % d’élèves aux acquis les plus solides ont presque deux fois plus de chances d’avoir été élus délégués de classe que les 10 % d’élèves les plus faibles : 34 % contre 18 % [tableau 1]. Tout se passe comme si les meilleurs élèves se sentaient plus légitimes pour se porter candidats, ou apparaissaient comme tels à leurs camarades pour les représenter au conseil de classe ; l’enquête ne mesurant pas si l’élève s’est porté candidat, elle ne permet pas de privilégier l’une ou l’autre de ces hypothèses. En revanche, la relation avec le niveau d’acquis semble plus lâche pour la désignation au conseil de vie collégienne.

L’accès aux autres fonctions mesurées dans l’enquête présente un lien tout aussi marqué avec le niveau scolaire. Ainsi, les 10 % de meilleurs élèves ont trois fois plus de chances d’avoir été membres de la rédaction du journal ou tuteurs que les 10 % de collégiens les plus faibles, et deux fois plus de chances d’avoir été membres du bureau du foyer socio-éducatif.

Au collège, les meilleurs élèves sont souvent ceux qui appartiennent aux milieux sociaux les plus favorisés et les filles réussissent mieux que les garçons (Caille, 2014). Pour préciser le rôle du niveau scolaire, une analyse statistique toutes choses égales par ailleurs, permettant d’estimer le lien propre de chacune de ces caractéristiques avec l’engagement des collégiens, a été menée. Cette analyse a pris en compte l’ensemble des caractéristiques sociodémographiques et scolaires de l’élève et de son établissement scolaire susceptibles d’influer sur l’engagement au collège ; elle a été réalisée pour chacune des cinq situations d’engagement observées.

Ses résultats confirment que, quelle que soit la situation d’engagement, les meilleurs élèves s’impliquent plus. Les fonctions de délégué de classe et de membre de la rédaction du journal sont les moins sélectives scolairement : les chances d’y accéder s’accroissent, toutes choses égales par ailleurs, dès que l’élève se situe parmi les 60 % et 70 % de meilleurs élèves [tableaux 2 et 3, disponible sur www.injep.fr, rubrique « Publications »]. L’appartenance au bureau du foyer socio-éducatif ou le tutorat sont plus sélectifs : seuls les 40 % de meilleurs élèves ont une probabilité plus forte de s’engager dans de telles fonctions. Dans tous les cas, faire partie des 10 % de meilleurs élèves plutôt que des 10 % des collégiens les plus faibles est toujours associé à des écarts importants : à autres caractéristiques comparables, la probabilité de devenir délégué de classe est plus élevée de 12 points, celle d’être tuteur de 6 points 1.

 

Les collégiens dont les parents sont bénévoles s’impliquent davantage

Le choix de s’engager au collège n’est pas indépendant du rapport des parents aux associations. Les 20 % de collégiens dont les parents sont bénévoles dans une association s’impliquent plus fréquemment, quelle que soit la fonction. Ainsi, 31 % des enfants de bénévoles ont été délégués de classe contre 24 % des autres collégiens et 20 % ont exercé une fonction non élective contre 15 %.

Cette situation persiste à autres caractéristiques comparables. C’est pour l’appartenance au conseil de vie collégienne qu’elle est proportionnellement la plus marquée : avoir un parent bénévole augmente de 3 points les chances d’y accéder [tableau 3]. Pour les autres fonctions, les collégiens dont un des parents est bénévole se distinguent toujours significativement des autres élèves : leur probabilité d’être délégué de classe augmente de 5 points ; celle de participer au journal ou comme tuteur de 2 points [tableaux 2 et 3]. Ces résultats confirment le rôle important de la transmission familiale dans le choix de s’engager (Prouteau, 2018).

 

Les filles s’engagent légèrement plus que les garçons

Les filles manifestent au collège un engagement plus soutenu que les garçons. Ainsi, 27 % d’entre elles sont élues déléguées de classe contre seulement 24 % des garçons. De même, 18 % des filles détiennent au moins une fonction non élective contre 14 % des garçons ; les filles participent plus à la rédaction du journal et au tutorat, mais aucune différence significative n’apparaît pour le foyer socio-éducatif.

Cette implication plus forte des filles est confirmée à autres caractéristiques comparables. Les écarts sont cependant ténus : les choix d’engagement des collégiens sont donc davantage liés aux résultats scolaires qu’au fait d’être une fille plutôt qu’un garçon.

 

À autres caractéristiques comparables, les différences de milieu social jouent peu

Les collégiens de milieux plus favorisés s’engagent plus fréquemment : 30 % des enfants de cadres, mais seulement 21 % de ceux d’ouvriers non qualifiés ont été élus délégués de classe ; 9 % des premiers ont été tuteurs contre 5 % des seconds. Des disparités de même ampleur sont observées en considérant les niveaux de revenus ou de diplôme des parents. L’accès au bureau du foyer ou au journal du collège fait apparaître des écarts moindres et aucun écart significatif ne se dégage pour l’appartenance au conseil de vie collégienne.

Mais à niveau scolaire et autres caractéristiques comparables, le niveau d’engagement des collégiens varie peu selon leur milieu social. Seuls deux effets subsistent. D’une part, les élèves ont plus de chances d’être élus délégués de classe si leurs parents disposent de revenus élevés ou sont diplômés de l’enseignement supérieur. D’autre part, les collégiens ont d’autant plus tendance à devenir tuteurs que leurs parents sont diplômés.

 

SOURCE

L’enquête sur les activités des jeunes en dehors du collège

Cette étude s’appuie sur les résultats de l’enquête sur les activités des jeunes en dehors du collège, réalisée par l’INJEP et la DEPP qui ont interrogé 14 632 élèves, d’avril à août 2019, sur leurs activités dans quatre domaines : le sport, l’engagement associatif, les vacances et le travail scolaire à la maison. 13 179 des collégiens interrogés ont répondu à l’enquête en fournissant une réponse exploitable, ce qui porte le taux de réponse à 90,1 %. Cette enquête s’insère dans le dispositif du panel d’élèves recruté au cours préparatoire en 2011 et suivi depuis cette date par la DEPP. Au moment où ils ont été interrogés, les collégiens avaient de 13 à 14 ans et étaient pour la plupart en classe de quatrième. Seuls les répondants dont les parents avaient répondu à l’enquête Famille de 2012 du panel 2011 ont été retenus dans la population d’intérêt, soit 12 258 élèves. Une pondération a été calculée pour que ces élèves soient représentatifs de l’ensemble des élèves entrés pour la première fois au cours préparatoire en septembre 2011. La présente étude ne porte que sur 12 243 élèves, car 15 élèves de l’échantillon, scolarisés à domicile ou en institut médicopédagogique, n’ont jamais été scolarisés au collège.

 

Les descendants d’immigrés ont une probabilité plus forte de devenir délégués de classe

Les collégiens descendants d’immigrés originaires du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne deviennent plus souvent délégués de classe que les autres élèves : respectivement 28 % et 33 % des premiers ont été délégués contre seulement 25 % des enfants sans parent immigré et 20 % des descendants d’immigrés asiatiques. Les élèves originaires d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb accèdent aussi plus souvent au conseil de vie collégienne.

Cette situation, observée aussi dans les lycées (CNESCO, 2018), se retrouve à autres caractéristiques comparables : en particulier, les chances des descendants d’immigrés issus d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb d’être élus délégués de classe sont supérieures de respectivement 10 et 7 points à celles des autres collégiens [tableau 2]. Un tel résultat pourrait refléter une propension plus grande de ces collégiens à se porter candidats ou un effet de composition des classes : là où ils constituent une part importante des élèves, les descendants d’immigrés auraient tendance à élire un délégué de même origine. Toutefois, il n’est pas possible de vérifier ces hypothèses, l’enquête mobilisée ne comprenant pas d’informations sur les élèves s’étant présentés à l’élection ni sur la composition des classes ou des établissements selon l’origine.

 

Le type de classe et d’établissement affecte les opportunités d’engagement

Selon la classe et le collège qu’ils fréquentent, les élèves bénéficient d’opportunités d’engagement différentes. Des délégués étant élus dans toutes les classes, un élève a plus de chances d’être élu dans une classe plus petite. Aussi, les élèves de SEGPA 2 et en REP+ 3 – dont les classes ne dépassent pas respectivement 16 et 23 élèves – deviennent plus souvent délégués de classe que les autres.

Concernant les fonctions non électives, le contexte scolaire affecte principalement la participation au bureau du foyer. Les élèves fréquentant un collège en REP+ ont, toutes choses égales par ailleurs, une probabilité plus élevée d’y participer que les autres collégiens (+ 4 points). À l’inverse, cette probabilité est moindre pour les élèves du privé que pour ceux du public (- 7 points). Cet écart pourrait refléter des disparités d’offre : il est possible que l’instauration d’un foyer socio-éducatif soit moins généralisée dans le secteur privé que dans le public – hypothèse que les données utilisées ne permettent pas de vérifier.

1. Dans cette étude, l’engagement des collégiens est mesuré à partir de fonctions de fréquences très inégales : 25 % de délégués de classe, seulement 7 % de tuteurs. Aussi, les écarts nets présentés aux tableaux 2 et 3 sont comparables quand ils portent sur une même fonction, mais pas sur des fonctions différentes.
2. Les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) accueillent des élèves présentant des difficultés scolaires qui ne leur permettent pas de suivre le cursus général.
3. Les collèges classés en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) accueillent les élèves des quartiers connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales et scolaires.

 

Sources bibliographiques

• Caille J.-P., « Les transformations des trajectoires au collège : des parcours plus homogènes, mais encore très liés au passé scolaire et à l’origine sociale », Éducation et formations, n° 85, novembre 2014.
• CNESCO, Engagements citoyens des lycéens. Enquête nationale réalisée par le CNESCO, rapport scientifique, 2018.
• Prouteau L., Bénévolat et bénévoles en France en 2017. État des lieux et tendances, rapport de recherche, Centre de recherche sur les associations, octobre 2018.