Cette enquête entend combler un déficit de connaissances concernant les jeunesses populaires contemporaines et donner à voir, au travers de la question circonscrite du rapport à la culture et aux savoirs légitimes, comment se construisent au quotidien les inégalités sociales au sein de la jeunesse. Cette enquête explore un aspect méconnu de la sociologie : les figures d’intellectualité de la jeunesse au sein des quartiers populaires en France. En enquêtant sur l’intellectualité depuis les marges, cette étude a une visée double : elle entend contribuer à la sociologie de la culture dans la variété de ses formes, légitimes et illégitimes, et à la sociologie des jeunes des classes populaires, dans une perspective renouvelée, en se centrant sur les figures d’intellectualité auxquelles ces deux domaines de la sociologie prêtent peu d’attention.
En étudiant le rapport de jeunes habitant.e.s de quartiers populaires à la culture et au politique dans une approche qualitative, l’objectif est d’analyser les formes savantes de la culture populaire, appropriées et renouvelées par les jeunes, à travers notamment le cas des « têtes » de quartier, pour la plupart issues du quartier et qui y sont restées. L’intellectualité populaire définie comme processus d’appropriation de savoirs et travail réflexif sur soi est étudiée en actes et dans les manières dont elle s’incarne dans des relations sociales localisées. Cette étude offre, plus largement, une approche originale des inégalités sociales (de classe, ethnoraciales et de sexe), saisies empiriquement dans leur contexte d’actualisation, en prêtant attention aux types de ressources distinctives héritées et mobilisées par « en bas », au rôle des institutions et de l’action publique, aux sociabilités et à la dimension spatiale des rapports de pouvoir.