Environ un cinquième des missions de service civique sont rompues de manière anticipée. Ces ruptures répondent à des logiques variées : 36 % des ruptures sont liées au projet professionnel du volontaire (une embauche ou une reprise d’études) tandis que 24 % ont lieu à cause d’un abandon ou d’une faute au cours de la mission. La diversité des profils des volontaires se reflète dans ces situations : les demandeurs d’emploi rompent plus souvent leur mission à la suite d’une embauche, les volontaires les moins diplômés sont plus souvent concernés par des ruptures liées à des difficultés en cours de mission, alors que les étudiants, plus rarement concernés, mettent plus souvent fin à leur engagement pour se recentrer sur leurs études.
ÉVOLUTION DU PROJET PROFESSIONNEL, DIFFICULTÉS DURANT LA MISSION…
Environ un cinquième des missions de service civique sont rompues de manière anticipée. Ces ruptures répondent à des logiques variées : 36 % des ruptures sont liées au projet professionnel du volontaire (une embauche ou une reprise d’études) tandis que 24 % ont lieu à cause d’un abandon ou d’une faute au cours de la mission. La diversité des profils des volontaires se reflète dans ces situations : les demandeurs d’emploi rompent plus souvent leur mission à la suite d’une embauche, les volontaires les moins diplômés sont plus souvent concernés par des ruptures liées à des difficultés en cours de mission, alors que les étudiants, plus rarement concernés, mettent plus souvent fin à leur engagement pour se recentrer sur leurs études.
Le service civique propose aux jeunes de 16 à 25 ans de réaliser une mission d’intérêt général auprès d’associations ou de structures publiques (collectivités territoriales, services de l’État ou établissements publics). Chaque année, plus de 80 000 jeunes démarrent une mission de service civique dont la durée peut varier de six mois à un an : en 2022 et 2023, elles duraient en moyenne sept mois [1].
Toutefois, plus d’une mission sur cinq est interrompue avant la date de fin initialement prévue. Quelles sont les missions les plus concernées par ces fins anticipées ? Les motifs de rupture sont-ils les mêmes selon le profil des volontaires et des structures d’accueil ? De quelle manière les perceptions du service civique par les jeunes et les organismes, ainsi que leurs attentes, peuvent-elles influencer ces ruptures ?
Sources
Afin de mieux saisir les configurations pouvant conduire à une fin de mission anticipée, l’INJEP et l’Agence du service civique (ASC) ont réalisé une étude croisant différentes sources et méthodologies.
Les données de l’extranet local pour l’indemnisation et le suivi des accueils de volontaires en service civique (ELISA), produites par l’ASC et l’Agence de services et de paiement (ASP), constituent la première source. Elles regroupent des informations sur les profils des volontaires, les caractéristiques de leurs missions et les types de structures d’accueil. En cas de fin de mission anticipée, le motif de la rupture y est renseigné par la structure d’accueil.
En complément, une enquête par entretiens a été menée auprès d’anciens volontaires ayant interrompu leur mission ainsi que de structures ayant dû gérer des fins anticipées. Vingt-huit volontaires (sélectionnés à partir d’ELISA pour assurer une diversité des profils et des motifs de fin anticipée) ont été sollicités pour des entretiens semi-directifs. Côté structures d’accueil, deux focus groups ont été mis en place avec les représentants de neuf structures associatives et de huit organismes publics, couvrant les principaux domaines de missions.
Troisième source : l’enquête réalisée par l’ASC auprès des volontaires de 2023 un mois après leur mission. Elle permet de mieux caractériser leur niveau de satisfaction, la façon dont ils ont vécu leur service civique ainsi que leurs recommandations pour améliorer le dispositif. En 2023, 75 178 anciens volontaires ont été contactés ; 9 912 ont répondu, soit un taux de réponse de 13,2 %. Les missions interrompues représentent 1 510 questionnaires remplis.
D’après les données de gestion issues d’ELISA [encadré « Sources », p. 2], en 2022 et 2023, 22,5 % des missions ont été rompues, c’est-à-dire que la structure d’accueil ou le volontaire y ont mis fin avant la date initialement prévue. Au moment de la rupture, l’organisme qui accueille le volontaire renseigne dans ELISA le motif de la fin anticipée selon dix catégories pouvant être réparties en quatre groupes (rupture de commun accord, rupture pour projet professionnel, rupture pour abandon ou faute, et autres motifs) [figure 1, p. 2, et encadré « Zoom sur »].
Le motif le plus souvent mobilisé est celui d’un « commun accord entre les parties » (33 % des ruptures) qui peut être appréhendé comme une forme de démission assortie d’un préavis d’un mois [encadré « Zoom sur »]. Les abandons ou les fautes commises par l’une des parties au cours de la mission représentent 24 % des ruptures : près d’une mission rompue sur cinq fait l’objet d’un abandon (19 %) ou d’une non-prise de poste (1 %) par le volontaire, tandis que les « fautes graves de l’une des parties » concernent 4 % des ruptures. Contrairement aux fins de mission anticipées renseignées comme des ruptures de « commun accord entre les parties », les « abandons de poste » et « fautes graves d’une des parties » prennent effet immédiatement, sans préavis.
Un peu plus d’un tiers des ruptures est motivé par le projet professionnel du volontaire : 24 % des fins anticipées résultent d’une embauche en CDD ou en CDI et 12 % sont liées à une reprise d’études ou de formation. Enfin, 7 % des missions sont rompues pour des raisons indépendantes du volontaire et des conditions de réalisation (cas de force majeure, retrait d’agrément ou fin de validité du titre de séjour).
Les missions réalisées dans des établissements publics (principalement constitués des agences de France Travail, qui représentent les deux tiers des missions des établissements publics) sont beaucoup plus souvent rompues que les autres. À l’inverse, celles réalisées dans un service de l’État (tel que le ministère de l’éducation nationale, qui accueille à lui seul 20 % des volontaires en service civique) sont plus souvent menées jusqu’à l’échéance prévue.
On observe également plus de fins anticipées dans le domaine de la solidarité (domaine fortement développé dans les établissements publics et à France Travail). En revanche, les missions réalisées dans le domaine du sport sont moins souvent rompues.
Selon l’enquête de l’Agence du service civique auprès des volontaires, réalisée un mois après la fin de leur mission [encadré « Sources »], les missions interrompues sont logiquement associées à des niveaux de satisfaction inférieurs à la moyenne (56 % des volontaires dont la mission a pris fin avant la date initialement prévue se déclarent « satisfaits » ou « très satisfait » de leur service civique, contre 87 % pour l’ensemble des volontaires), notamment en ce qui concerne l’accompagnement de la part du tuteur (désigné par la structure d’accueil pour préparer le volontaire à sa mission et en assurer le bon déroulement), le niveau d’autonomie et la nature des activités à réaliser dans le cadre du service civique [figure 2, en ligne et tableau 2].
Les missions de service civique rompues prennent fin au bout de quatre mois en moyenne, soit environ à mi-parcours de leur durée initialement prévue. La probabilité de rupture varie fortement selon la durée prévue de la mission : 35 % des missions programmées pour douze mois sont rompues, contre 22 % de celles de six mois. Par ailleurs, le moment de lancement de la mission de service civique influe également sur le risque de rupture : les missions débutant au printemps (mars à mai) présentent un taux de rupture supérieur à 35 %, alors que celles commencées en septembre ou octobre sont rompues dans moins de 19 % des cas. Ces différences s’expliquent en partie par la saisonnalité du dispositif, très liée au calendrier scolaire et universitaire.
La question du franchissement du seuil de six mois — durée à partir de laquelle le service civique est considéré comme « validé » — joue un rôle stratégique pour certains volontaires. Certains choisissent d’interrompre leur mission avant cette échéance pour pouvoir candidater à une nouvelle mission, tandis que d’autres tiennent à dépasser cette durée pour faire reconnaître leur engagement malgré une expérience parfois insatisfaisante. Ces arbitrages révèlent des usages différenciés du service civique, en tension entre valorisation de l’expérience acquise et préservation de la possibilité de réengagement.
Zoom sur
Les motifs de rupture de mission
Selon l’article L 120-16 du Code du service national, un contrat de service civique peut être interrompu avec ou sans préavis. La rupture immédiate, sans préavis, est possible en cas de force majeure, c’est-à-dire un événement extérieur et imprévisible, comme la dissolution de l’association ou l’inondation des locaux. Dans ces cas de figure, les motifs à saisir dans ELISA incluent « Force majeure », « Retrait de l’agrément » et « Fin de validité du titre de séjour ». Une faute grave (le vol, la violence ou l’abandon de poste par exemple) permet également une rupture immédiate, sous les motifs « Abandon de poste », « Faute grave » et « Le volontaire n’a jamais pris son poste ». Enfin, une « Embauche en CDD d’au moins 6 mois ou CDI » justifie également une rupture sans préavis.
Les autres situations nécessitent un préavis d’un mois, durant lequel le volontaire continue sa mission et reçoit son indemnité. La rupture est signalée sur ELISA sous les motifs « Embauche en CDD de moins de 6 mois », « Commun accord » ou « Reprise d’études ».
Le « Commun accord » est difficile à caractériser à partir des données d’ELISA, mais les entretiens et focus groups semblent indiquer qu’il s’agit souvent d’une inadéquation entre le volontaire et la mission ou la structure d’accueil. Les organismes évoquent un manque d’engagement ou des difficultés d’intégration, tandis que les volontaires expriment une déception face au contenu de la mission et aux conditions de travail, notamment un accompagnement insuffisant.
Bien que plus encadrées qu’un abandon de poste, les ruptures de commun accord couvrent parfois des situations assez similaires, mais ne concernent pas les mêmes volontaires : d’après les données ELISA, les étudiants rompent plus souvent d’un commun accord, tandis que les jeunes les plus éloignés de l’emploi ont plutôt tendance à abandonner leur mission. Selon les entretiens, dans les deux cas, le sentiment d’inutilité, le manque de tâches significatives à réaliser durant la mission et le tutorat défaillant semblent déterminants dans la rupture de mission.
Les volontaires en recherche d’emploi au début de leur service civique ont plus souvent tendance à utiliser ce dispositif comme une solution d’attente avant de trouver un emploi plus durable [2, 3]. Ils interrompent plus fréquemment leur mission : 29 % des missions démarrées par les jeunes demandeurs d’emploi prennent fin de manière anticipée (contre 22,5 % en moyenne). Ces interruptions sont plus souvent motivées par l’accès à un emploi offrant davantage de stabilité et une meilleure rémunération : 29 % des ruptures des demandeurs d’emploi sont en effet liées à une embauche [tableau 1].
Les missions interrompues en lien avec un projet professionnel sont d’ailleurs celles où les niveaux de satisfaction déclarés lors de l’enquête de l’ASC un mois après la fin de la mission sont les plus élevés : 82 % des volontaires concernés se disent satisfaits (52 % très satisfaits et 30 % satisfaits) [figure 2]. Le principal motif d’insatisfaction est lié à l’indemnité jugée trop faible pour 35 % d’entre eux (contre 21 % pour l’ensemble des missions rompues et 23 % des missions dans leur ensemble) [tableau 2].
Les étudiants réalisent plus souvent que les autres volontaires leur mission de service civique par volonté de contribuer à l’intérêt général [4]. Ils interrompent plus rarement leur mission de service civique (16 % de missions rompues) et, lorsque c’est le cas, la rupture est plus souvent renseignée comme une « reprise d’études » ou un « commun accord entre les parties » [tableau 1].
Au contraire, les inactifs (hors étudiants), moins diplômés que la moyenne des volontaires, sont souvent orientés vers le dispositif par des structures d’aide à l’insertion socioprofessionnelle comme les missions locales ou France Travail. Le service civique est alors mobilisé comme un moyen de développer l’employabilité des jeunes [5], en réalisant des missions le plus souvent accueillies au sein de structures publiques1.
Bien que leur taux de rupture soit dans la moyenne, leurs motifs de départ sont plus souvent renseignés en « abandon de poste » ou « faute grave d’une des parties », ce qui renvoie à des expériences très négatives. D’après l’enquête menée un mois après la fin de mission, ces ruptures sont associées aux niveaux de satisfaction les plus faibles (24 % si on cumule les « satisfaits » et les « très satisfaits »), cette insatisfaction étant souvent liée à la mauvaise qualité de l’accompagnement par le tuteur. Lors d’entretiens semi-directifs [encadré « Sources »], les volontaires ayant vécu ce type de rupture évoquent systématiquement des tensions avec leur encadrant pour expliquer l’arrêt de leur mission. De leur côté, les organismes interrogés lors de focus groups [encadré « Sources »] estiment que les ruptures les plus problématiques sont dues à des difficultés en termes de « savoir-être » de la part des volontaires (manque de ponctualité, de respect des règles ou de motivation notamment), ce qui entraîne très souvent des situations de conflit avec le tuteur et peut conduire à une rupture de mission sans préavis.
1. Le lien entre inactivité ou chômage, réalisation du service civique et offre de missions dans le secteur public a par ailleurs été étayé à l’échelle des départements [6].
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