Tenir au travail

Implantées massivement sur les territoires ruraux de la Loire, les Maisons des jeunes et de la culture (MJC) sont confrontées à des départs précipités de directeurs et coordinateurs, des arrêts de travail pour maladie professionnelle et des burn-out répétés. Dans ce contexte, la recherche cherche à mieux comprendre les raisons de ces troubles et fatigues professionnelles, et surtout, en se centrant sur ceux et celles qui restent à leur poste, d’analyser comment et pourquoi ils et elles tiennent au quotidien. Le champ professionnel de l’éducation populaire, marqué par une valorisation de l’engagement militant et un contexte économique et institutionnel en pleine évolution apparaît particulièrement éprouvant pour les cadres salariés en fonction de direction. Fondée sur une enquête qualitative, la recherche identifie et restitue les épreuves vécues au quotidien par les cadres, ce qu’elles leur font vivre et les manières dont ils réagissent et font face au quotidien.

L’enquête s’intéresse donc à l’expérience des cadres des MJC, en lien avec une organisation associative et des équipes de travail, tout en la resituant dans une organisation, un réseau associatif et plus largement dans un ensemble de processus incluant une transformation du travail, la professionnalisation des salariés, la précarisation des animateurs, la montée en charge des fonctions d’administration, de gestion et de management au sein des associations d’éducation populaire, le désengagement financier de l’État, les effets de la nouvelle gestion publique et l’extension de la logique de projet. Les cadres se sentent à la fois très seuls dans leur quotidien, s’inscrivant de fait dans une forme répandue d’individualisation du travail, ce que donnent à voir les épreuves de la multi-activité, de la performance, de l’autonomie, mais aussi de la responsabilité. Pourtant, ces mêmes cadres sont pris dans un collectif dont ils assument la responsabilité et leur travail se révèle alors comme un système d’interactions et de contraintes complexes. Les épreuves administrative et financière, de l’humain et des valeurs permettent de saisir la dimension collective dans lesquelles les subjectivités s’inscrivent. Cette typologie permet enfin de cerner l’expérience des cadres dans sa globalité et de l’explorer dans le détail sans toutefois l’épuiser.