Le 23 octobre 2019, le Gouvernement annonçait une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants, définis comme les « personnes qui viennent en aide de manière régulière et fréquente, a` titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d’une personne en perte d’autonomie, du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap. » Cette stratégie est articulée autour de six priorités, notamment celle d’épauler les « jeunes aidants » (priorité 6). Dans un contexte de développement de la recherche sur les proches aidants, la spécificité de l’aidance portée par des mineurs et jeunes majeurs reste cependant mal connue.
L’objectif de la recherche sur les Trajectoires et socialisations de jeunes aidantes (TraJAid) analysée dans ce rapport est de mieux connaître leurs expériences, d’en étudier les répercussions sur leurs trajectoires et leurs socialisations, et d’observer leurs évolutions au passage à l’âge adulte. Afin d’éviter une vision de la question centrée sur l’adulte, l’enquête se focalise sur l’expérience de 22 jeunes – qui sont des filles à une exception près, âgées de 17 à 26 ans –, et sur leur point de vue, à partir de leur récit et du sens qu’elles lui donnent. L’approche qualitative ouvre une double perspective : rétrospective et prospective.
D’une part, la jeune aidance est pluridimensionnelle (physique, relationnelle, comportementale, domestique et morale). Elle est aussi partagée au sein de la cellule familiale mais reste majoritairement une affaire de femmes. Le voile de naturalité dont elle est recouverte se déchire avec la fréquentation des pairs : les jeunes aidantes ne sont pas tout à fait des jeunes comme les autres. Elles doivent jongler entre temps familial, scolaire, amical et temps de l’aidance, tout en portant une charge mentale singulière.
D’autre part, leur sentiment d’une maturité précoce et d’un sens des responsabilités infléchit leurs choix en termes d’orientation à la fin du lycée et colore leurs aspirations. Cela influe aussi sur les étapes de leur transition vers l’âge adulte, l’autonomie résidentielle et la conjugalité en particulier. Ce sens des responsabilités est aussi mis en acte dans la sphère publique. Les jeunes aidantes mettent en mouvement leur « concernement » par des engagements entendus comme réponses vers les autres, sous la forme politique, militante et/ou professionnelle.
L’émergence d’une catégorie d’action publique des « jeunes aidants » s’effectue en calquant celle des aidants adultes alors que les contours de la jeune aidance et ses effets apparaissent spécifiques. Les besoins que ces situations engendrent sont encore largement à définir pour l’action publique. Les engagements (militants, politiques, professionnels) dont les jeunes aidantes font preuve sont une indication de leur volonté d’y contribuer.