Au cours de leur dernière année de formation, en 2017, 38 % des étudiants diplômés de l’enseignement supérieur court déclaraient vivre chez leurs parents ou un membre de leur famille, contre 20 % de ceux diplômés de l’enseignement supérieur long. Vivre chez ses parents est bien plus fréquent pour les étudiants originaires des milieux modestes ou des villes-centres et d’Île‑de‑France, traduisant un phénomène très différencié socialement et géographiquement. Les étudiants cohabitant avec leurs parents ont par ailleurs des trajets plus longs pour se rendre sur leur lieu d’études (plus d’une heure pour un quart de ceux diplômés du supérieur long par exemple). La cohabitation tend enfin à se prolonger au-delà des études pour les moins diplômés : la moitié des jeunes diplômés du supérieur court qui habitent chez leurs parents lors de leur dernière année d’études continuent à le faire au cours de leurs trois premières années de vie active.
Au cours de leur dernière année de formation, en 2017, 38 % des étudiants diplômés de l’enseignement supérieur court déclaraient vivre chez leurs parents ou un membre de leur famille, contre 20 % de ceux diplômés de l’enseignement supérieur long. Vivre chez ses parents est bien plus fréquent pour les étudiants originaires des milieux modestes ou des villes-centres et d’Île‑de‑France, traduisant un phénomène très différencié socialement et géographiquement. Les étudiants cohabitant avec leurs parents ont par ailleurs des trajets plus longs pour se rendre sur leur lieu d’études (plus d’une heure pour un quart de ceux diplômés du supérieur long par exemple). La cohabitation tend enfin à se prolonger au-delà des études pour les moins diplômés : la moitié des jeunes diplômés du supérieur court qui habitent chez leurs parents lors de leur dernière année d’études continuent à le faire au cours de leurs trois premières années de vie active.
Plusieurs facteurs influent sur les situations de cohabitation des jeunes chez leurs proches au cours de leur dernière année d’études, ainsi que sur la manière dont ils décohabitent. Les origines sociale ou géographique, mais aussi l’âge, le sexe ou les cursus font varier considérablement les situations. À partir d’une exploitation de l’enquête « Génération 2017 », qui a interrogé en 2021 les sortants du système éducatif au cours de l’année 2016-2017 [encadré « Méthode »], l’INJEP complète ainsi les connaissances en matière de cohabitation et de décohabitation des jeunes [1, 2].
Méthode
L’enquête « Génération 2017 » du CEREQ
L’enquête « Génération 2017 » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) a été collectée entre août 2020 et mars 2021 auprès d’un échantillon représentatif de jeunes « primo-sortants » du système éducatif en France entre octobre 2016 et décembre 2017. Il s’agit de jeunes n’ayant jamais interrompu leurs études pendant dix-sept mois ou plus avant l’année scolaire 2016-2017, et n’ayant pas repris leurs études pendant les seize mois qui ont suivi l’entrée sur le marché du travail. L’enquête enregistre 25 164 répondants.
Les enquêtes « Génération » visent à interroger des jeunes sortis du système éducatif français une même année, quel que soit leur niveau ou leur secteur de formation, trois et six ans après l’arrêt de leurs études. Cette méthodologie permet notamment de rendre compte des parcours d’insertion professionnelle et de décohabitation des jeunes pendant leurs premières années de vie active.
Spécialiste des questions de jeunesse, l’INJEP a contribué à la construction d’une extension thématique de l’enquête « Génération 2017 » à propos du logement. Ce nouveau module comprend dix-huit questions, qui visent à mieux connaître le type d’hébergement, le statut d’habitation, l’éloignement à l’établissement de formation ou l’entreprise, le lieu de résidence, la mobilité résidentielle, le souhait de décohabitation, les éventuelles difficultés d’accès ou de paiement du logement rencontrées, la connaissance et le recours à des aides au logement lors de l’année 2016-2017.
Trois grands types de sortants de l’enseignement supérieur se distinguent clairement : les sortants sans diplôme, les diplômés du supérieur court (bac + 2/+ 3) et les diplômés du supérieur long (bac + 4/+ 5/+ 8) [3]. Ces groupes ont des caractéristiques très différentes en termes d’origine sociale, d’âge, mais aussi de cohabitation : si 52 % des non-diplômés du supérieur sont cohabitants à la fin de leurs études, ce n’est le cas que de 38 % des diplômés du supérieur court et de 20 % des diplômés du supérieur long [graphique 1].
D’une manière générale, les étudiants1 sortant de cursus courts sont plus nombreux à résider chez leurs parents ou un membre de leur famille (« cohabiter »). Ainsi, 50 % des sortants en bac + 2 et 45 % des étudiants qui sortent en licence sont cohabitants, contre 22 % des sortants de master et 6 % des sortants de doctorat. Ces résultats, très liés à l’âge et à l’origine sociale des étudiants, se vérifient toutes choses égales par ailleurs. L’écart net2 de cohabitation entre les sortants de bac + 2 et les sortants de master est de 16 points [tableau 1, en ligne].
Outre le niveau de diplôme obtenu à la sortie des études, les bacheliers professionnels ou technologiques ont plus de chances de résider chez leurs parents à la fin de leur formation que les titulaires d’un bac général. Les détenteurs d’un bac professionnel ou technologique sont respectivement 52 % et 45 % à cohabiter à la fin de leurs études, contre 25 % des personnes qui ont obtenu un bac S. À autres caractéristiques égales, cet écart de cohabitation au cours de la dernière année d’études reste important : 11 points de pourcentage séparent les titulaires d’un bac S et les bacheliers professionnels.
De la même façon, les étudiants issus des classes populaires sont plus susceptibles de cohabiter au cours de leur dernière année d’études que les enfants de cadres. 41 % des étudiants dont le père est ouvrier et 39 % de ceux dont le père est employé résident chez leurs parents à la fin de leurs études, contre 27 % des étudiants dont le père occupe une fonction de cadre. À autres caractéristiques équivalentes, les écarts entre milieux sociaux en ce qui concerne la cohabitation demeurent très significatifs.
Le lieu de domicile des parents et les tensions locales sur le marché du logement (en termes d’offre et de prix qui rendent difficile l’accès à une résidence autonome), la structuration des transports en commun (qui facilitent plus ou moins les déplacements) et l’offre de formation supérieure sur place jouent un rôle très important sur la cohabitation [4].
Ainsi, les étudiants dont les parents résident en Île-de-France ont deux fois plus de chances de cohabiter (66 %) que ceux dont les parents vivent hors d’Île-de-France (28 %) [graphique 2]. À autres caractéristiques équivalentes, cet écart serait toujours de 30 points. Le taux de cohabitation en Île-de-France est particulièrement fort pour les diplômés du supérieur long. Environ un cohabitant sur deux sortant diplômé du supérieur long vit chez ses parents en Île-de-France pendant sa dernière année d’études, contre seulement un quart des cohabitants sortant diplômés du supérieur court ou sans diplôme [tableau 2, en ligne].
Au-delà de l’Île-de-France, la cohabitation à la fin des études est un phénomène qui s’observe bien plus souvent dans les agglomérations où se situent les offres de formation les plus développées [5]. Les étudiants dont les parents habitent dans les villes-centres3 ou en banlieue ont plus tendance à rester vivre chez leur famille jusqu’à leur sortie d’études (respectivement 36 % et 49 % de cohabitants dans ces zones géographiques), alors que les étudiants dont les parents résident dans les plus petites villes ou en milieu rural cohabitent beaucoup moins (27 % dans les villes isolées et 21 % hors unité urbaine). Les écarts observés restent très significatifs à autres caractéristiques égales [tableau 1, en ligne].
Si leurs parents résident donc plus souvent dans les zones urbaines concentrant les lieux de formation, les cohabitants sont en moyenne plus éloignés de leur lieu d’études que les décohabitants et ont des temps de trajet plus importants pour se rendre sur leur lieu de formation. 76 % des étudiants décohabitants résident à moins de 30 minutes de leur lieu de formation, contre 43 % des cohabitants. Cet écart est observable quel que soit le niveau de diplôme obtenu à la sortie. En moyenne et en fin d’études, 6 % des décohabitants résident à plus d’une heure de leur lieu de formation, mais ce taux monte à 18 % pour les cohabitants sortant diplômés du supérieur court, 21 % pour les cohabitants sortant sans diplôme et 25 % pour les cohabitants sortant diplômés du supérieur long [graphique 3].
Cet éloignement du lieu de formation peut constituer un frein à la réussite des études [6], même si ce facteur ne constitue bien sûr pas le seul déterminant de « l’échec » universitaire. Sans qu’on puisse établir de lien de causalité, les cohabitants semblent avoir plus de difficultés à accéder au diplôme que les autres : alors que 73 % des décohabitants sortent diplômés de leurs études, ce taux passe à 57 % pour les cohabitants.
Comprendre
Cohabitation et trajectoires de décohabitation
Les personnes considérées ici comme « cohabitantes » ont déclaré vivre chez leurs parents ou un membre de leur famille tout au long de leur dernière année d’études (pendant leur période de formation et, le cas échéant, pendant leur période en entreprise). Les décohabitants sont, à l’inverse, les jeunes qui ont déclaré avoir vécu hors de chez leurs parents ou un membre de leur famille pendant leur dernière année de formation. Les situations de semi-cohabitation, fortement représentées parmi les étudiants [1], ne peuvent pas être distinguées à partir des données de l’enquête « Génération ».
Les calendriers de cohabitation de l’enquête « Génération 2017 » ont été mobilisés afin de dresser une typologie de trajectoires de décohabitation au cours des trois années qui suivent la fin de la formation. L’analyse de séquences permet de distinguer les trajectoires de cohabitation ininterrompue durant les trois ans (42 %), celles marquées par une décohabitation rapide (au cours des six premiers mois suivant la fin des études) et durable (34 %) et celles caractérisées par une décohabitation retardée ou précaire, réalisée en plusieurs épisodes de décohabitation-recohabitation (24 %).
Posséder un diplôme constitue le premier facteur d’insertion favorable sur le marché du travail pour les jeunes [7]. Au cours des trois ans qui suivent la fin de la formation, les étudiants aux parcours longs et généraux accèdent beaucoup plus rapidement à l’emploi stable et durable que les diplômés du supérieur court ou que les sortants sans diplôme du supérieur (49 %, contre 36 % et 21 %) [3]. En conséquence, les cohabitants durant leur dernière année d’études, sortant plus fréquemment de l’enseignement supérieur sans diplôme, connaissent des trajectoires d’insertion plus difficiles que les décohabitants. Celles-ci sont moins marquées par un accès rapide et durable à l’emploi stable (35 % contre 40 %), mais le sont davantage par un chômage persistant ou récurrent (8 % contre 5 %).
L’accès à un logement est un autre déterminant essentiel de l’insertion professionnelle. Près d’un cinquième des étudiants sortant de l’enseignement supérieur en 2017 déclare avoir limité sa zone de recherche d’emploi faute d’accès à un logement, dans des proportions équivalentes pour les cohabitants et les décohabitants. Cette proportion est toutefois plus forte parmi les jeunes décohabitants non-diplômés (29 %) [tableau 2, en ligne].
La décohabitation, au même titre que l’insertion professionnelle, peut être considérée comme une composante parmi d’autres de la transition vers l’âge adulte [8]. Au cours de leur dernière année d’études, 27 % des cohabitants auraient souhaité quitter le domicile parental. Les diplômés du supérieur court déclarent moins vouloir décohabiter que les non-diplômés et les diplômés du supérieur long (23 % contre 29 % et 33 %). La cohabitation peut donc être contrainte ou subie, et les jeunes qui vivaient chez leurs parents au cours de leur dernière année d’études ont également une trajectoire moins marquée par une décohabitation rapide et durable [encadré « Comprendre »] que ceux qui avaient déjà quitté le domicile parental (32 % contre 79 %).
Les trajectoires de décohabitation à l’issue du supérieur sont différenciées selon le statut de cohabitation pendant la dernière année d’études, mais aussi selon le niveau de diplôme du jeune [graphique 4].
Plus le niveau de diplôme de sortie du cohabitant est élevé, moins les trajectoires sont marquées par une cohabitation prolongée, et plus elles le sont par une décohabitation durable. C’est également le cas pour les décohabitants, parmi lesquels 90 % des diplômés du supérieur long ont connu une trajectoire marquée par une décohabitation rapide et durable.