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Les collégiens issus de milieu social favorisé partent davantage


Au cours de l’été 2018, 14 % des collégiens de 13 ans sont partis en colonie de vacances. Ces départs apparaissent très liés aux revenus des familles et à l’origine sociale. Plus les parents bénéficient de ressources financières importantes, plus les départs en colonie de vacances sont fréquents, et les enfants de professions libérales et de chefs d’entreprise bénéficient deux fois plus souvent de ce type de séjours collectifs que les enfants d’ouvriers. En ce sens, les colonies de vacances se distinguent peu des autres formes de séjours collectifs payants. Toutefois, d’autres facteurs influent spécifiquement sur l’accès aux colonies de vacances, comme la taille de la fratrie, l’emploi d’un parent dans les services à la personne ou la taille de la commune de résidence.


Les collégiens issus de milieu social favorisé partent davantage

 

Au cours de l’été 2018, 14 % des collégiens de 13 ans sont partis en colonie de vacances. Ces départs apparaissent très liés aux revenus des familles et à l’origine sociale. Plus les parents bénéficient de ressources financières importantes, plus les départs en colonie de vacances sont fréquents, et les enfants de professions libérales et de chefs d’entreprise bénéficient deux fois plus souvent de ce type de séjours collectifs que les enfants d’ouvriers. En ce sens, les colonies de vacances se distinguent peu des autres formes de séjours collectifs payants. Toutefois, d’autres facteurs influent spécifiquement sur l’accès aux colonies de vacances, comme la taille de la fratrie, l’emploi d’un parent dans les services à la personne ou la taille de la commune de résidence.

Les colonies de vacances s’inscrivent dans un contexte qui a connu au cours des dernières décennies de profonds changements. D’une part, l’allongement de la durée des congés et l’accroissement du niveau de vie rendent plus accessibles les vacances en famille. Par ailleurs, l’implantation et la gestion d’infrastructures de centres de vacances ont été abandonnées au profit d’une aide directe aux familles et de conventionnement de centres agréés. La montée en gamme des séjours proposés par les comités d’entreprise tend à favoriser les enfants de cadres et de professions intermédiaires, plus à même de profiter financièrement des tarifs proposés (Ménard 2013). Enfin, les caisses d’allocations familiales privilégient aujourd’hui l’aide au temps libre, qui finance notamment les centres aérés de proximité, tandis que l’aide aux vacances est réservée aux familles les plus défavorisées.

Pour mieux cerner la situation actuelle, l’INJEP et la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ont interrogé un échantillon de 12 000 collégiens sur les modalités de leur départ aux vacances d’été 2018 [encadré « Méthode »]. Cette enquête montre notamment que les conditions d’accès aux colonies de vacances sont aujourd’hui proches de celles des autres séjours collectifs payants, comme les stages et séjours sportifs ou les séjours linguistiques : les enfants des familles les plus aisées financièrement y accèdent plus fréquemment.

 

Deux tiers des collégiens de 13 ans sont partis en vacances sans leurs parents durant l’été 2018

À 13 ans, les vacances d’été constituent d’abord un moment de partage entre parents et enfants : 82 % des collégiens déclarent être partis avec leurs parents au cours des grandes vacances 2018. Toutefois, la durée des vacances scolaires excédant largement celle des congés des parents, un peu plus des deux tiers des collégiens (68 %) sont partis sans ces derniers.

Les séjours sans les parents au sein de la famille sont les plus fréquents, situation vécue par 42 % des collégiens au cours de l’été 2018. Viennent ensuite les séjours collectifs payants et les départs chez un copain qui drainent une part comparable de jeunes : respectivement 34 % et 32 %.

Parmi les séjours collectifs payants, plusieurs options s’offrent aux familles : les stages sportifs et les colonies de vacances 1 rassemblent respectivement 18 % et 14 % des collégiens, tandis que les séjours linguistiques et artistiques ne concernent que 8 % et 6 % d’entre eux.

 

Méthode

L’Enquête sur les activités des jeunes en dehors du collège

Les données utilisées dans cette étude sont issues de l’Enquête sur les activités des jeunes en dehors du collège, réalisée par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et la Direction de l’évaluation, la prospective et la performance (DEPP) qui ont interrogé, d’avril à août 2019, un échantillon de 14 632 élèves sur leurs activités dans quatre domaines : le sport, l’engagement associatif, les vacances et le travail scolaire à la maison. 13 179 des collégiens interrogés ont répondu à l’enquête en fournissant une réponse exploitable, ce qui porte le taux de réponse à 90,1 %.

Cette enquête s’insère dans le dispositif du panel d’élèves recruté au cours préparatoire en 2011 et suivi depuis cette date par la DEPP. Au moment où ils ont été interrogés, les collégiens avaient de 13 à 14 ans et étaient pour la plupart en classe de quatrième. L’interrogation portait sur les vacances de l’été 2018. La mobilisation des enquêtes Famille réalisées par ailleurs a permis de disposer d’informations robustes et complètes sur le milieu familial de l’élève ; ces informations ne permettent toutefois pas de calculer le quotient familial. Seuls les répondants dont les parents avaient répondu à l’enquête Famille de 2012 ont été retenus dans la population d’intérêt de l’étude, soit 12 258 élèves sur les 13 179 répondants initiaux. Une pondération a été calculée pour que ces élèves soient représentatifs de l’ensemble des élèves entrés pour la première fois au cours préparatoire en septembre 2011.

 

Plus la famille dispose de revenus élevés, plus les collégiens partent en colonie de vacances

Le départ d’un enfant en colonie de vacances résulte donc d’un triple arbitrage de la part des parents : faire partir leur enfant sans eux, avoir recours à un séjour collectif payant, et enfin préférer le départ en colonie de vacances plutôt qu’en stage sportif, artistique ou séjour linguistique. Ces différents arbitrages ne sont pas indépendants des ressources financières des familles. Jusqu’à 3 999 € de revenus mensuels, la part des collégiens partant en colonie dépend peu des revenus : elle varie seulement entre 10 % et 13 % [graphique]. En revanche, cette part devient nettement plus élevée à partir de 4 000 € de revenus mensuels des parents : elle s’élève à 18 % des collégiens pour des revenus entre 4 000 € et 5 999 € et atteint 28 % au-delà de 6 000 € ; c’est deux fois plus que la moyenne de l’ensemble des élèves.

On observe donc un clivage assez net autour du seuil de ressources mensuelles de 4 000 €. Les enfants des familles gagnant 4 000 € ou plus représentent 37 % des départs en colonie de vacances alors qu’ils ne sont que 25 % dans le panel 2011. Un tel résultat est bien en phase avec une enquête récente montrant que le coût constitue un frein à la fréquentation des colonies pour 59 % des familles (IFOP 2016).

Ce lien avec les revenus des parents n’est pas propre aux colonies de vacances. Il se retrouve pour toutes les formes de séjours collectifs. C’est pour les stages sportifs que ce lien est le plus prononcé : les jeunes dont les parents gagnent 6 000 € ou plus sont trois fois plus nombreux que ceux dont les parents gagnent moins de 1 200 € par mois à faire un tel stage. Par ailleurs, la fréquentation des séjours sportifs s’accroit régulièrement avec le niveau de revenus, y compris en deçà de 4 000 € : on ne retrouve donc pas le clivage binaire mis en évidence pour les colonies de vacances. Cette différence peut s’expliquer par les aides publiques aux vacances : attribuées aux familles les plus démunies, celles-ci pourraient contribuer à uniformiser les conditions d’accès aux colonies de vacances des enfants des familles gagnant moins de 4 000 € par mois.

 

Les enfants de cadres et de chefs d’entreprise partent deux fois plus souvent en colonie de vacances que ceux d’ouvriers

Selon le niveau de ressources ou la profession de leurs parents, les collégiens ne bénéficient pas des mêmes opportunités en matière d’accès aux colonies de vacances. Les départs des enfants appartenant aux familles les moins aisées sont facilités par les aides aux vacances mises en place par la Caisse nationale des allocations familiales et certaines mairies ou collectivités territoriales. Par ailleurs, les collégiens dont les parents travaillent dans une entreprise dotée d’un comité d’entreprise peuvent avoir accès aux colonies proposées par celui-ci.

Néanmoins, ce ne sont pas les enfants dont les parents partagent ces situations qui partent le plus souvent en colonie de vacances, mais ceux de chefs d’entreprise et de professions libérales : 27 % d’entre eux bénéficient de ce type de séjour contre seulement 10 % des enfants d’ouvriers qualifiés et d’employés d’entreprise.

Ce résultat suggère que les colonies de vacances proposées par les comités d’entreprise ne profitent guère aux salariés les plus modestes. Et de fait, plus les salariés en entreprise occupent des emplois qualifiés et plus leurs enfants partent en colonie de vacances. Ainsi, seulement 10 % des enfants d’employés d’entreprise partent en colonie de vacances, contre 14 % des collégiens dont les parents exercent une profession intermédiaire d’entreprise et 23 % des enfants de cadres d’entreprise. Les craintes que la montée en gamme des séjours proposés par les comités d’entreprise profite en priorité aux salariés bénéficiant des revenus les plus élevés (Ménard 2013) semblent donc justifiées.

Par ailleurs, malgré les aides sociales des caisses d’allocations familiales ou des mairies et collectivités locales auxquelles leur famille peut avoir accès, les enfants d’ouvriers et d’inactifs comptent parmi ceux qui partent le moins souvent en colonie de vacances : seulement 12 % des enfants d’ouvriers non qualifiés et d’inactifs et 10 % des enfants d’ouvriers qualifiés ont connu cette forme de séjour collectif. Toutefois, les enfants de personnels des services directs aux particuliers constituent une exception : 19 % d’entre eux sont partis en colonie de vacances au cours de l’été 2018.

Du fait de ces disparités sociales, les enfants d’employés, d’ouvriers et d’inactifs sont aujourd’hui sous-représentés parmi les collégiens qui partent en colonie de vacances : alors que 51 % de l’ensemble des élèves du panel 2011 présentent cette origine sociale, ils ne constituent que 41 % des collégiens ayant bénéficié de ce type de séjour. À l’opposé, la part d’enfants de cadres et de chefs d’entreprise est sensiblement plus élevée parmi les enfants partis en colonie de vacances que parmi l’ensemble des collégiens : 28 % contre 18 %.

 

 

Revenu et origine sociale pèsent à parts égales sur les chances de partir en colonie de vacances

Les départs des collégiens en colonie de vacances apparaissent donc très liés au niveau de revenu de leurs parents et à leur origine sociale. Mais ces deux aspects ne sont pas indépendants l’un de l’autre : un collégien a d’autant plus de chances de vivre dans une famille aisée financièrement que ses parents exercent une profession qualifiée. Pour mesurer précisément le lien que ces deux facteurs sont susceptibles d’entretenir en propre avec les départs en colonie de vacances, il convient de mettre en œuvre des analyses qui estiment séparément leurs effets : par exemple, mesurer l’effet spécifique du revenu à origine sociale ou niveau de diplôme comparables. D’autres variables que le niveau de revenu des parents ou l’origine sociale pouvant aussi influer sur les chances de bénéficier de ce type de séjour collectif, l’analyse a été étendue à l’ensemble des caractéristiques sociodémographiques mesurées dans l’enquête.

À autres caractéristiques sociodémographiques comparables, le lien entre les départs en colonie de vacances et les ressources financières des familles est confirmé. Mais seuls les collégiens vivant dans les familles dont le revenu mensuel est égal ou supérieur à 6 000 € par mois bénéficient d’une probabilité plus forte de partir en colonie de vacances : celle-ci est de 8 points supérieure quand les parents de l’élève gagnent 6 000 € par mois ou plus, par rapport à un élève dont les parents ont un revenu mensuel inférieur à 1 200 € [tableau]. Cette probabilité plus forte de départ des collégiens appartenant aux milieux les plus aisés se retrouve, de manière plus marquée, pour les stages sportifs.

Sur ces derniers comme pour les colonies de vacances, la probabilité toutes choses égales par ailleurs de bénéficier de tels séjours est aussi liée au niveau de diplôme des parents : à autres caractéristiques comparables, les enfants dont l’un des parents est diplômé de l’enseignement supérieur ont une probabilité plus forte d’en bénéficier — cette tendance étant, là aussi, plus prononcée pour les séjours sportifs que pour les colonies de vacances.

Par ailleurs, le lien entre l’origine sociale et la probabilité de départ en colonie de vacances reste significatif à autres caractéristiques familiales comparables, en particulier en tenant compte du niveau de diplôme et des revenus. Ainsi, les enfants dont les parents exercent une profession libérale ou sont chefs d’entreprise, ceux de cadres d’entreprise ou de personnels des services directs aux particuliers ont une probabilité plus forte de départ en colonie de vacances que les autres collégiens. L’ampleur des écarts est proche de celle associée au revenu. En comparaison d’un enfant d’ouvrier qualifié, un collégien dont les parents exercent une profession libérale ou sont chefs d’entreprise voit sa probabilité de partir en colonie de vacances augmenter de 7 points et ceux dont le responsable est personnel des services directs aux particuliers de 8 points.

Les disparités sociales de départ en colonie de vacances ne s’expliquent donc pas seulement par les inégalités de revenu ou de capital scolaire des parents. Une telle situation n’étonnera pas puisque, comme on l’a vu, les différents groupes sociaux ne bénéficient pas des mêmes opportunités d’accès aux colonies de vacances, ce qui peut expliquer, toutes choses égales par ailleurs, le maintien de tels écarts. Mais ceux-ci peuvent aussi résulter d’autres facteurs, non mesurés dans l’enquête, qui conduiraient les parents de certains groupes sociaux à avoir une appétence plus marquée pour les départs de leur enfant en colonie de vacances : conditions d’exercice de la profession, expérience personnelle des colonies de vacances dans l’enfance, intérêt quant à leur portée éducative, etc.

 

 

Une probabilité de départ plus élevée parmi les enfants de familles nombreuses

Le niveau de revenu et l’origine sociale ne sont pas les seuls facteurs qui influent, toutes choses égales par ailleurs, sur la probabilité de partir en colonie de vacances. À partir de trois enfants, les départs sont d’autant plus fréquents que la taille de la fratrie est importante : comparativement à un collégien de mêmes caractéristiques vivant dans une famille d’un ou deux enfants, un jeune qui a quatre frères et sœurs ou plus voit sa probabilité de partir en colonie de vacances augmenter de 7 points.

Ce lien avec le nombre de frères et sœurs ne s’observe ni sur les stages et séjours sportifs ni sur les autres formes de séjours collectifs payants. Il est donc spécifique aux départs en colonie de vacances et pourrait s’expliquer par la prise en compte du quotient familial dans le calcul des critères d’éligibilité et du montant des aides publiques, ce qui est de nature à faciliter les départs des enfants de familles nombreuses à bas revenus.

En outre, comme à leur origine (Downs 2009), les colonies de vacances semblent encore aujourd’hui destinées prioritairement aux enfants vivant en milieu urbain. En effet, plus les collégiens résident dans une grande ville, plus ils partent en colonie de vacances. À autres caractéristiques comparables, la probabilité de départ d’un collégien résidant dans l’agglomération parisienne est supérieure de près de 5 points à celle d’un collégien vivant en milieu rural.

1. Dans l’enquête, les départs en colonie de vacances étaient mesurés en demandant aux jeunes s’ils étaient « partis sans [leurs] parents avec un groupe organisé (colonies de vacances, scouts, mini-camp…) » : le terme « colonie de vacances », utilisé ici par commodité, inclut donc également camps scouts et mini-camps.

 

Sources bibliographiques

• Laura Lee Downs, Histoire des colonies de vacances de 1880 à nos jours, Perrin, 2009.
• IFOP, « Les Français et les colonies de vacances : nos jours heureux », Enquête pour la Jeunesse en Plein Air, 2016.
• Michel Ménard (rapporteur), « L’accessibilité aux colonies de vacances », Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Assemblée nationale, juillet 2013.